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Famille : maisons d’assistants maternels

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en moins d’un siècle, avec l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, le schéma familial traditionnel qui faisait des mères les responsables désignées de la garde des enfants du foyer a radicalement changé.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cette évolution, fruit de l’émancipation laborieuse de la gent féminine et de son autonomisation, tant au sein de la cellule familiale que dans l’ensemble de la société. Cette évolution a été rendue possible par les politiques sociales menées depuis 1945, visant à protéger et à accompagner les salariées désireuses de devenir mères sans pour autant remettre en question leur statut social et professionnel.
Néanmoins, depuis quelques années, l’évolution du taux de natalité hexagonal, qui fait de la France un des champions européens en la matière, impose au législateur de s’inquiéter d’un nouvel enjeu de société. Loin de prendre la mesure de l’atout économique et social que représente cette natalité dynamique et de l’intérêt qu’il y a à l’accompagner des mesures les plus protectrices et les plus adaptées aux réalités que rencontrent les salariées, les gouvernements et les majorités qui se sont succédés depuis 2002 organisent une véritable dégradation des dispositifs existants pour l’accueil des enfants, au détriment des attentes des familles.
Le constat est pourtant alarmant : de l’avis des professionnels du secteur comme des collectivités territoriales, il manque, à l’heure actuelle, 350 000 places pour les enfants, tous modes de garde confondus. Nous sommes choqués que le Gouvernement minimise ces besoins et prévoie, dans la convention d’objectifs et de gestion conclue entre la CNAF et l’État, la création de 200 000 places seulement, pour moitié en accueil collectif, pour moitié en accueil individuel. Peut-être prévoit-il cependant de combler l’écart en faisant la promotion des regroupements d’assistantes maternelles…
À ce véritable enjeu sociétal, le groupe Nouveau Centre, soutenu par le Gouvernement, apporte aujourd’hui une solution inadaptée, juridiquement instable et dangereuse, économiquement contreproductive. Le low cost appliqué à la petite enfance n’est pas acceptable.
Aujourd’hui, en raison de la diminution, en proportion, du nombre de places disponibles dans les structures de garde collectives publiques, près de la moitié des couples sont contraints de renoncer aux modes de garde payants pour des raisons économiques et financières. Cette proportion est mécaniquement plus importante pour les familles monoparentales. Les solutions pour ces parents ne sont pas légion : dans une large proportion, l’un des conjoints réduit ou interrompt son activité professionnelle. Les conséquences au plan social et familial sont alors immédiates : baisse du pouvoir d’achat du foyer, risque de perte d’emploi, régression sociale touchant plus particulièrement les femmes notamment dans les quartiers populaires. L’impact économique et social, pour ne pas dire sociétal, est alarmant !
Cette situation résulte de l’abandon progressif du modèle public des structures de garde collectives, notamment les crèches, pourtant particulièrement adaptées à la situation financière d’une grande majorité de foyers dans la mesure où elles pratiquent des tarifs différenciés en fonction des revenus. Par comparaison, une assistante maternelle est rémunérée plus de 800 euros par mois en moyenne. Ce mode de garde est inaccessible aux foyers modestes, a fortiori lorsqu’ils sont monoparentaux.
À l’aune de cette crise, qui n’est pas sans rappeler la crise du logement que nous traversons, il ne faut pas s’étonner que plus d’une famille sur deux, confrontée à ces situations économiquement délicates et socialement dévalorisantes, souhaite l’augmentation du nombre de places en crèches collectives publiques. La majorité et le Gouvernement, méprisant ces revendications, l’entendent autrement et font le choix d’augmenter sans discernement les capacités d’accueil individuel, notamment celles des assistants maternels.
Modification des règles d’attribution des agréments, extension du prêt à l’amélioration de l’habitat, possibilité de regroupement des assistantes maternelles, augmentation du nombre d’enfants pouvant être accueillis par une assistante, absence d’encadrement des regroupements par un professionnel justifiant d’une expérience significative : autant de mesures qui ne répondent qu’à l’urgence du nombre. On oublie des éléments qualitatifs essentiels au développement de l’enfant, à sa sécurité et des garanties qu’attendent les parents. Rappelons que la capacité d’accueil des micro-crèches est plafonnée à neuf enfants, avec un encadrement renforcé.
Votre texte comporte tant de carences qu’il nous fait craindre une véritable régression par rapport aux dispositifs existants. Les règles en matière de sécurité, de qualité d’accueil, d’information, de formation et d’ancienneté sont bien en deçà des attentes des professionnels de la petite enfance. En outre, les maisons d’assistants maternels ne seront pas tenues de développer un quelconque projet éducatif constitutif d’un accueil de qualité adapté aux besoins des enfants et aux attentes de leurs parents, et au fonctionnement harmonieux d’une structure de garde collective.
Les députés communistes considèrent depuis longtemps, à l’instar du collectif « Pas de bébés à la consigne ! », qu’une politique publique de la petite enfance doit permettre à toutes les familles d’accéder à un mode d’accueil de qualité sans barrière financière. Cette exigence conditionne l’accès des femmes au marché du travail et constitue indéniablement un investissement pour l’avenir.
Dans l’un comme dans l’autre cas, votre proposition ne le permet pas.
Nous verrons quel sera le sort des amendements que nous avons déposés. S’ils ne sont pas adoptés, les députés du groupe GDR voteront contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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Roland
Muzeau

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