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Défense : réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13 février 2010, cela fera cinquante ans que le premier essai nucléaire a eu lieu au Sahara. C’est dire le temps qu’il aura fallu pour que le Gouvernement reconnaisse enfin, par le dépôt de ce projet de loi, les dramatiques conséquences qu’ont eues les essais nucléaires au Sahara et en Polynésie sur la santé des militaires, des civils et des populations, ainsi que sur l’environnement.
De fait, ce texte marque la reconnaissance d’un mensonge d’État. Mais, pour en arriver là, il aura fallu que les victimes de ces essais s’organisent en associations. Je pense notamment à l’AVEN, l’Association des victimes des essais nucléaires, créée en 2001, et à Moruroa e tatou en Polynésie. Nombreux sont ceux qui sont décédés dans de terribles souffrances, et la liste des victimes s’allonge chaque année. Permettez-moi de rendre hommage à l’une d’entre elles en particulier, le docteur Valatx, ancien président de l’AVEN, décédé il y a quelques mois et qui fut à l’origine, avec Bruno Barrillot, expert chargé de la commission d’enquête en Polynésie en 2005, de la création de cette association. Pour que ce projet voie le jour, il aura fallu également le dépôt de plusieurs propositions de loi émanant de tous les groupes de l’Assemblée nationale. Ces propositions, si elles allaient toutes dans le même sens, n’étaient pas identiques.
Vous le savez, monsieur le ministre, un grand espoir est né de voir les victimes demander la reconnaissance et l’indemnisation des conséquences de ces essais sur leur santé et l’environnement. Elles ont été vivement soutenues par des Français toujours présents lorsqu’il s’agit de défendre de grandes causes. Je pense en particulier à Mgr Gaillot, à Raymond Aubrac, aux représentants de la FNACA et de l’ARAC.
C’est exact. Je pense également à des scientifiques de renom et à des artistes qui se sont engagés dans ce combat. Je veux également souligner le rôle éminent joué par Me Tessonnière. Le directeur général de Handicap International fut le premier des 20 000 pétitionnaires qui ont soutenu cette démarche.
Aujourd’hui, la question que se posent les victimes est la suivante : le projet de loi va-t-il enfin permettre de réparer les conséquences de ces essais et les souffrances terribles endurées par toutes ces familles ? Pour le moment, la réponse est non. En effet, le projet adopté par la majorité de la commission de la défense – et non à l’unanimité, comme on l’a dit – ne permettra pas, malgré quelques timides avancées, de faire droit à leurs revendications.
Ainsi, il ne retient ni la présomption de lien de causalité entre l’exposition aux essais et les maladies développées par les civils et les militaires, ni un élargissement clair à certains ayants droit, ni la prise en compte des effets postérieurs aux dates mentionnées par le projet de loi. Je déplore également l’absence des associations représentatives dans la commission d’indemnisation,…
…l’absence de création d’un fonds d’indemnisation, comme c’est le cas pour l’amiante, ainsi que la mise en place d’un comité de suivi au rabais par rapport aux ambitions des associations – absence de suivi des maladies de l’environnement – et le refus d’une retraite anticipée sur le modèle de celle dont bénéficient les salariés de l’amiante.
Aussi attendons-nous de l’Assemblée nationale qu’elle enrichisse sérieusement ce texte. Celui-ci a le mérite d’exister, monsieur le ministre ; je vous en donne acte : c’est la première fois qu’est déposé un tel projet de loi, qui fait d’ailleurs l’objet d’amendements communs.
Mes chers collègues, j’appelle solennellement chacune et chacun d’entre vous à prendre ses responsabilités face à ce projet de loi qui, dans son texte comme dans son esprit, confie tout pouvoir aux administrations et au ministre.
Ce débat en séance publique est le premier depuis bientôt cinquante ans, l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de l’Assemblée nationale a rendu un rapport sur le sujet et le délégué national à la sécurité nucléaire du ministère de la défense a été auditionné par la commission de la défense du Sénat. Pourtant, le temps de parole de notre groupe est limité à dix petites minutes. En tout état de cause, après avoir consulté les associations et les victimes, nous estimons, avec mon ami Jean-Jacques Candelier et les autres membres de notre groupe, que votre projet, monsieur le ministre, n’est pas satisfaisant.
Vous êtes, certes, plein de bonnes intentions. Mais le processus d’indemnisation est verrouillé et les décrets ont été rédigés dans le même esprit. Lorsque j’ai demandé à qui de droit combien de personnes seraient concernées, on m’a répondu : 350, 500. On préjuge de leur nombre, alors qu’il faudrait examiner objectivement l’ensemble des dossiers.
Du sort de certains des amendements que nous avons à nouveau déposés et que nous défendrons âprement dépendra notre vote, car rien n’est acquis. Chacun sera jugé sur son vote.
 

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Maxime
Gremetz

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