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Entretien et renouvellement du réseau des lignes téléphoniques (Niche GDR)

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi est née d’un constat partagé par nombre de nos concitoyens et de leurs élus locaux, un constat devenu récurrent : celui de la dégradation continue de l’accès au réseau de téléphonie fixe, tout particulièrement en zone rurale, de montagne et littorale.
Comme vient de le préciser le rapporteur, ce constat s’appuie non seulement sur la forte croissance des demandes d’intervention des particuliers auprès de France Télécom-Orange pour voir rétablir leur connexion au réseau téléphonique, mais également sur les délais et les conditions dans lesquelles sont effectués ces rétablissements d’accès au service de téléphonie fixe, service universel dont France Télécom-Orange s’est vu confier la charge depuis la libéralisation du secteur des télécommunications à la fin des années 90.
Dans de très nombreux départements, les populations sont très mécontentes des problèmes de réseau auxquels elles sont confrontées, à tel point que les maires sont contraints de multiplier les interventions auprès d’Orange, notamment après chaque événement climatique. L’incompréhension des usagers et des élus locaux face à des délais de rétablissement qui s’allongent et des coupures répétées entretient le sentiment d’être véritablement laissés pour compte. À l’heure où l’on vante les vertus du développement numérique et de la connectivité, comment ne pas comprendre, en effet, que le vécu quotidien de milliers d’habitants de ces territoires s’apparente plus, comme le soulignait une habitante concernée, à un retour au XIXème siècle qu’à une France connectée du XXIème siècle ?
Mes chers collègues, en disant cela, je voudrais simplement revenir sur certaines situations très concrètes qu’engendrent les ruptures répétées d’accès au service de téléphonie fixe. Elles tiennent tout d’abord à la sécurité des personnes et des biens. Les cas de personnes malades, en situation de handicap ou âgées ayant un système de télé-alarme et se retrouvant sans contact extérieur sont très nombreux. Pour l’ensemble des foyers privés durablement de ligne téléphonique, les accès aux services d’urgence, pompiers, SAMU, gendarmerie ou police nationale sont rompus alors même que, pour l’essentiel, nous nous trouvons déjà dans des territoires éloignés de ces mêmes services, avec des populations âgées, parfois isolées et sans aucun moyen de locomotion.
De même, l’impact économique de ces coupures n’est aujourd’hui jamais pris en compte, alors qu’il devient particulièrement préoccupant pour de nombreux professionnels. En zone rurale, beaucoup de professions travaillent par commandes ou réservations, par mail ou par téléphone, comme en hôtellerie-restauration. Les coupures, qui durent parfois jusqu’à une vingtaine de jours, mettent sérieusement à mal ces petites structures, dont les chiffres d’affaires sont parfois très concentrés, en période estivale ou hivernale notamment. Des livraisons commerciales ou des activités de service sont également touchées, parfois sur des zones très étendues.
Dans les zones de moyenne montagne ou de montagne, ce sont les activités touristiques, représentant un véritable poids économique local, qui sont touchées. Or la réactivité face aux demandes de réservation en ligne ou par téléphone est un élément essentiel de la pérennité de certaines structures touristiques, alors même que la clientèle des établissements ou services touristiques privilégie de plus en plus souvent de courts séjours ou des réservations de dernière minute. En outre, de tels dysfonctionnements contredisent clairement les efforts financiers des collectivités en faveur du développement local. De fait, à la fracture numérique, résultant du rythme de déploiement différencié des réseaux numériques en fonction du soutien des collectivités, se surajoute une véritable fracture économique territoriale sur la base du simple accès au service universel téléphonique de base.
C’est sur la base du fossé que cette situation contribue à creuser entre nos concitoyens, que votre rapporteur a souhaité initier un travail législatif participatif, mené dans le Livradois-Forez, mais qui aurait sans aucun doute pu l’être dans beaucoup de nos circonscriptions respectives, où nous sommes confrontés aux mêmes difficultés. Cela a été rappelé par votre rapporteur : le seul objectif de ce texte est de répondre de façon concrète aux difficultés que connaissent les usagers. Et pour agir efficacement, le premier enjeu a consisté à poser les causes réelles de la dégradation de la qualité du service, vécue par les usagers, mais constatée aussi par la dégradation des indicateurs de contrôle à la disposition de l’ARCEP, qui a ouvert une enquête administrative à ce sujet le 27 mai 2014. Par ailleurs, l’Autorité a également constaté que les méthodes utilisées pour relever les indicateurs fixés par le cahier des charges du service universel ne sont pas conformes.
Chacun en convient aujourd’hui, l’extrême fragilité du réseau non seulement en zone rurale et de montagne, mais aussi en zone côtière, est la conséquence d’un entretien préventif insuffisant, en particulier aux abords des lignes et des ouvrages. Or l’une des causes principales de ce manque d’entretien préventif, occasionnant des coupures à répétition, tient dans l’abrogation de la servitude d’élagage aux abords des lignes aériennes dont bénéficiait France Télécom jusqu’en 1996, servitude supprimée par la loi du 26 juillet 1996 dite de réglementation des télécommunications. Depuis, rien n’a été formellement prévu pour encadrer l’entretien des abords des lignes téléphoniques, et les propriétaires riverains des lignes sont en théorie chargés de procéder, à leurs frais, à ces travaux.
Dans la réalité, même si des dispositions du code général des collectivités territoriales permettent aux communes d’exiger l’élagage des arbres de la part des propriétaires riverains de la voie publique, la complexité et les difficultés de la mise en œuvre conduisent à l’absence d’entretien réel le long du réseau. France Télécom-Orange ne manque d’ailleurs pas de préciser aux élus municipaux et locaux, qui font remonter de façon récurrente la dégradation du réseau de lignes téléphoniques sur leurs territoires, qu’il n’a aucune légitimité à intervenir sur le domaine privé afin d’assurer un entretien préventif des abords de son réseau. Par ailleurs, les agents mandatés par cette société n’ont pas le droit de couper un arbre qui est tombé sur une ligne ou un ouvrage. Ainsi, le réseau continue de se détériorer et atteint un état de vétusté critique dans certaines zones, Orange donnant le sentiment de n’intervenir sur le réseau cuivre que de manière minimale.
Aussi, le cœur de cette proposition vise à réintroduire les moyens concrets pour l’opérateur d’assurer pleinement les missions qui lui sont confiées par le service universel. Cela passe par le rétablissement de cette servitude d’élagage reprise par l’article 3 du texte. Rappelons que les dégâts cumulés occasionnés aux ouvrages et aux lignes téléphoniques ont un coût croissant, en lien avec l’absence d’entretien régulier et de renouvellement du réseau. Selon l’ARCEP, le coût total de l’entretien des lignes dans le cadre du service universel atteindrait les 15 millions d’euros. Au regard du chiffre d’affaires du groupe s’élevant, en 2013, à 40,9 milliards d’euros, et des bénéfices nets du groupe cette même année – 1,9 milliard – d’euros, les moyens d’un investissement très supérieur sur ces réseaux sont immédiatement disponibles.
Par ailleurs, les conditions du recours à la sous-traitance pour l’entretien curatif du réseau contribuent à négliger tout entretien préventif des lignes. Le caractère vétuste des lignes et des infrastructures aériennes est souligné dans les comptes rendus d’intervention des sous-traitants, mais rarement pris en compte par France Télécom-Orange, qui considère que le simple rétablissement de l’accès au réseau, même temporaire et aléatoire pour les usagers, vaut traitement curatif. Ainsi, France Télécom-Orange, qui vérifie la qualité de service de ses sous-traitants, ne s’impose pas la même rigueur, puisqu’il ne donne pas suite aux interpellations sur la qualité délabrée du réseau et de ses abords par ses propres sous-traitants.
De même, les cas de débranchement ou de retards très importants pour les branchements, notamment dans les zones de construction ou dans les zones rurales, avec des centraux téléphoniques saturés, se multiplient. Au final, c’est le service rendu aux usagers qui se dégrade, en particulier dans les zones précitées.
De plus, face à l’augmentation du prix de l’abonnement intervenue en début d’année et motivée par un souci de qualité, les usagers confrontés à des pannes récurrentes restent très perplexes.
Ainsi, aux côtés des usagers touchés par ces dysfonctionnements, de très nombreuses communes signalent aujourd’hui le fait que France Télécom-Orange ne remplit pas sa mission de service public et demandent à la fois une modification de la réglementation sur l’entretien aux abords des lignes et de véritables investissements dans le renouvellement du réseau.
Mes chers collègues, la présente proposition de loi, travaillée de façon collective, a été soumise à l’avis du Conseil d’État afin d’en conforter la rédaction. Les modifications proposées par le rapporteur, votées à l’unanimité par la commission des affaires économiques, visaient à garantir pleinement son assise juridique afin de favoriser l’application effective des dispositions qu’elle contient.
Une telle avancée législative apparaît aujourd’hui indispensable afin d’assurer réellement la continuité du service téléphonique car, cela vient d’être rappelé, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. L’ensemble du travail mené a déjà conduit à une prise de conscience générale de l’état actuel du réseau des lignes téléphoniques et de la nécessité d’apporter des solutions durables.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de démontrer, en adoptant très largement ce texte, la capacité de la représentation nationale à se saisir d’un problème concret pour y apporter des réponses tout aussi concrètes. Notre action est très attendue, car beaucoup d’usagers n’en peuvent plus de se sentir considérés comme des citoyens de seconde zone.
M. André Chassaigne, rapporteur. Très bien !

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Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

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