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Environnement : mise en œuvre du Grenelle de l’environnement

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les députés communistes n’étaient pas conviés à cette commission mixte paritaire. Nous n’avons donc pas pu participer à ce consensus.
Nous constatons que la CMP n’a pas porté sur des points cruciaux, et n’a évidemment pas bouleversé l’économie générale du texte.
C’est l’occasion pour nous de rappeler les interrogations que nous avons déjà développées sur le texte du Grenelle de l’environnement, notamment André Chassaigne.
La crise du capitalisme, comme la crise écologique, est le résultat des politiques néolibérales dont votre gouvernement est le plus acharné pourvoyeur.
Or ce Grenelle de l’environnement fait précisément comme si la libéralisation à tous crins n’était pas le point crucial, comme s’il n’y avait nulle contradiction entre la politique de casse sociale menée par Nicolas Sarkozy et la volonté de rompre avec le gaspillage des ressources non renouvelables, de préserver les équilibres écologiques.
Une véritable politique verte, en réalité, se montrerait rapidement incompatible avec le néolibéralisme. Elle nécessiterait un déploiement sans précédent des investissements de l’État : pour la rénovation du réseau ferroviaire existant et le renforcement du fret public, le développement d’un pôle public de l’énergie, l’essor de la recherche sur les technologies vertes, l’orientation vers une agriculture durable, une restructuration thermique du parc de logements sociaux à la hauteur, ou la mise en œuvre d’instruments locaux harmonisés au sein de plans de développement durable.
Ces multiples chantiers nécessitent des politiques publiques ambitieuses et une refonte de la fiscalité. Ils nécessitent de changer radicalement de politique économique, d’en finir avec le gaspillage des ressources et des hommes qui est au cœur du capitalisme financier. Chacune de vos réformes n’est en réalité que la continuation de ce vaste projet qui a produit la crise. Derrière les déclarations de Nicolas Sarkozy et sa récente conversion à la régulation, le rouleau compresseur libéral continue son œuvre. Libéralisations, privatisations, dérégulations : rien n’a changé.
On peut s’interroger sur ce gouvernement qui, d’une main, accélère les politiques de démantèlement et, de l’autre, prétend « verdir » l’économie.
Aux termes du projet de loi, l’impact des mesures relatives aux finances, à la fiscalité locale et au niveau des prélèvements obligatoires doit respecter le principe de stabilité de la pression fiscale. Voilà qui met en lumière l’esprit de votre majorité, à savoir la fiction d’une écologie à zéro coût. Comment pouvez-vous imaginer financer des mesures ambitieuses sans accroître la fiscalité sur les hauts revenus et les entreprises ? Tout est fait dans ce Grenelle pour épargner ceux qui sont en définitive les plus gros pollueurs, les principaux responsables de la crise écologique et économique.
À l’inverse, dans plusieurs de ses dispositions, ce texte frappera plus fort ceux de nos concitoyens qui ont le plus de difficultés, et épargnera une fois de plus ceux qui sont aisés.
Les dispositions qui concernent le secteur du bâtiment, qu’il s’agisse de neuf ou de rénové, en sont un exemple. Il était prévu d’adopter des normes thermiques beaucoup plus intéressantes que les normes actuelles, applicables à tous et susceptibles de créer des emplois non délocalisables. Mais des amendements de l’UMP ont amoindri ou modulé l’objectif de réduire la consommation à 50 kilowattheures par mètre carré et par an pour les bâtiments neufs et à 80 kilowattheures pour les bâtiments rénovés, et ce même dans le logement social. On mesure l’effet pervers de tels amendements : les plus défavorisés paieront plus cher en énergie, puisque leur consommation se maintiendra à 150 kilowattheures par mètre carré et par an.
De la même façon, la participation des salariés est écartée. Par exemple, la simple mention, dans le rapport annuel aux actionnaires, des avis des instances de représentation du personnel, comité d’entreprise et CHSCT, a été écartée. Pourtant, cette proposition n’avait rien de radical.
C’est une vision de l’écologie compatible avec le gaspillage économique et le néolibéralisme en crise qui nous est proposée.
Le texte a une autre grande faiblesse, c’est qu’il n’aborde pas tous les sujets, et notamment les sujets qui fâchent.
Le nucléaire, par exemple, n’est pas même mentionné dans ce vaste projet de loi d’orientation. C’est l’occasion pour moi de rappeler que le nucléaire n’est pas une énergie comme les autres, et qu’elle doit être maîtrisée uniquement et totalement par l’État et le service public. Jamais les multinationales privées ne doivent en avoir la maîtrise.
Autre oubli, autre point de frictions : les OGM. Le texte n’aborde aucunement le sujet. Peut-être que le Gouvernement a un mauvais souvenir de la motion de rejet brillamment défendue par notre camarade André Chassaigne et adoptée par notre assemblée.
On peut se demander si le Gouvernement n’a pas volontairement exclu les sujets sensibles de ce projet de loi d’orientation pour fabriquer un texte mou et consensuel. Le consensus est important, mais l’enjeu véritable, c’est de sortir de la crise écologique.
Avec ce texte, nous sommes vraiment dans le moins-disant démocratique. On aurait pu au moins s’attendre à ce que, dans la continuité du Grenelle, les organisations qui en étaient parties prenantes et qui ont une fonction de représentation des citoyens soient pleinement impliquées dans la décision. Cela aurait été conforme au souhait exprimé par le Président de la République, qui, dans un discours, évoquait la nécessité d’une véritable cogestion des questions d’environnement avec la société civile.
Cela aurait également été conforme à l’engagement n° 193 du Grenelle de l’environnement, qui évoque l’indispensable gouvernance partenariale dans la mise en œuvre de l’expertise publique. Or le texte se contente de les associer aux instances publiques, dans un simple rôle de consultation. Elles sont aujourd’hui reléguées en dehors du processus de décision. Cela ne présage rien de bon pour l’examen de la deuxième mouture du Grenelle, qui aura lieu lors de la prochaine session.
Comme vous avez pu le constater, nous ne disons pas qu’il n’y a rien de bon dans cette loi. Nous disons qu’elle n’est pas à la hauteur des prétentions affichées ni des besoins. Votre manque d’ambition vous apporte un consensus certes, mais un consensus mou.
Pour toutes ces raisons, comme lors des deux lectures du texte, les députés de notre groupe s’abstiendront.
 

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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