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Loi de finances pour 2017 - Nlle lect

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, en cette nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2017, je voudrais commencer par un regret : celui de n’avoir pas pu décortiquer le projet de budget de la droite sénatoriale, à quelques mois de la confrontation démocratique qui s’annonce. Tout le monde aurait eu avantage à apprendre comment le soutien à la croissance se serait décliné sous la forme de la suppression de centaines de milliers de postes de fonctionnaires, d’une baisse encore plus forte du soutien aux collectivités locales, puisque M. Fillon parle de vingt-deux milliards d’euros en moins sur cinq ans, de la quasi-extinction de la participation des entreprises et des rentiers à l’effort collectif. Il eût été salutaire que cette transparence soit au rendez-vous.
D’ailleurs faut-il rappeler qu’en décembre 2011 le Sénat, rassemblant alors une majorité de gauche dans toute sa diversité, des communistes aux radicaux en passant par les écologistes et bien sûr les socialistes, avait, sous la houlette de Mme Bricq, alors rapporteure générale, voté un projet de loi de finances qui devait préfigurer la politique budgétaire et fiscale du quinquennat.
Ce texte a été largement oublié et je comprends, bien que je trouve cela triste pour notre démocratie et la vérité que nous devons à nos concitoyens, que la droite sénatoriale n’ait pas voulu être prise dans le même flagrant délit de contradiction : flagrant délit de contradiction dans la politique budgétaire annoncée à la fin de 2011 pour servir de base au quinquennat car il n’était alors nullement question, monsieur le ministre, d’un transfert massif de fiscalité des entreprises vers les ménages ou encore d’une baisse des dotations aux collectivités locales.
Quoi qu’en dise le secrétaire d’État, les Français ne semblent pas partager les satisfecit qui ont été distribués ; mais l’avenir nous le dira.
Ce projet de loi de finances pour 2017, et vous le dites avec beaucoup de sincérité monsieur le secrétaire d’État, s’inscrit dans la continuité des budgets précédents et, malheureusement, contrevient à nombre d’engagements de 2012.
Il intègre certes une nouveauté qui, je le rappelle, avait subi une petite avarie en première lecture, nouveauté qui réside dans le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Bien sûr, chacun comprend l’intérêt d’une concomitance entre revenu et prélèvement sur le revenu, mais il faut rappeler qu’avec la généralisation de la mensualisation, le prélèvement à la source n’aura pas d’effet sur le rendement qui dépasse déjà les 99 %. Les multiples dérogations risquent même de complexifier le système alors que les Français sont trompés quand on laisse croire qu’ils n’auront plus de déclaration à effectuer.
Enfin, l’introduction d’un tiers collecteur entre l’administration fiscale et le contribuable est, à notre sens, une faute, car cela revient à fournir des informations confidentielles sur le salarié, la composition de sa famille, la réalité de son patrimoine : une part de vie que l’employeur n’a pas à connaître.
Au total, s’il y a des réticences, c’est aussi parce que le prélèvement à la source cache un non-dit : la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée qui, si la droite arrivait au pouvoir, pourrait être le cheval de Troie d’une flat tax qui mettrait fin à la progressivité de l’impôt.
Le grand sujet sur lequel la législature aura pleinement contredit l’engagement de la gauche, diverse mais unie en 2011, c’est le basculement de milliards d’euros de prélèvements des entreprises vers les ménages. Le rapport de Valérie Rabault comme les études de l’Observatoire français des conjonctures économiques sont éclairants : la législature aura consacré la politique de l’offre, en accroissant les prélèvements sur les ménages, notamment par la TVA, l’impôt le plus injuste, de 30 milliards d’euros alors que les prélèvements sur les entreprises auront diminué de 20 milliards d’euros, sous les effets conjugués du CICE et des baisses ou des exonérations totales de cotisations sociales pour les bas salaires.
Personne ne nie qu’il y ait besoin de soutenir certains secteurs, notamment industriels, mais ne cachons pas que le CICE aura été un véritable gâchis, puisque, en matière d’emploi comme de croissance, les résultats sont faméliques. Un million d’inscrits en plus à Pôle emploi en novembre 2016 par rapport à juillet 2012… C’est la persistance dans l’erreur qui nous inquiète, puisqu’on fait passer de 6 à 7 % le taux du CICE dans le projet de loi de finances pour 2017, ce qui coûtera plus de 3 milliards d’euros, laissant accroire que le seul élément de compétitivité serait, comme cela est improprement énoncé, « le coût du travail ».
Cette croyance dans la course au moins-disant est d’une stupidité sans pareille : le rapport du Forum économique mondial sur la compétitivité identifie douze raisons qui poussent les entreprises à investir dans un pays. Parmi les plus importantes on ne trouve pas le coût du travail : ce sont les qualités des infrastructures, la présence d’une main d’œuvre qualifiée et en bonne santé, ainsi que la stabilité sociale.
Or, pour donner cet environnement favorable à l’emploi et à l’égalité des territoires, l’accent mis sur la diminution des prélèvements des entreprises sans conditionnalité, sans sectorisation, est non seulement injuste mais inefficace.
Nous ne pouvons que regretter que ce poison utilisé par les libéraux ait gagné les rangs de la social-démocratie, partout sur le globe. En trente ans, les bénéfices nets des entreprises ont explosé, quand leur contribution à l’effort national n’a pas progressé. Une étude du cabinet McKinsey, cabinet de consultants auprès des entreprises dans le monde entier, relève qu’en dollars constants, les bénéfices nets déclarés par les plus grandes entreprises ont plus que triplé, passant de 2 000 milliards de dollars en 1980 valeur 2013, à 7 200 milliards de dollars en 2013.
Dans le même temps, nous avons assisté à une réduction de la fiscalité des entreprises dans le monde. Aussi le taux moyen d’imposition des entreprises au niveau mondial est-il passé en dix ans de 27,5 % à 23,6 %. Dans les pays du G20, le taux d’imposition moyen est passé de 40 % en 1990 à moins de 30 % aujourd’hui. Et, selon l’OCDE, les recettes que collectent les pays de l’OCDE via l’impôt sur les sociétés sont passées de 3,6 points de PIB en 2007 à 2,8 points aujourd’hui.
Je rappelle que dans notre pays, après le CICE, sans compter la baisse du taux de 33 à 28 % dont le principe est inscrit dans ce projet, l’impôt sur les sociétés ne représente plus que 1,4 point de PIB en 2017 et 1,25 point à l’horizon 2018. Autant dire que sans un élargissement de l’assiette, cet impôt est voué à la disparition.
L’ONG Oxfam note par ailleurs que le plan BEPS – pour Base erosion and profit shifting, soit base d’imposition et le transfert de bénéfices – qui a été conclu récemment a eu pour conséquence de niveler par le bas l’imposition des sociétés. D’ailleurs, les faits donnent raison à Oxfam : le Royaume-Uni, la Hongrie, la Belgique, le Luxembourg et malheureusement la France viennent d’annoncer une baisse de l’impôt sur les sociétés.
A contrario, les dividendes versés s’envolent. Pour les entreprises du CAC 40, ce sont entre 40 et 50 milliards d’euros de dividendes versés chaque année, représentant près de 80 % de profits réalisés. Quel gâchis de richesses créées !
Ces dizaines de milliards, accaparés par une caste sans scrupule, se retrouvent bien souvent dans la grande lessiveuse des paradis fiscaux. Même si des avancées pour combattre l’évasion et la fraude fiscales, trop timides à notre sens, peuvent être saluées, il reste de véritables scandales. Selon Oxfam, parmi les dix pires paradis fiscaux, cinq sont européens dont quatre sont membres de l’Union européenne : les Pays-Bas valeureux troisième derrière les Bermudes et les îles Caïmans, la Suisse au pied du podium…
L’Irlande sixième, le Luxembourg septième et Chypre dixième complètent ce joli tir groupé de l’Union européenne.
Quel beau cinéma que celui de la Commission européenne et du Conseil des ministres européens nous expliquant les efforts contre la fraude et l’évasion fiscales ! Comme l’est tout autant la volonté affichée d’une taxe sur les transactions financières, annoncée par l’Union européenne depuis plus de dix ans et toujours différée.
J’espère que notre assemblée confortera le vote de la taxe sur les transactions financières intervenu en première lecture, comme nous y invite d’ailleurs un courrier du Président de la République à l’ONG Oxfam que j’aurai l’occasion de lire dans cet hémicycle.
La réalité, c’est que le Gouvernement de la France a malheureusement abdiqué devant la doxa libérale de la Commission européenne et de ceux qui la gèrent ou l’ont gérée dans une consanguinité malsaine regroupant Goldman Sachs, la BCE et les institutions financières publiques et privées.
Pour conclure, je voudrais appeler votre attention sur deux points symptomatiques. D’abord, je vous demande, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelle sera l’intervention de la France pour la Grèce. L’Eurogroupe vient de proposer de revenir sur le petit allègement de dette promis à la Grèce – même pas de 1 pour 1 000, d’ailleurs – car le Premier ministre Alexis Tsipras a annoncé une hausse des petits retraites et a refusé d’augmenter la TVA. Quelle est la position de la France au sein de l’Eurogroupe, devant ce flagrant délit de mise en cause de la souveraineté d’un État ?
Ensuite, je voudrais insister sur les fractures sociale et territoriale qui ont grandi durant ce quinquennat. L’INSEE vient de publier un rapport où l’on voit que le taux de pauvreté est reparti à la hausse en 2014 et en 2015, avec plus de 14 % de nos concitoyens sous le seuil de pauvreté, se concentrant d’ailleurs dans les territoires les plus fragiles.
La France périphérique existe, monsieur le ministre, et vous le savez. Je la rencontre tous les jours.
Les décisions prises pour accroître le pouvoir des métropoles, assécher les finances des collectivités locales par la diminution de la dotation globale de fonctionnement ou la non-compensation d’exonérations de taxe d’habitation ou de taxe sur le foncier bâti vont avoir des conséquences dramatiques. Il faut trouver des solutions pour éviter la double peine, comme l’a si bien dit notre rapporteure générale, que je remercie.
Déjà, les communes et intercommunalités ont baissé leurs investissements de 25 % en deux ans, mettant en péril le maintien du patrimoine public. Pourtant, il existe de grands enjeux sur lesquels nos concitoyens nous attendent, je pense notamment à la transition écologique.
À n’avoir eu comme horizon que les fameux 3 % de déficit public, le Gouvernement s’est enferré dans une législature des occasions manquées et des renoncements, alors qu’il eût fallu chercher des recettes nouvelles, celles qui échappent à l’effort collectif.
À se mettre dans les pas des libéraux, à coups de déréglementation du travail, de précarisation, c’est le camp du conservatisme, de la haine et de la division qui sort malheureusement renforcé de ces cinq années.
Ce projet de loi de finances pour 2017 s’inscrit dans cette veine, celle qui divise le camp du progrès, avec tous les risques sociaux et démocratiques que cela comporte. Vous comprendrez donc que les députés du Front de Gauche ne puissent vous suivre dans cette voie.

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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