Interventions

Discussions générales

Economie : faciliter le maintien et la création d’emplois

Mes chers collègues, il faut quand même oser mettre dans le titre de la proposition de loi qui nous est soumise qu’elle est faite « pour faciliter le maintien et la création d’emplois » ! C’est pourtant ce que fait la majorité dans le cadre de la niche parlementaire qui lui est réservée.
Vous n’imaginez même pas comment les gens réagissent à cela ! Vous le verrez dans vos circonscriptions.
Force est de constater que les deux articles qui pouvaient être intéressants, même s’ils étaient insuffisants, sont tombés sous le coup de l’article 40. Dans ces conditions, quel est l’intérêt de discuter de ce texte, eu égard au dispositif existant ?
L’article 8 concerne le crédit d’impôt pour les contrats de professionnalisation dans les petites entreprises. En faisant jouer l’article 40, c’est le pouvoir réglementaire qui reprend la main. En fait, on dit aux députés qu’ils ne sont pas capables de légiférer dans ce domaine. La façon dont on traite les droits du Parlement et des parlementaires est extraordinaire !
Alors que la situation de la France est dramatique dans ce domaine – 23 % des moins de vingt-cinq ans sont au chômage, contre 15 % en moyenne en Europe – l’article 12, qui prévoyait le rétablissement de l’allocation équivalent retraite pour 2009, a lui aussi été déclaré irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution.
Je me demande donc pourquoi on discute de cette proposition de loi alors que les deux dispositions qui étaient attendues ont été supprimées.
C’est le Gouvernement qui dit : « Attention, c’est moi qui vais rétablir l’AER ! » Il ne veut même pas laisser les députés tirer le bénéfice d’une telle proposition ; je n’invente rien, c’est la réalité.
Le Gouvernement promet de la rétablir par un amendement : non seulement il s’agit d’une méthode sinistre à l’égard des parlementaires mais, surtout, comment se contenter d’un rétablissement pour un an alors qu’un grand nombre de travailleurs, qui ont travaillé plusieurs années et ne retrouveront pas d’emploi – nous le savons déjà – devraient en bénéficier de façon définitive ? Ce ne serait que justice !
Quant aux autres dispositions, elles n’auront aucune efficacité : en revanche, elles comportent des dangers.
Face à la situation dramatique caractérisée par la baisse du pouvoir d’achat et la hausse considérable du chômage – 3 000 chômeurs de plus par jour : tel est le rythme actuel -, vous présentez un texte qui vise à s’attaquer au problème de l’emploi : à votre avis, comment les gens vont-ils réagir ? La situation actuelle se traduit par des centaines de milliers de licenciements d’intérimaires, par des plans de licenciements et de délocalisations pour le seul profit des actionnaires et vous prétendez, avec cette proposition de loi, faciliter le maintien et la création d’emplois ! Avouez que le texte ne va pas bien loin.
Je connais une expression picarde que je ne vous livrerai pas car elle ne serait pas bien reçue dans cet hémicycle ! Je dis donc simplement que vous proposez un cautère sur une jambe de bois, un cautère qui, de plus, fait mal !
L’UMP et le Gouvernement veulent une fois de plus donner l’illusion qu’ils prennent des mesures en faveur de l’emploi. Or votre bilan économique, financier et social montre que, à l’heure actuelle, vous cassez l’essentiel de notre potentiel économique, culturel et technologique avec un seul objectif : permettre aux groupes multinationaux, industriels et financiers, aux banques et aux actionnaires responsables de la crise du système, de la faire payer aux couches populaires. Avec ce texte, vous continuez de privilégier les responsables de la crise.
Vous osez proposer entre autres solutions « le développement du télétravail », lequel, fondé sur un accord de 1985 qui n’avait pas été signé par tous les syndicats, ne concerne, comme Mme la secrétaire d’État nous l’a rappelé, que 7 % des salariés. Comme si les fermetures d’entreprises ne frappaient pas aussi les sous-traitants, les travaux annexes et le télétravail ! Prenons l’exemple de Continental : combien de sous-traitants ou de salariés concernés par le télétravail disparaîtront-ils ? Sans développement industriel ni technologique, il n’y a pas de télétravail. Celui-ci va encore baisser : drôle de solution !
L’article 10, quant à lui, vise à mobiliser les maisons de l’emploi en faveur du développement du télétravail ; aviez-vous les pieds sur terre, monsieur le rapporteur, en formulant cette proposition ? Les personnels des maisons de l’emploi n’arrivent déjà pas à faire face à toutes les demandes qui s’amoncellent compte tenu de l’augmentation du nombre des licenciements et des restructurations ; ils ne sont pas assez nombreux pour traiter efficacement les dossiers dont ils ont la charge ; ils font grève en raison d’effectifs insuffisants, et vous voulez leur donner une mission supplémentaire : le développement du télétravail ! Extraordinaire !
Allez dans les maisons de l’emploi et vous verrez combien les personnels sont submergés par le nombre croissant de chômeurs tout en souffrant d’un manque de moyens humains et d’une préparation insuffisante à leurs missions. C’est tout simplement se moquer du monde que de leur en donner une nouvelle !
Quant aux groupements d’employeurs, dont la création date de 1985 – je l’ai dit – il s’agit d’une autre baliverne ! L’existence de ce dispositif ne me gêne pas : je crois même que nous avons voté pour sa création. Il faut toutefois tirer les enseignements de son efficacité puisqu’il n’a concerné que 35 000 salariés en vingt-quatre ans. Quelle remarquable, quelle redoutable efficacité ! Pourrait-on faire mieux ? On peut toujours rêver : comment en effet se grouper alors qu’un grand nombre de PME disparaissent ? C’est une mauvaise plaisanterie que de prétendre s’attaquer à la question de l’emploi en recourant à ce dispositif. Vous avez fait preuve d’euphorie.
De plus, avez-vous prêté attention aux déclarations des syndicats sur le prêt des salariés ? Moi qui ai été un militant syndicaliste, j’aurais réagi de la même façon qu’eux. À qui va-t-on prêter des salariés alors qu’on en licencie par centaines de milliers ? Va-t-on prêter à Continental, qui est sur le point de fermer un site de 1 100 salariés, ceux que Goodyear s’apprête à licencier ? Je le répète : c’est se moquer du monde ! Dans quel univers vivez-vous ? La précarité touche des centaines de milliers de personnes, des jeunes surtout, notamment au travers du chômage partiel, et vous nous parlez de prêtez de la main-d’œuvre ! À qui allez-vous prêter de la main-d’œuvre en Picardie où soixante-dix-neuf groupes licencient, dont certains pour délocaliser ?
Par ailleurs, qu’est-ce que cela signifie, « prêter des salariés » ? C’est mettre en cause leur dignité ! Les salariés méritent mieux que cela.
Le seul cas est celui d’un ministre du travail qu’on licencie puisqu’on le rend directement à la société civile !
Cette mesure – je partage sur ce point l’opinion des syndicats – met en cause le respect qu’on doit à la dignité des salariés tout en constituant un leurre ; j’ai indiqué pourquoi.
Mesdames et messieurs de la majorité, comme le Président de la République, vous vous êtes mis à l’heure de la communication, des faux-semblants et des effets d’annonce. Prenez garde toutefois ! Avez-vous vu la baisse de la confiance que nos concitoyens accordent au Président de la République ? Or les citoyens sont plus près des députés. Ils vous jugeront à vos actes et à vos votes sur une telle proposition de loi, avec les dangers qu’elle comporte.
Si vous manquez d’imagination et de propositions sérieuses en vue de vous attaquez réellement au problème de l’emploi, je peux vous en suggérer quelques-unes, qui vous seront soumises, ici même, jeudi 28 mai, par le groupe GDR. Des propositions, il en existe : encore faut-il avoir le courage de les appliquer !
Nous vous présenterons des mesures concrètes visant à prévenir et à interdire les licenciements économiques et à sauvegarder l’emploi. Si l’on accepte sans rien dire que des entreprises, qui réalisent des profits extraordinaires et dont les actionnaires s’enrichissent, licencient, alors vous pourrez faire ce que vous voudrez, il ne se passera rien. Il est possible de prendre des dispositions efficaces dont certaines relèvent du domaine législatif. Il faut en effet avoir le courage de légiférer, comme certains l’ont suggéré, sinon, aucune mesure ne sera efficace ; je vous le dis même si je sais d’avance que je n’arriverai pas à vous convaincre.
C’est ainsi que nous proposerons d’augmenter les salaires, de les maintenir dans leur intégralité en cas de chômage technique et de protéger les demandeurs d’emploi. Nous voulons également améliorer l’indemnisation des salariés en cas de licenciement économique et renchérir le coût de celui-ci pour inciter les employeurs à n’y procéder qu’en ultime recours : il faut les en dissuader !
Vous prétendrez que ces mesures sont révolutionnaires. Non, il s’agit de dispositions nécessaires si nous voulons protéger et développer l’emploi tout en préservant notre outil industriel et technologique. Regardez tout ce qui ferme ou part ! Ce sont autant de moyens que la France voit disparaître.
Nous proposerons également des mesures de justice sociale : il ne saurait y avoir de créations d’emplois sans relance par la consommation et la justice sociale.
Il faudrait également lutter contre les paradis fiscaux – ce qui permettrait de « récolter du blé » pour investir –, et répartir de manière plus équitable les revenus au sein de l’entreprise ; c’est la question des trois tiers.
Enfin, il faut promouvoir une autre utilisation de l’argent qui permette de sortir de la crise en privilégiant l’emploi et l’investissement plutôt que la spéculation financière, laquelle continue aujourd’hui de sévir.
Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs de l’UMP cette proposition en trompe-l’œil, amputée, de plus, par le couperet de l’article 40, n’est que poudre aux yeux. Elle est même dangereuse pour les droits des salariés en raison de la mise en cause, que vous poursuivez, du code du travail.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette proposition de loi.

Imprimer cet article

Maxime
Gremetz

Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

Sur le même sujet

Affaires sociales

A la Une

Thématiques :

Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Culture et éducation Voir toutes les thématiques