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Déclaration du gouvernement sur la place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l’épidémie de covid-19 suivie d’un débat

Nous débattons aujourd’hui d’une question cruciale pour l’avenir sanitaire et économique de notre pays. Dix mois après la survenue de la pandémie, l’arrivée d’un vaccin pour lutter contre la covid-19 suscite beaucoup d’espoirs chez nos concitoyens, car elle laisse entrevoir une porte de sortie à cette crise, qui met à rude épreuve l’ensemble de notre société. Elle suscite également des interrogations et des inquiétudes, qui interviennent dans un contexte de défiance à l’égard du Gouvernement, qui, par ses amphigouris, n’a pas su inspirer la confiance des Français pour gérer cette séquence sanitaire, oubliant, pour reprendre Jean Simard, que « les mots sont des oiseaux sauvages qu’on ne rattrape jamais, une fois lâchés. »

Le fiasco des masques, dont l’usage a été conditionné à l’état des stocks, a largement contribué à décrédibiliser votre action. C’est le cas également de la stratégie de tests qui n’a pas su prévenir la seconde vague en raison d’une embolie du système et de résultats donnés tardivement.

Cette défiance est aussi le résultat d’une gestion verticale, voire infantilisante, de l’exécutif, qui a mis de côté les corps intermédiaires, les élus locaux comme le pouvoir législatif, et qui a privilégié trop longtemps la puissance de feu d’un croiseur par crainte de manger son chapeau.

Plus concertée, la stratégie vaccinale, annoncée le 4 décembre par le Gouvernement, marque une nouvelle étape dans la lutte contre cette pandémie. Si ces mesures vont dans le bon sens, en permettant une priorisation des publics tout en s’appuyant sur la médecine de ville, des incertitudes demeurent sur la déclinaison concrète et opérationnelle des campagnes de vaccination, notamment sur l’organisation du transport des vaccins ou sur les lieux de vaccination. Qui assurera le transport ? Qu’en sera-t-il de l’accès aux vaccins dans les déserts médicaux ? Nous attendons de ce débat qu’il nous éclaire sur ces différentes questions.

La sensibilité politique que je représente est culturellement et historiquement, par son rapport à la science, un défenseur de la vaccination, non seulement parce que celle-ci permet à chacun de se protéger d’un virus, mais également parce qu’elle constitue un acte collectif, qui vise à protéger les autres dans le but d’atteindre une immunité de groupe. C’est pourquoi tout doit être fait pour garantir un accès le plus large possible au vaccin dans la population, une fois que nous disposerons des validations des autorités sanitaires compétentes aux niveaux européen et national.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine souscrit pleinement à la gratuité du vaccin comme à son caractère non obligatoire. Ces conditions nous paraissent essentielles pour lever les craintes qu’expriment certains de nos concitoyens. « Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière », disait Émile Zola.

Alors que l’adhésion à la vaccination était encore large il y a quelques années, le niveau de défiance est désormais l’un des plus élevés d’Europe. Plutôt que dans la vaccination elle-même, les explications de ce phénomène sont à rechercher dans la crise démocratique profonde qui touche notre pays, comme dans les dérives liées à la financiarisation de l’industrie pharmaceutique sur fond de multiplication des scandales sanitaires : qui a crevé les yeux des hommes leur reproche d’être aveugles !

Dans la mise en œuvre de votre stratégie, la confiance sera donc primordiale, mais celle-ci ne se décrète pas, elle se construit. C’est la raison pour laquelle toute la transparence doit être faite sur la stratégie vaccinale du Gouvernement et sur les modalités de production et de distribution des vaccins.

Cela suppose, tout d’abord, de faire la lumière sur les contrats passés par l’Union européenne avec les laboratoires pharmaceutiques, sur les sommes d’argent public versées, sur le coût des vaccins et sur les garanties demandées aux industriels. Alors que certains laboratoires comme Pfizer sniffent déjà les marges qu’ils pourraient dégager, il apparaît impératif que tous les vaccins soient commercialisés à prix coûtant. Il est inacceptable que cette pandémie alimente l’addiction à la poudre blanche des profits.
Cela suppose de renforcer les moyens et les outils publics dédiés à la pharmacovigilance, afin de disposer des connaissances sur les effets secondaires des vaccins qui pourraient apparaître dans la population et de mettre en place les procédures pour les éviter.

Cela suppose aussi de répondre à toutes les inquiétudes, même les plus légères, comme celle qui m’a été décrite cet après-midi sur un éventuel danger de se faire vacciner en étant porteur du virus. Il n’y a pas de petites inquiétudes !

Cela suppose également d’associer, à chaque fois que c’est possible, les citoyens, les élus locaux et, plus largement, les acteurs de la société civile à la stratégie de vaccination. Aussi, la mise en place d’un collectif citoyen parallèlement à la création d’un conseil d’orientation de la stratégie vaccinale va-t-elle dans le bon sens. Cependant, nous nous interrogeons toujours sur sa composition et ses prérogatives précises.

Cela suppose, enfin, que le Parlement ne soit pas relégué au rôle de spectateur. C’est pourquoi nous vous proposons de prendre date dès maintenant, monsieur le Premier ministre, afin qu’un débat de la même nature ait lieu dans cet hémicycle en mars prochain. Nous aurons alors le recul nécessaire pour évaluer les premières phases de vaccination chez les personnes âgées et les personnes les plus fragiles face au virus.

Outre la confiance démocratique, notre pays doit retrouver sa pleine souveraineté, qu’elle soit sanitaire, économique ou industrielle. Chacun l’a constaté, cette crise sanitaire a passé notre pays au révélateur.

Elle a montré l’affaiblissement et la relégation de la France dans des domaines qui faisaient auparavant sa force, conséquences des politiques néolibérales et du dogme de la réduction des dépenses publiques.

Notre modèle social a été abîmé, comme en témoignent la paupérisation de l’hôpital public, la dégradation des conditions de travail des personnels soignants, la pénurie de lits ou le manque d’équipements de protection constaté en plein milieu de la première vague. Les rapports des deux commissions d’enquête parlementaires sur la gestion de la crise sanitaire ont largement relayé ces constats.

Il faut aussi souligner l’affaiblissement de notre modèle industriel dans le secteur du médicament. Malgré la présence de fleurons, nos outils de production industrielle font désormais défaut sur le territoire national. Les pénuries de médicaments et d’équipements se sont multipliées sous l’effet des délocalisations dans les pays à bas coût de production. La faute aussi à la financiarisation du secteur pharmaceutique, qui exige des taux de rentabilité toujours plus indécents, au point qu’un groupe comme Sanofi se désengage de la production des principes actifs les moins rentables en créant une structure autonome. En négligeant notre souveraineté sanitaire, nous nous sommes placés dans une situation de double dépendance économique et sanitaire à l’égard des grandes firmes pharmaceutiques.

Enfin, notre modèle de recherche publique, qui faisait figure d’excellence, a souffert de l’insuffisance de financements alors que nous disposons de très grands chercheurs. La recherche publique a ainsi été délaissée dans les domaines des virus respiratoires et des vaccins ARN où nous étions pourtant en pointe. Nous aurions certainement pu anticiper et élaborer un vaccin avant que ne survienne la pandémie, grâce aux organismes publics reconnus que sont le CNRS – Centre national de la recherche scientifique – ou l’Institut Pasteur.

Tous ces constats appellent de nouvelles orientations et des moyens publics renforcés. La santé et les vaccins sont des biens communs qu’il nous faut placer en dehors des lois du marché. Le Gouvernement doit jouer pleinement son rôle au plan international pour que le vaccin contre la covid-19 soit déclaré « bien public mondial », afin d’ouvrir les brevets et de garantir son accès au plus grand nombre, notamment aux pays pauvres. Tel est l’objectif de la campagne d’initiative européenne– ICE –, lancée par le parti communiste français et treize autres partis européens pour un vaccin accessible à tous.

Face à l’emprise des logiques privées, la priorité doit être de poursuivre la réappropriation publique et citoyenne des vaccins et des médicaments. Depuis longtemps, nous, parlementaires communistes, défendons l’idée d’un pôle public du médicament et de la recherche, qui serait le support d’une maîtrise publique de la production et de la distribution de vaccins et de médicaments. Cette proposition, qui vise à restaurer notre indépendance sanitaire, doit être débattue.

Enfin, la création d’un vaccin ne doit pas nous exonérer d’élaborer une stratégie sanitaire globale pour lutter contre les risques pandémiques. Elle s’articulerait autour de plusieurs priorités : le renforcement massif de notre système public de santé, le développement d’une politique de prévention et des moyens publics – je dis bien « publics » – pour la recherche sur les vaccins et les traitements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

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