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Environnement : engagement national pour l’environnement (Grenelle II)

J’ai hésité avant de monter à la tribune car j’ai cru m’être trompé de salle, monsieur le ministre. Il y avait en effet un côté Comédie française dans votre intervention. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La pièce était-elle Fin de partie de Beckett, puisque vous annonciez éventuellement votre départ ? Était-ce La solution ou encore Mère courage, de Bertold Brecht ? Je pense plutôt à Ionesco parce qu’il disait qu’au théâtre, la vraie mesure, c’est la démesure. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Ces grandes envolées très séduisantes, qui traduisent, j’en suis certain, sur une conviction réelle, partagée, vont nous obliger à aller dans les coulisses du côté cour ou du côté jardin. Quoi qu’il en soit, nous avons quelques petites vérités à dire, car on ne peut pas rester uniquement sur des effets de manche qui tronqueraient la réalité de cette loi.
J’aurais de quoi écrire un livre, mais je prendrai juste quelques exemples qui me viennent à l’esprit. Il y en a un que j’ai à cœur, c’est ce que j’appelle l’hypocrisie environnementale car, lorsque l’on parle des agrocarburants et que l’on se fixe des objectifs ambitieux, comme un taux d’incorporation intermédiaire de 7 % en 2010, qu’est-ce que cela signifie ? Pense-t-on seulement aux pays où seront produits ces agrocarburants, aux conséquences que cela aura pour des territoires où la famine se développera ? C’est en effet une réalité chiffrée, soulignée en particulier par la FAO, dont je vous conseille de lire le rapport de 2008, intitulé « Biocarburants : perspectives, risques et opportunités ». Après l’Indonésie et la Malaisie, des pays comme Madagascar et la Colombie laissent le champ libre à l’agrobusiness pour la production de palme avec, pour conséquence, l’expropriation foncière des populations rurales, la déforestation et l’abandon des cultures vivrières. On ne peut pas prétendre lutter chez nous contre le gaz à effet de serre et délocaliser la pollution ailleurs. L’honnêteté, c’est de le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes. Actuellement, les quantités de CO2 produites à l’étranger pour les importations françaises atteignent 339 millions de tonnes, soit 20 % de plus que les émissions produites par la production hexagonale. On ne peut pas ne prendre en considération que notre pays, il faut voir ce qui se passe au niveau de la planète.
Il serait féroce, inacceptable d’annoncer que l’on règle le problème chez nous et d’exporter la pollution.
Non, c’est de l’honnêteté intellectuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vais donner un autre exemple. Alors que nous avons des ambitions, on décide par ordonnance que les règles relatives aux installations classées seront moins dures qu’elles ne l’étaient, de façon totalement contraire aux objectifs du Grenelle de l’environnement.
Alors que le Grenelle de l’environnement devait permettre de renforcer la loi dans ce domaine, avec la crise et le plan de relance de l’économie, vous avez assoupli l’an dernier, par ordonnance, la réglementation concernant les installations classées, c’est-à-dire qu’en catimini, vous prenez des décisions contraires aux grands objectifs que vous affichez.
Autre exemple, le fret ferroviaire. Des objectifs ont été fixés dans le Grenelle 1, des engagements pris. Résultat, il est abandonné.
Toutes les associations de défense de l’environnement, de nombreuses organisations syndicales, des personnes de toutes sensibilités sont en train de dire que l’on fait le contraire de ce qui avait été affiché dans le Grenelle 1.
Là encore, ce que l’on constate est finalement à l’opposé de ce qui a pu être écrit.
Autre exemple, on disait lors du Grenelle 1 que, pour mieux gérer les problèmes de l’environnement dans les entreprises, il fallait donner davantage de pouvoirs aux salariés, vous aviez même pris des engagements, monsieur le ministre. Il n’y a finalement aucune évolution concernant les domaines d’intervention des salariés au sein des comités d’entreprise ou des CHSCT. Il est seulement prévu un droit de regard par des cabinets extérieurs, avec des comptes rendus aux actionnaires. L’évolution envisagée n’a finalement pas eu lieu.
Nous sommes en train de discuter d’un projet de loi sur l’agriculture, rien n’est fait pour faire évoluer les techniques culturales.
Il y a eu la certification environnementale, aucun contenu ne lui a été donné au point que l’on se demande si elle ne va pas être exploitée au détriment des productions de qualité, des productions AOC, des productions fermières, et bénéficier à la grande distribution qui, avec la contractualisation, pourra écraser encore davantage les agriculteurs sans qu’il y ait de véritables progrès pour l’environnement.
Je n’ai pris que certains exemples, je pourrais vous en donner de nombreux autres.
À un certain moment, il faut être un peu sérieux. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) On peut considérer qu’il y a des éléments positifs dans cette loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez dit vous-même que c’était un monument. Alors qu’il est en construction, il aurait fallu prendre une assurance dommages ouvrage parce qu’il y a d’ores et déjà des failles. Quant à la garantie décennale, je ne garantis rien du tout. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

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