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Energie : retour au tarif réglementé d’électricité et de gaz

 
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,
Protection des consommateurs et pouvoir d’achat. Voilà des mots aux accents prometteurs pour les consommateurs-électeurs. Et stratégiques à quelques semaines des élections municipales, dans un contexte où la préoccupation de la plupart des ménages français est portée sur la baisse de leur pouvoir d’achat et la hausse du coût de la vie. Il est vrai que la cote de popularité de Monsieur Sarkozy est en baisse et pourrait faire flancher quelques candidatures municipales. Alors il faut agir. Rapidité et efficacité sont vos maîtres mots, paraît-il.
La rapidité, on ne la contestera pas : nous voici penchés sur l’examen d’un texte qui n’était pas plus tard ... qu’hier en seconde lecture au Sénat, qui est arrivé dans la nuit à la commission des affaires économiques, fut examiné quelques heures plus tard par cette même commission, et est présenté 24 heures plus tard en séance. On bat des records ! Après le travailler plus, c’est le travailler plus vite, ... mais travailler moins bien. Et si, lors de l’examen de ce texte, vous aviez été moins pressés, peut-être aurait-on évité l’erreur juridique qui amène à ce nouvel examen. Ce texte-là n’est pas particulièrement long, j’en conviens, il s’inscrit cependant dans une dynamique qui tend à réduire de plus en plus les marges de manœuvre des parlementaires, soumis à des délais de procédure allant jusqu’à être intenables. L’exemple du PLFSS est mémorable.
Voilà toute l’estime que l’exécutif a pour le Parlement. C’est bien la peine ensuite d’aller claironner sur les antennes radiophoniques que la réforme institutionnelle revalorisera la place de l’institution parlementaire ! Ce qu’il faudrait, c’est de la sérénité, et non l’urgence permanente...
L’efficacité... Permettez-moi d’en douter, car si vous agissez, c’est souvent dans la contradiction la plus complète avec les objectifs annoncés. Ainsi, vous avez avancé que vous alliez revaloriser le pouvoir d’achat des salarié-e-s... en offrant de nouveaux cadeaux fiscaux aux patrons ; vous avez prétendu faire baisser les prix dans les grandes surfaces... en permettant aux grandes surfaces d’augmenter encore un peu plus leurs marges. Et vous prétendez cette fois-ci revaloriser le pouvoir d’achat des ménages... en augmentant le tarif du gaz !
Quels sont les intérêts profonds en jeu dans ce texte ?
Le diagnostic de départ est loin de se réduire à la nécessaire protection des consommateurs ! Certes, vous évoquez l’injustice qui consistait à lier les nouveaux occupants d’un logement au choix de sortie de tarifs des occupants précédents... mais vous mettez aussi fortement en avant l’échec de l’ouverture à la concurrence sur le marché français. Le second rapport de Ladislas Poniatowski est très clair à cet égard, qui titre sur l’échec de l’ouverture totale à la concurrence en France. Vous restez dans le dogme d’une concurrence qui serait nécessairement plus bénéfique pour réguler le secteur énergétique, et défendez ainsi becs et ongles ce modèle économique, en refusant de vous pencher sérieusement sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence et de la privatisation du secteur. Le refus d’adopter notre amendement en première lecture demandant un bilan est révélateur.
En fait, vous avez très bien compris que le caractère irréversible de la décision de quitter les tarifs a pu effrayer certains consommateurs et donc contribuer à mettre en échec l’ouverture à la concurrence du secteur. Il est vrai que l’expérience des clients non domestiques a été loin d’être concluante ! Les exemples sont nombreux. Les entreprises du secteur électro-intensif ont ainsi subi une hausse des tarifs de 117% en quatre ans ! Ces hausses ont mis moult entreprises en difficulté, voire en faillite dans les pires des cas !
Et donc, pour sauver le marché, vous feignez d’y introduire un peu plus de sécurité, pour mieux favoriser le grand saut hors des tarifs. Qu’est-ce que ce texte, si ce n’est une volonté de mettre un peu d’ordre dans la jungle de la loi du marché, pour ne pas trop effrayer les consommateurs, pour donner une chance aux distributeurs privés de gagner des parts de marché et pour pouvoir, ensuite, peser et réaliser des profits ?
Mais hormis le principe de réversibilité jusqu’au 1er juillet 2010, quelle protection est réellement garantie aux consommateurs ?
Vous n’avez apporté aucun élément de réponse convaincant lors de la discussion en première lecture dans cet hémicycle, Monsieur le Ministre.
Ainsi vous vous êtes contentés d’évoquer pour les consommateurs « les offres plus à leur avantage, plus adaptées à leur besoin, moins chères ». Mais aucun argument, aucun élément factuel avéré à l’appui !
Alors même que la France a été jusqu’alors, avec son opérateur énergétique intégré, le pays offrant l’énergie parmi les moins chères d’Europe, et que l’ouverture du secteur à la concurrence s’est soldée par des hausses de prix vertigineuses, vous prétendez que l’ouverture fera baisser les prix. Alors même que la sécurité d’approvisionnement et la sûreté des réseaux de transport et de distribution ont fait leurs preuves depuis des dizaines d’années, et que les pays pionniers dans la libéralisation ont vu leurs habitants confrontés à de gigantesques pannes d’approvisionnement, vous parlez d’offres « adaptées à leurs besoins ».
Quand répondrez-vous sérieusement à nos questions, au lieu de vous réfugier dans des propos de nature purement incantatoire ?
Pourrez-vous nier que les tarifs régulés ne sont pas en lien direct avec l’alliance de la qualité de service et de la modicité des prix qui a caractérisé le secteur énergétique français pendant des années ? Oserez-vous contredire qu’ils ont permis le financement d’un réseau au maillage dense, de haute qualité et de haute fiabilité, avec des bénéfices attribués en premier lieu à l’investissement, à la recherche, à la rémunération de salariés qualifiés ? Pourrez-vous m’apporter une preuve quelconque qui prouverait que ce modèle serait périmé ?
J’en doute... Et pourtant, les logiques promues par les fanatiques du libéralisme économique ont bien changé la donne !
Alors même que le Conseil d’Etat a validé une hausse supplémentaire du gaz, où l’argent va-t-il ? Dans la poche des actionnaires. Aurez-vous enfin le courage de dire devant cet hémicycle ce que vous pensez de ces logiques capitalistes qui lèsent la majorité des consommateurs au profit des détenteurs de l’argent ?
J’avais, lors de ma dernière intervention, égrené les différentes augmentations (du résultat opérationnel net, des dividendes des actionnaires) dont se flatte GDF. Cette fois-ci, c’est un autre scandale qu’il me faut dénoncer : celui du salaire de son PDG, qui a créé un « comité de rémunération », duquel les représentant-e-s de l’Etat restent soigneusement exclus, pour mieux espérer harmoniser son salaire avec celui de Monsieur Mestrallet, soit le multiplier par dix. On voit que la hausse du prix du pétrole n’est finalement pas une barrière si insurmontable que cela pour certains acteurs du secteur...
Face à cet environnement privatisé, quelles protections seront garanties aux consommateurs après le 1er juillet 2010 ?
Elles risquent d’être bien maigres ! On croit d’ailleurs rêver en lisant le compte-rendu des débats au Sénat, où Monsieur le Ministre déclare sereinement qu’après le 1er juillet 2010, je le cite, les règles d’éligibilité voulues par le Conseil Constitutionnel en 2006 s’appliqueront. Qu’est-ce que cela signifie, si ce n’est que le dispositif censé venir protéger le consommateur et son porte-monnaie s’appliquera deux ans et demi, et qu’après cette trêve, les règles iniques que vous vous empressez de dénoncer seront de nouveau en vigueur ?!? Quelle crédibilité comptez-vous donc avoir en légiférant sur une période aussi courte et sans apporter aucune garantie pour l’avenir ?
Je le répète, celui-ci est pour le moins incertain ! Car vous avez beau nous asséner que la Commission ne souhaite nullement la fin des tarifs réglementés, sa lettre de mise en demeure adressée à la France pour transposition incorrecte des directives n’est guère rassurante ! Je le rappelle, la Commission y qualifiait le mode de fixation étatique des prix de « rigidité, dénué de transparence dans son mode d’attribution » !
Monsieur Poniatowski lui-même a rappelé mardi au Sénat que les tarifs réglementés français étaient jugés trop bas par les institutions communautaires. A quoi faut-il donc nous attendre ? A des tarifs réglementés vidés de leur substance, alignés sur ceux des prix dits libres en vigueur dans les autres pays européens ?
Il est vrai que les évolutions du prix du gaz s’inscrivent dores et déjà dans cette logique. La nouvelle hausse de 4% qui vient d’être validée par votre gouvernement, fait suite, je le rappelle, à une hausse de 6,8% en 2005, et de 12,7% en 2006. Et comme je l’ai longuement expliqué lors de la question préalable de décembre dernier, n’allez pas mettre ces augmentations faramineuses sur la seule hausse du prix du pétrole ! Ce serait trop facile. Aurez-vous cette fois-ci le courage politique de répondre à la question de la privatisation des profits sur le dos des usagers du service énergétique ? Allez-vous nous expliquer comment GDF forme les prix demandés aux usagers ? A ce jour, et bien que ce soit toujours une entreprise publique, c’est l’opacité complète.
Face à tant d’hypocrisie, qui ne vise qu’à faire passer la pilule libérale, en l’absence de protection réelle des usagers du secteur énergétique, nous ne pourrons une fois de plus que voter contre ce texte.

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