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Défense : insertion des jeunes en difficulté (ratification des ordonnances n° 2005-883 et n°2007-465)

 
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les ministres, Chers collègues,
Le texte qui nous est proposé ici vise à ratifier deux ordonnances. Le projet de loi décline en conséquence toute une série de mesures d’actualisation et de modification du code de défense et du code civil.
Je commencerai par vous exposer quelques réflexions sur l’ordonnance du 2 août 2005. Comme vous le savez, celle-ci a mis en place, au sein des institutions de défense, un dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté.
Autant vous le dire tout de suite, j’approuve cette innovation, appelée « Défense deuxième chance ». Destinée à l’insertion des jeunes de 18 à 21 ans en échec scolaire et en voie de marginalisation sociale, celle-ci les fait bénéficier d’une formation d’une durée comprise entre six mois et un an.
Adaptée à leur situation, cette formation comprend à la fois un apprentissage des règles de la vie en société, une remise à niveau scolaire, des activités sportives et une formation professionnelle et finit par un diplôme pouvant servir à l’obtention d’un C.A.P..
Après deux ans de fonctionnement, il s’avère qu’il est souhaitable d’étendre ce dispositif aux volontaires âgés de plus de 22 ans révolus.
Cette rallonge, approuvée au cours des travaux de la Commission Défense, va selon moi dans la bonne direction. Toutefois, je constate qu’il restera des situations dans lesquelles les volontaires, à la sortie des centres, seront en grande difficulté matérielle.
Car en réalité, les personnes concernées restent au maximum 24 mois dans les centres, ce qui implique, pour les plus âgés, d’avoir encore une longue année à attendre avant de pouvoir bénéficier du R.M.I. à leur sortie des établissements.
Bien entendu, le drame de l’inexistence d’un revenu minimum décent octroyé aux jeunes de moins de 25 ans ne sera pas réglé dans le cadre de la présente discussion du projet de loi qui nous réunit. Pour autant, il ne me semble pas souhaitable de les laisser au bord de la route.
En plus de ce bémol, je tiens à vous faire part de mes inquiétudes sur la viabilité de ce dispositif en terme de moyens de fonctionnement. En effet, si pour 2008 les préoccupations ont été entendues, il s’agit maintenant d’être extrêmement vigilant sur son avenir à long terme. En particulier, pour chaque budget, ce programme devra pouvoir trouver les moyens de ses ambitions.
J’en suis pleinement convaincu : avec le parcours proposé, ces jeunes ont une occasion à saisir pour devenir des travailleurs comme les autres.
J’estime d’ailleurs qu’une généralisation à tous les ministères et à toutes les institutions publiques de ce type de dispositif serait très bénéfique.
En fait, notre pays en aurait grand besoin, car nous le constatons tous les jours : la situation sociale s’aggrave terriblement.
Et la politique qui est menée n’y est certainement pas étrangère.
Pour ce qui est de la politique de défense, par exemple, je ne peux pas passer sous silence le rapport rendu le 25 mars dernier à Nicolas Sarkozy, car il s’agit ni plus ni moins qu’une mise au pain sec de l’armée !
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les effectifs vont être réduits drastiquement, exactement de 34.966 emplois de soldats entre 2008 et 2014, auxquels il faut ajouter 16.829 emplois civils, essentiellement des ouvriers de l’État.
Aucune activité, que ce soit l’alimentation, l’habillement, les simulateurs ou encore les travaux d’infrastructures, n’échappera aux externalisations.
C’est donc avec amertume que je constate, une nouvelle fois, que le sacrifice du soutien se poursuit, ainsi que ce que je qualifie volontiers de « dégraissage des armées ».
En particulier, ce n’est pas la première fois que je vous fais part de mon sentiment, mais c’est à se demander si le personnel civil a encore une place au ministère de la défense !
La fameuse « révision générale des politiques publiques », ou plutôt devrais-je dire, la « destruction générale des politiques publiques », n’épargne pas non plus la défense. C’est ainsi que 53 implantations nationales seront fermées, tandis que 109 sites seront « allégés ».
Là, se situe, à mon sens, une contradiction majeure : d’un côté, la volonté de promouvoir l’insertion professionnelle de la jeunesse, et de l’autre, la suppression d’emplois, et donc, autant de possibilités d’insertion en moins.
Pour le reste de ce projet de loi, concernant la ratification de l’ordonnance du 29 mars 2007, relative au statut du personnel militaire, les changements et ajouts de la partie législative, aussi utiles qu’ils puissent être, ne constituent pas une révolution.
Si ce « toilettage législatif » comporte une multitude de dispositions permettant d’adapter le cadre juridique applicable aux militaires, je n’en retiendrai ici que quelques-unes :
La modification du code civil, qui étendra le bénéfice du mariage par procuration, actuellement réservé aux militaires, aux personnes employées à bord des bâtiments de l’État et aux marins de l’État.
La prise en compte du pacte civil de solidarité, à l’occasion des demandes de mutation et de l’étude de la situation familiale du militaire.
Le maintien pour les volontaires ayant signé un contrat dans le cadre du dispositif « Défense deuxième chance » de leur allocation mensuelle, en cas de congé maladie, maternité, d’adoption ou d’incapacité temporaire de travail liée à un accident ou une maladie.
Je n’occulterai point l’extension du bénéfice du dispositif d’allocation chômage aux militaires de carrière. En effet, il est proposé d’étendre ce dispositif à tous les militaires « qui quittent le service », sans que leur statut ou les motifs de leur départ aient une quelconque influence sur l’octroi de cette allocation.
L’assurance chômage était jusqu’à présent réservée aux agents relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière, ainsi qu’aux agents non fonctionnaires de l’État.
Il me semble tout à fait normal de faire bénéficier les militaires de carrière de l’allocation d’assurance chômage dans les mêmes conditions que les autres travailleurs.
De ce point de vue, la loi semble tirer toutes les conséquences de la politique de casse de l’emploi qui est menée !
Par ailleurs, si la montée en puissance de la réserve opérationnelle justifie des améliorations, notamment pour permettre aux réservistes d’être employés par des organismes de l’État qui ne sont pas placés sous la tutelle du ministère de la défense, comme par exemple le secrétariat général de la défense nationale, il me semble par contre inconcevable que soit envisagé de mettre des réservistes opérationnels à la disposition de l’O.T.A.N..
C’est avec regret que je constate, notre alignement progressif sur l’O.T.A.N.. La page d’histoire de notre indépendance et de l’autonomie de notre défense, ouverte par le général de Gaulle et poursuivie par tous ses successeurs, se referme. Je tiens d’ailleurs à relever, que contrairement à ce que j’entends ici et là, la brèche date déjà de la ratification du Traité de Lisbonne.
Enfin, concernant l’alinéa 6 de l’article 3, relatif aux dispositions des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que les dispositions prévues en matière de blessures de guerre et de délégation de solde des militaires qui participent à des opérations extérieures, j’ose espérer que cette simplification ne trouvera pas à s’appliquer pour le bataillon envoyé en Afghanistan !
Cette simplification sera, pour les 700 familles concernées, une bien maigre consolation. Mais à défaut d’une remise en cause de l’aveuglement et de l’entêtement du Gouvernement dans ce conflit, à défaut d’une révision totale de notre stratégie qui s’enlise, oui, je le dis ici, nous devons bien cette simplification aux familles !
J’en termine ainsi, en prenant bonne note du fait que toute la minutie de notre besogneux travail de parlementaire n’effacera jamais l’affront que nous subissons et l’humiliation que nous ressentons, quand les sujets les plus graves, les plus fatidiques, quand les décisions les plus importantes pour notre défense et nos armées, nous passent très allègrement au-dessus de la tête.
Particulièrement inquiet du tournant atlantiste de la politique de défense de notre pays et de la casse du service public qui concerne aussi la défense, le groupe G.D.R. votera contre ce texte.
Je vous remercie de votre attention.

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Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)
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