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Egalité Femmes Hommes (2ème lect.)

Madame la présidente, madame la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici en deuxième lecture d’une loi qui touche à une question fondamentale du présent et du devenir de notre société, je veux parler de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Tout droit nouveau acquis par et pour les femmes contribue à un recul des dominations, à un pas vers une avancée de civilisation. Nos récents débats, ici, montrent combien ce sujet est malheureusement d’une actualité brûlante. Nous avons pu constater, en effet, combien les mentalités reléguant les femmes au foyer ou à leur rôle de génitrice n’avaient, malheureusement, pas encore disparu ! Rappelons-nous le débat, ici même, sur le droit à l’IVG et la contestation par certains extrémistes, en France et en Europe, d’une conquête des femmes dont nous devrions célébrer l’an prochain le quarantenaire.
À l’heure où une pression idéologique conservatrice se fait de plus en forte, il importe de réaffirmer que toute avancée progressiste de notre société passe par une avancée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Et je suis de celles et ceux qui pensent que le féminisme est un formidable vecteur d’émancipation pour toute la société.
C’est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir de pouvoir disposer d’une nouvelle loi pour faire avancer l’égalité et les droits des femmes. Nous devons rester mobilisés pour qu’à l’école, par exemple, cette éducation à l’égalité puisse se poursuivre et avancer. Vous allez, je l’espère, madame la ministre, nous rassurer sur les suites données à l’ABCD de l’égalité.
Nous savons que la loi ne fait pas tout, mais nous savons aussi qu’elle permet aux individus, à la société d’acter des droits nouveaux, de notifier des acquis, de conquérir de nouvelles libertés. Si cela est vrai pour toute la société, je pense que cela est encore plus vrai pour libérer les femmes du carcan que font peser sur elles les dominations patriarcales ancestrales.
Il faut donc saluer une loi-cadre qui porte sur tous les domaines de la vie des femmes.
Toutefois, j’avais déjà fait part, en première lecture, des attentes des femmes et des associations féministes envers une telle loi, et donc témoigné aussi de la déception sur un certain nombre de questions à l’égard de la loi adoptée en première lecture.
À mes yeux en effet, nous n’avions pas pu nous doter d’une loi suffisamment ambitieuse et permettant réellement des avancées tangibles pour la vie et les droits des femmes sur un certain nombre de problématiques. Nous nous souvenons des conditions chaotiques dans lesquelles nous avons eu à en débattre. Cela nous a certainement privés du temps nécessaire et de la sérénité indispensables au débat de fond sur certaines questions.
C’est particulièrement vrai à propos du travail et de l’égalité salariale. Nous avions la possibilité, sur ce sujet, de prendre enfin des décisions pour que la force de la loi prévale sur le laissez-faire et le libéralisme. Nous avons tous et toutes été d’accord pour constater la persistance des inégalités professionnelles. D’accord aussi pour dire qu’elles étaient liées aux affres des dominations patriarcales à l’œuvre dans la société et au rôle assigné à la femme dans ce cadre. Par contre, je déplore que nous n’ayons pas été suivis sur les mesures efficaces à prendre pour y remédier.
Pour gagner l’égalité salariale, il faut nous donner les moyens d’agir vraiment, au sein des entreprises, sur ce qui produit de l’inégalité. Et le temps partiel en est une des dimensions essentielles. Les femmes constituent 82 % des salariés à temps partiel et l’on sait que désormais, nombre d’employeurs ne leur proposent que cela. Il faut donc agir à la source, en pénalisant vraiment ceux qui y recourent systématiquement. C’est pourquoi je souhaite que cette deuxième lecture nous permette d’adopter des dispositions allant dans ce sens. Madame la ministre, il est de notre devoir de responsables politiques de dire par la loi que la règle n’est pas de proposer des emplois à temps partiel aux femmes, les obligeant à n’avoir que des salaires partiels avec des vies partielles et des retraites partielles. Temps partiel et précarité, voilà le lot de nombreuses femmes dans le travail. Or elles veulent vivre de leur métier pour garantir leur indépendance.
C’est pourquoi madame la ministre, je profite de l’occasion pour vous interpeller sur la situation des artistes et professionnelles du spectacle qui sont en lutte. Car si elles sont des intermittentes au regard de leur contrat de travail, c’est bien en permanence que la vie culturelle de notre pays a besoin d’elles pour exister. Et c’est pourquoi il faut faire reconnaître aux intermittentes leur droit à la maternité et donc à un congé maternité rémunéré. J’espère qu’une nouvelle négociation le permettra.
Deuxième axe sur lequel le projet doit être amélioré : la situation des femmes étrangères. Là aussi, nous avons une responsabilité. Nous ne pouvons pas céder aux discours d’exclusion à leur égard, en nous éloignant toujours davantage des valeurs qui fondent notre République : liberté, égalité, fraternité.
Ces femmes attendent de nous une protection, le respect de leur accès aux droits pour exister en tant qu’individus à part entière, pour vivre librement et être reconnues dans leur dignité d’être humain. Je recevais récemment à ma permanence une jeune femme d’origine étrangère. Elle est venue rejoindre un compagnon en France et est tombée enceinte. Celui-ci l’a répudiée, sa famille à l’étranger l’a rejetée parce que non mariée et enceinte. Elle est aujourd’hui sans papiers et n’a aucune possibilité de travailler, ni de se loger. Ce sont de tels cas qu’il faut traiter dans cette loi, en assurant à ces femmes une carte de séjour leur ouvrant le droit au travail. Ne nous arrêtons pas au milieu du gué.
Depuis notre première lecture, nos collègues du Sénat ont apporté quelques améliorations concernant les indemnisations chômage ou la lutte contre les violences. Par contre, ils ont supprimé un certain nombre de dispositions que notre commission des lois a heureusement rétablies. Je regrette toutefois que la disposition que nous avions introduite en faveur du droit au logement des femmes victimes de violences, supprimé par nos collègues, n’ait pas été rétablie. Vous dites, monsieur le rapporteur, qu’elle est satisfaite par la loi ALUR. Je vous demande vraiment de vérifier ce point.
De même, alors que nous allons débattre du financement de la protection sociale, vous me permettrez d’appeler votre attention sur une omission de cette loi : je veux parler de la santé des femmes. Car votre gouvernement propose de réduire encore les ressources de la Sécurité sociale avec de nouvelles exonérations de cotisations alors que déjà les moyens manquent pour répondre aux besoins de santé de ce pays. Comment, dans ces conditions, obtenir l’assurance de la poursuite de l’activité des maternités de proximité et des centres IVG, je pense notamment à la maternité des Lilas ? Vous savez que nous sommes nombreuses et nombreux à demander à Mme la ministre Touraine de réunir une table ronde pour discuter de l’avenir de cette maternité.
Enfin, je souhaiterais que nous puissions aussi faire avancer l’action contre le système prostitutionnel, comme nous l’avions décidé avec la loi que nous avions adoptée, mais qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat.
Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Le Sénat prend son temps !
Mme Marie-George Buffet. C’est en effet une violence à l’encontre des femmes, qui, nous le savons, constituent plus de 85 % des personnes prostituées. Une loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes ne peut ignorer cette violence relevant du système patriarcal, domination reléguant les femmes au rôle de « maman et de putain » comme nous l’a enseigné Simone de Beauvoir. N’avons-nous pas le devoir, en tant que responsables politiques, de dire à la société, par les lois que nous adoptons, que les responsables du système prostitutionnel ne sont pas les personnes prostituées, mais bien les « clients », qui à 99 % sont des hommes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Sans client, il n’y a pas de prostitution. Sans demande, pas besoin d’organiser le commerce humain.

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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