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Liaison ferroviaire Paris-aéroport Paris-Charles de Gaulle - CMP

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la CMP est donc parvenue à un texte de compromis, au terme d’un débat laborieux sur les conditions de la dérogation à la règle dite « d’or ».
Avec mon groupe, j’avais combattu la réforme ferroviaire mais je trouve stupéfiant que cette règle, censée encadrer le financement des investissements de SNCF Réseau et le seuil d’engagement de la société nationale, bénéficie d’une dérogation dès le premier projet d’envergure concerné par ce dispositif. Le Parlement se voit ainsi contraint de renoncer à une mesure sur laquelle il s’est prononcé voici deux ans et quelques mois, dans le cadre d’un montage financier d’un flou absolu.
Vous vantez, monsieur le secrétaire d’État, une société de projet dont vous nous dites qu’elle devra emprunter, sans que nous sachions bien qui seront les financeurs censés croire suffisamment à ce projet, comme vous l’avez déclaré devant notre commission du développement durable. Le seul élément dont nous soyons à peu près sûrs est que vous comptez sur la recette des billets de transport, ce qui, même à 24 euros l’unité, ne fera pas le compte, tandis qu’a été repoussée une taxe sur les billets d’avion, à laquelle les compagnies aériennes, dont Air France, se sont opposées.
Ce projet de liaison ferroviaire express entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle est un serpent de mer. Il a sombré à plusieurs reprises avant de ressurgir, avec l’objectif d’être réalisé à marche forcée, dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, et de l’Exposition universelle de 2025, pour lesquels Paris est candidate.
Depuis le début des années 2000, cette liaison entre Paris-Est et l’aéroport Charles de Gaulle suscite contre elle une mobilisation qui n’a cessé de s’amplifier. Elle rassemble des élus, des syndicats de salariés, des associations d’usagers et de riverains, des citoyens. Bien des raisons motivent leur opposition à ce projet.
Sur les 32 kilomètres de liaison ferroviaire entre la gare de l’Est et l’aéroport Charles de Gaulle, 24 seront parcourus sur le réseau existant. Or nul n’ignore l’état actuel de saturation, tant à la sortie de la gare de l’Est que sur le réseau nord. La gêne subie quotidiennement par les usagers est donc appelée à s’aggraver encore, bien que le projet soit assorti d’engagements censés accompagner la nouvelle liaison et améliorer le réseau existant.
Cette liaison empruntera les voies de la ligne K du Transilien et du TER Picardie ; lorsque la circulation sera perturbée, il ne sera donc plus possible de recourir à celles-ci comme voies de report pour le RER B, comme c’est le cas actuellement. Un rapport du STIF estime d’ailleurs à 1,5 milliard d’euros la perte liée à la seule dégradation de la ponctualité pour le RER B.
Pour parcourir ces 32 kilomètres, il en coûtera 24 euros aux voyageurs pour un billet aller, soit plus du double du tarif du RER B. De surcroît, ce service ne sera pas accessible aux tarifications STIF, notamment au passe Navigo, et le billet ne donnera pas accès au métro intra muros, contrairement à ceux du RER.
Le projet ambitionne de ne pas accueillir plus de 22 000 passagers par jour à l’horizon 2025, sa mise en service devant intervenir à la fin de l’année 2023. Cette prévision d’accueil est à mettre en rapport avec les 900 000 usagers quotidiens du RER B et les 2,6 millions de voyageurs empruntant chaque jour les trains et RER en Île-de-France. En fin de compte, tout cela donne le sentiment d’une opération de prestige, s’adressant à un public limité, au détriment du plus grand nombre des usagers, dont les conditions de transport s’en trouveront dégradées ; le précédent orateur en a lui aussi fait état.
Et puis, il y a l’impact sur l’environnement : de ce point de vue, l’Autorité environnementale a déclaré le projet incohérent, incomplet et non conforme au code de l’environnement. De nombreux témoignages allant en ce sens ont été recueillis dans le cadre de l’enquête publique.
Enfin, le CDG Express est appelé à entrer en concurrence avec le projet plus vaste de Grand Paris Express, notamment la ligne prévue dans ce cadre pour relier l’aéroport Charles de Gaulle et la gare Saint-Denis Pleyel, en correspondance avec les lignes 14 et 16 du métro. Ces lignes, elles, seront accessibles aux détenteurs d’un passe Navigo et le billet permettra d’utiliser le métro parisien ; il en résultera une baisse de la fréquentation du CDG Express.
L’ensemble de ces éléments m’amène à conclure qu’il faut stopper le projet aventureux et non maîtrisé que vous proposez, pour se concentrer sur la modernisation du réseau ferroviaire francilien, tant au niveau des infrastructures que du matériel roulant, afin d’offrir aux usagers un service public de qualité. Les récentes avaries subies par le RER B et ses effets sur les voyageurs bloqués gare du Nord en montrent l’urgence, monsieur le secrétaire d’État – des personnes sont restées bloquées dans l’Oise ou dans l’Aisne, pendant plus d’une journée. Nous voterons donc contre ce projet de loi issu de la CMP.

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