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Europe : introduction d’une taxe sur les transactions financières en Europe

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. D’abord, je voudrais informer notre assemblée qu’une délégation du groupe GDR va se rendre prochainement au Budenstag à Berlin pour rencontrer nos collègues Die Linke sur les questions de l’énergie, que nous recevrons à l’automne une délégation de Die Linke sur les questions financières et fiscales et que nous accueillerons bientôt Gregor Gysi, le président de Die Linke, de passage à Paris.
Certains pourraient dire que nous avions du retard sur le sujet, ce qui n’est pas tout à fait faux : vous pouvez constater que nous mettons les bouchées doubles. Nous éviterons les hésitations que les uns et les autres ont connues puisque nous partons de peu de choses, mais nous tenons à être exemplaires du point de vue de la coopération avec nos collègues du Bundestag, considérant que le socle franco-allemand doit jouer un rôle essentiel pour le futur, même s’il est altéré par les manières parfois bizarres, pour ne pas utiliser d’autre adjectif, du Président de la République à l’égard de la Chancelière. Vous êtes forcément d’accord avec moi, monsieur le secrétaire d’État !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Brard. Je n’épiloguerai pas sur ce sujet, …
M. le président. Ce n’est pas utile, en effet !
M. Jean-Pierre Brard. …car cela relève plutôt de France Dimanche ou d’Ici Paris !
Venons-en à notre sujet. Trois ans après le début de la crise, cette proposition de résolution européenne sur l’introduction d’une taxe sur les transactions financières en Europe offre l’occasion au pouvoir politique de prouver sa détermination à contraindre un tant soit peu le pouvoir hégémonique de l’économique.
Depuis plus de dix ans, de projets de loi de finances en projets de loi de finances rectificative, les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine se battent pour instituer un tel dispositif qui limiterait l’appétit sans limite des spéculateurs. Notre persévérance et notre constance dans l’analyse payent enfin. Tous ceux qui considéraient cette taxe comme une licorne très belle, mais hélas chimérique, se sont donc trompés puisque, aujourd’hui, sur tous les bancs de la représentation nationale semble dominer un même sentiment : la spéculation doit être freinée et les spéculateurs doivent être mis à contribution. Mais comme dirait le Premier ministre, il y a les croyants et les pratiquants, et nous, nous souhaitons ajouter la pratique à la foi. De ce point de vue, monsieur le secrétaire d’État, vous avez des marges de progression, il n’y a pas de doutes, et pour vous cela risque d’être un chemin de Damas !
Depuis trois ans, le Président de la République a multiplié les déclarations favorables à la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, une taxe – je vous livre la citation exacte tant certains mots sont étranges dans sa bouche – « morale compte tenu de la crise financière, utile pour dissuader la spéculation et efficace pour trouver de nouvelles ressources ». C’est ce que disait le Président de la République le 24 janvier 2011.
Mais, au lieu de défendre son idée dans une enceinte où ses chances d’aboutir étaient bonnes – je veux parler de la zone euro – Nicolas Sarkozy, en quête de reconnaissance internationale et soucieux d’apparaître en bon génie de la finance, a courageusement choisi de porter cette taxe au G20. Le Président de la République ne pouvait ignorer que, pour le G20, la régulation financière doit s’arrêter là où commencent les affaires juteuses des marchés financiers. La tentative du chef de l’État était vouée, dès le départ, à l’échec. C’était donc une manœuvre pour pouvoir faire porter à d’autres la responsabilité de bloquer une décision que le président des riches ne souhaitait en aucune façon prendre.
En effet, de la réglementation des hedge funds à l’encadrement des bonus, voilà maintenant trois ans que le Président de la République égrène son chapelet de fables et veut nous faire croire que, sous son action efficace, le capitalisme a été régulé et la finance moralisée. J’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, ce que vous avez dit en réponse à Pierre-Alain Muet. Le Président de la République a au moins réussi à convaincre quelqu’un : c’est vous ! C’est sûrement le début de quelque chose, mais il reste beaucoup à faire.
Malheureusement pour Nicolas Sarkozy et pour nous, les 135 milliards de dollars de bonus accordés …
M. le président. Vous avez seulement cinq minutes de temps de parole, monsieur Brard, et je vois que vous avez encore de nombreuses pages de discours !
M. Jean-Pierre Brard. Je pensais avoir le double, monsieur le président ! Je vais donc conclure !
Les mécanismes de spéculation actuels sont particulièrement destructeurs pour l’économie dite réelle, l’emploi et l’environnement. Ils symbolisent l’échec fracassant des théories du marché libre apte à répondre aux défis du progrès humain. La mise en place d’une taxe sur les transactions financières dans la zone euro matérialiserait le retour de la volonté politique face à la pression de marchés financiers devenus tout-puissants. Plutôt que de durcir indéfiniment les politiques d’austérité dans l’espoir de « rassurer » ces mêmes marchés, elle permettrait de dégager des ressources très substantielles, ô combien nécessaires, afin de libérer les États et les peuples de la tutelle des marchés. C’est pourquoi nous voterons la proposition de nos collègues du groupe SRC.

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Jean-Pierre
Brard

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