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Instauration d’une garantie salaire‑formation au service de la transition écologique et sociale de l’économie.

Le présent texte, visant à instaurer une garantie salaire-formation au service de la transition écologique et sociale de l’économie, apporte une pierre à l’édifice du progrès et du monde meilleur que nous appelons de nos vœux. La pandémie mondiale de covid-19 a démontré que le capitalisme libéral mondialisé pouvait s’effondrer comme un château de cartes, sous l’effet d’une maladie qui a parcouru la planète en quelques semaines, contaminé des millions de personnes et causé quelques centaines de milliers de morts. Ce modèle économique n’a pas d’avenir, et sa fragilité donne des sueurs froides à des millions de salariés du secteur privé.

Par ailleurs, les députés communistes ne cessent de le dire, la planète n’aura pas les moyens de nous héberger encore longtemps si nous maintenons notre niveau de vie insoutenable. Les activités économiques les plus polluantes, soutenues par les puissances de l’argent, nous font courir à notre perte. Paradoxalement, des millions d’emplois sont liés à ces secteurs ; il est donc difficile de les rayer d’un trait de plume et de mettre en grande difficulté des millions de personnes au motif qu’elles travaillent au mauvais endroit. Seule une transition choisie par les gens permettra de sortir de ce paradoxe. Nous devons nous outiller pour réussir cette transition.

La proposition de loi que les députés communistes vous soumettent est l’un des outils nécessaires à la transition écologique et sociale de l’économie. La crise actuelle démontre le besoin d’avoir un État stratège et protecteur. Parmi les dirigeants, même les défenseurs les plus acharnés du néolibéralisme et de toutes les puissances du marché – à commencer par Emmanuel Macron et son gouvernement – s’en sont souvenus tout d’un coup. Ainsi, on est passé du « il n’y a pas d’argent magique » au « quoi qu’il en coûte », et les totems d’hier – déficit public inférieur à 3 % du PIB et réduction de la dette – ont régressé au dernier rang des priorités, derrière le besoin de soutenir une économie qui a dangereusement vacillé.

Mais les députés communistes savent bien qu’une fois la croissance retrouvée, les dirigeants, comme d’habitude, repartiront de plus belle et continueront de conduire le monde vers le précipice, tout en faisant payer aux travailleurs le sauvetage de l’économie.

Face à ces risques, notre proposition de loi vise à créer un nouveau droit pour les salariés, en répondant à trois objectifs fondamentaux.

Le premier est de créer un dispositif d’aide rapide pour les salariés victimes de la crise et, ce faisant, de mettre fin à votre insupportable réforme du chômage, qui a pour seul but d’affaiblir les aides aux chômeurs.

Le deuxième objectif est d’instaurer une continuité des droits sociaux, indépendamment du statut des salariés, qu’ils aient un emploi ou non. Dans un monde du travail précarisé, certains droits doivent être attachés à la personne plutôt qu’au statut, afin de sécuriser les individus et de rendre la vie professionnelle moins dangereuse et moins inquiétante.

Le troisième objectif est de déployer une politique incitative d’emploi et de formation pour préparer les salariés d’aujourd’hui aux emplois de demain, et par conséquent pour engager une transition respectueuse des travailleurs.

La crise ne fera certainement pas de cadeaux, et l’État doit se préparer à engager un tournant écologique et social majeur pour aborder enfin le XXIe siècle avec des outils à la hauteur des enjeux. Dès octobre 2009, j’avais déposé, avec Martine Billard, une proposition de loi consacrée à la planification écologique.

Force est de constater que, si les événements nous ont donné raison, les dirigeants n’ont toujours pas jugé utile de s’y intéresser. Nous sommes maintenant au pied du mur, et la présente proposition de loi nous ferait aller de l’avant : elle permettrait aux salariés victimes de licenciements économiques ou en fin de contrat précaire – CDD ou intérimaires – de garder leur salaire net pendant deux ans et de bénéficier de formations adaptées à l’économie de demain : écologie, économie sociale et solidaire, transports, transition énergétique, rénovation thermique des bâtiments, et j’en passe. Leur salaire proviendrait soit de l’entreprise, si elle compte plus de 500 salariés, soit de Pôle emploi, si elle est plus petite. Un tel contrat de transition permettrait aux salariés de se former efficacement, sans perdre d’argent, et ainsi d’aborder le futur bien plus sereinement qu’aujourd’hui.

Le chômage tient en grande partie à une inadéquation entre les formations des salariés et les postes proposés, vous le savez, madame la ministre. Notre proposition de loi faciliterait la réorientation des salariés vers des secteurs d’avenir et pourvoyeurs d’emplois. Elle permettrait aux jeunes de se lancer dans certains secteurs, d’assumer des changements radicaux, de se diriger vers des activités d’avenir contribuant à la transition écologique et sociale de l’économie, tout en se sentant sécurisés. La proposition de loi pour une sécurité de l’emploi et de la formation, déposée en 2017 par le groupe de la GDR, allait déjà dans ce sens. À l’époque, déjà, les députés communistes entendaient ainsi lutter contre la précarité du salariat en accordant de nouveaux droits de formation aux salariés.

Ces propositions de loi répondent à la multiplication des changements de carrière dus à la précarisation du marché de l’emploi, mais aussi à la volonté de certains salariés de vivre différentes expériences au cours de leur vie professionnelle. La formation est en effet l’un des outils de l’émancipation des salariés. Elle leur permet d’être acteurs de leur carrière professionnelle, de s’extraire de secteurs sans avenir ou d’évoluer dans d’autres, où les évolutions techniques imposent un changement majeur de compétences. L’État doit profiter de l’évolution du droit à la formation pour orienter et soutenir les salariés qui souhaitent changer de métier et se diriger vers les emplois de demain. Cela, le marché autorégulé ne le peut pas ; seul un État stratège, à l’écoute des citoyens, en est capable, je le répète.

Les urgences écologique et sociale ont pour corollaire indispensable l’urgence démocratique, et c’est valable à tous les niveaux. Dans ces conditions, la transition écologique de l’économie pourra s’effectuer sans violence : sans fermetures sèches d’entreprises, sans délocalisations d’industries et sans licenciements massifs.

La présente proposition de loi comporte quatre articles devant servir de base à une réflexion plus large sur une réforme en profondeur de l’emploi, de la formation et de la transition écologique et sociale de l’économie.

L’article 1er transforme le contrat de sécurisation professionnelle en un contrat de transition, accessible aux salariés licenciés pour motif économique ou arrivant au terme d’un contrat court – CDD, intérim, contrat de chantier – dans une entreprise de moins de 500 salariés. Ces salariés en formation percevront l’équivalent de leur dernier salaire net pendant deux ans. Une telle durée est intéressante car elle leur permettra d’approfondir leurs compétences, voire de se réorienter profondément. Telle est l’ambition du texte.

L’article 2 crée un dispositif similaire pour les salariés licenciés d’entreprises de plus de 500 personnes, en transformant le congé de reclassement en contrat de transition. Les contrats sont identiques quelle que soit la taille de l’entreprise ; seul change le financement du salaire perçu durant la formation : à moins de 500 employés, il est assumé par Pôle emploi ; au-delà, il est assumé par l’entreprise.

L’article 3 renvoie tous les détails de l’application de ce projet à la négociation interprofessionnelle, qui vous est chère, madame la ministre. Nous avons la volonté politique de remettre au cœur du dispositif les représentants du patronat et des salariés. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, lui et son gouvernement n’ont eu de cesse de mépriser les corps intermédiaires. Nous l’avons vu avec toutes les consultations – sur les retraites, l’assurance chômage, la formation professionnelle – et nous le voyons encore avec le Ségur de la santé : ce ne sont que des prises de notes, qui n’engagent à rien. Les députés communistes veulent restaurer la confiance dans la négociation, même lorsqu’elle est complexe, loin des consultations de façade que le gouvernement d’Édouard Philippe utilise pour faire semblant d’être à l’écoute des Français.

Ce texte a pour ambition d’entrer en vigueur au plus vite, pour aider le plus rapidement possible les victimes de la crise qui s’annonce, et sortir du marasme économique, écologique et social dans lequel nous ne tarderons pas à plonger si rien n’est fait. La possibilité, pour les salariés, de se former dès à présent, en maintenant leur niveau de rémunération, sera un formidable outil pour orienter les formations vers les besoins du marché du travail, et pour permettre aux salariés de changer de secteur sans prendre de risque démesuré. Les dispositifs sur lesquels s’appuie cette proposition de loi donnent d’excellents résultats : selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, depuis 2015, deux tiers des bénéficiaires de contrats de sécurisation professionnelle ont retrouvé un emploi avant deux ans. Il est temps d’agir et d’élargir ce dispositif, pour faire progresser les salariés et orienter le marché du travail vers la nécessaire transition écologique et sociale de l’économie. Nous adresserons ainsi un message optimiste aux jeunes, qui s’inquiètent gravement pour leur avenir. Soyons au rendez-vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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