Interventions

Discussions générales

Loi Macron : interventions qui n’ont pas pu être prononcées

Articles 62 et 63
Stades : de la publicité partout
L’article 62 prévoit que des dispositifs publicitaires, lumineux ou non, de très grande taille, puissent être installés sur les stades de plus de 30 000 places.
Une telle disposition viendrait considérablement abîmer, enlaidir, les œuvres architecturales que constituent certains stades. Des stades largement financés par les contribuables, qui payent ou ont payé la beauté d’une architecture qui sera abîmée par les dispositions que vous nous proposez.
L’environnement proche du stade, les riverains notamment, seront également affectés par la mise en application d’une telle disposition. Quel bonheur d’habiter à proximité d’un stade sur lequel rayonne un énorme panneau publicitaire lumineux faisant la promotion d’une célèbre boisson sucrée !
Aussi, loin de prôner la sobriété et l’esprit populaire du sport, ces dispositifs participent de la société de consommation et contribuent à renforcer le poids des annonceurs sur la collectivité.
On retrouve d’ores et déjà d’immenses panneaux publicitaires sur bon nombre de stades en France, j’en prends pour exemple le Stade de France. Qui va réellement tirer profit de ces dispositions ?
Quid, par ailleurs, des stades privés, comme celui de Lyon, qui est actuellement en construction ? Bénéficieront-t-ils des recettes issues des dispositifs publicitaires que vous nous proposez de libéraliser ?
Quid, enfin, de l’impact de ces dispositions sur la loi Evin et sur l’éventuelle publicité pour des boissons alcoolisées ?
Dans un amendement de repli, nous proposons que l’essentiel des recettes générées par ces dispositifs publicitaires soit destiné au financement de projets du milieu du sport amateur, comme l’amélioration des conditions d’accès au sport ou l’amélioration des équipements.
Après l’article 64
Retraites-chapeaux : Gouvernement et MEDEF main dans la main
L’amendement que nous proposons sur les retraites chapeau n’est pas issu du code de conduite de l’AFEP-MEDEF, contrairement à d’autres dispositions de ce projet de loi. Il a pour objet d’augmenter significativement la taxation des retraites chapeau les plus importantes.
A l’heure actuelle, le taux de la contribution due par les bénéficiaires des rentes supérieures à 24 000€ par mois est de 21%.
Cet amendement propose d’augmenter ce taux de 13 points et le faire ainsi passer à 34%.
Ciblant les bénéficiaires de retraites chapeau les plus importantes, le taux proposé se veut dissuasif.
Les exemples récents ayant marqué l’actualité et choqué l’opinion montrent qu’il est légitime et nécessaire de légiférer en ce sens, et donc de retenir notre proposition. Le Ministre de l’Economie s’est d’ailleurs engagé à mettre en place une réforme d’ampleur dans ce domaine.
Dans un souci de justice fiscale, alors que les ménages les plus modestes sont les plus affectés par les hausses de TVA mises en place par le passé, cet amendement permettrait de faire contribuer les plus aisés selon les moyens dont ils disposent.
Article 64 ter
Secret des affaires : le gouvernement fait (enfin) machine arrière
Cet article est l’une de ces multiples dispositions ayant suscité un tollé général dans l’opinion publique et la société civile. Un article qui découle d’un amendement adopté en Commission spéciale et sur lequel un véritable débat de fond apparait fondamental. Un article, enfin, sur lequel nous avons déposé des amendements de suppression et divers amendements de repli afin d’en limiter les effets.
L’article 64 ter instaure, ou comptait instaurer dans le droit français un secret des affaires. Il entend ou il entendait protéger les entreprises françaises de « l’espionnage économique », avec une sanction pénale en cas de violation de ce secret : trois ans de prison et 375 000 euros d’amende. Une peine portée à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France.
Ces peines sont encourues par celles et ceux qui prennent connaissance, révèlent sans autorisation ou détournent toute information protégée au titre de ce secret des affaires.
Cet article prévoit également que la tentative de ce délit est punie par des peines identiques.
L’introduction d’une telle disposition dans ce projet de loi pour la croissance et l’activité nous est pour le moins étonnante. Déjà fourre-tout, les travaux de la commission spéciale ont, au final, rajouté de l’illisibilité à l’illisibilité. Avec, notamment, l’intégration en amendements d’anciennes propositions de loi, comme c’est le cas, en l’espèce, avec ces dispositions sur le secret des affaires. Le Groupe SRC avait, en effet, déposé une proposition de loi visant à instaurer un secret des affaires l’été dernier et l’article dont nous discutons aujourd’hui en est directement issu.
Sur la forme, nous sommes également étonnés de l’intégration d’un volet « Secret des affaires » dans ce projet de loi, alors que les décideurs politiques européens planchent justement sur un projet de directive, en date du 28 novembre 2013, sur le thème du secret des affaires. Un projet de directive sur lequel je reviendrai plus tard.
Enfin, dernier motif d’étonnement, permettez-nous de vous rappeler que le Président de la République a annoncé le 20 janvier un futur projet de loi sur la transparence de la vie économique. Typiquement le genre de texte qui pourrait permettre un large débat sur le secret des affaires, au contraire du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui.
C’est un article qui est loin de nous enthousiasmer. Les inquiétudes et les interrogations relayées par la presse, les ONG, les associations et les lanceurs d’alerte eux-mêmes, nous ont confortées dans notre analyse.
Nous ne nions évidemment pas que le renforcement de la protection juridique des entreprises de notre pays est un enjeu d’intérêt général, en particulier dans un contexte de concurrence internationale où tous les coups peuvent être permis, y compris la divulgation d’informations d’importance majeure.
Or, le texte que vous nous proposez aujourd’hui donne une définition extrêmement large du secret des affaires. En tout état de cause, elle est très large et peut concerner potentiellement, en l’état, toutes les informations non rendues publiques, ce qui va bien au-delà du secret industriel.
En clair, avec cet article, il nous semble que vous prenez une massue pour écraser un moustique.
Une définition très large du secret des affaires, des sanctions pénales lourdes qui en découlent, et le spectre très restreint des exceptions aux sanctions soulèvent de lourdes inquiétudes, en particulier à l’égard de trois catégories d’acteurs qui occupent une place essentielle dans notre démocratie :

  • Les journalistes, qui craignent légitimement pour leur liberté d’informer, au sujet de scandales sanitaires, fiscaux, environnementaux, financiers, militaires
  • Les lanceurs d’alerte, qui ne sont pas ici protégés dans cet article. Certes, de manière lacunaire, le droit d’alerte a été reconnu récemment en droit français. Mais l’article 64 ter leur fait courir un risque important. En effet, il ne prévoit une exception aux sanctions que dans les cas d’infractions aux lois et règlements en vigueur. Mais quid du signalement de risques potentiels pour la santé, l’environnement, les montages fiscaux ou autres ? Ces champs ne sont pas couverts par cet article. Par ailleurs, quid de la protection de ces lanceurs d’alerte ? On sait très bien que ces lanceurs d’alerte sont très généralement l’objet de mesures de représailles (licenciement, sanctions, harcèlement etc.). Ce champ est absent de cet article
  • Enfin, il convient d’évoquer également la question des représentants du personnel. Nombreux sont les élus du personnel qui prennent des risques pour dévoiler aux salariés ou à la presse des informations capitales relevant, à titre d’exemple, d’éventuels plans sociaux, de projets de délocalisation, ou encore l’utilisation d’aides publiques. Cet article, en l’état, fait peser un risque important sur ces représentants du personnel, alors que dans le même temps, le gouvernement entend réduire les sanctions relatives au délit d’entrave…
    Cet article, en réalité, n’allait, ni plus ni moins, dans le même sens que celui fixé par l’ensemble du texte, à savoir celui de la consécration de l’impunité patronale, illustrée, par ailleurs, par l’article 58 quater (également un amendement socialiste adopté en commission spéciale) qui rend optionnelle la publicité des comptes des entreprises, quelle que soit leur taille.
    Le secret des affaires est un vieux serpent de mer législatif, souvent poussé par le patronat. Cela fait une bonne douzaine d’années que ce sujet est à l’ordre du jour, à travers divers projets ou propositions de loi. Les derniers en date étant le texte du député UMP Bernard Carrayon en 2012, proposition de loi qui avait été abandonnée. Ainsi que la proposition de loi du groupe socialiste évoquée précédemment.
    En adoptant une telle disposition dans notre droit, la France aurait anticipé la transcription en droit interne de la proposition de directive européenne de novembre 2013. Le problème avec cette disposition, c’est que la France deviendrait le premier pays européen à pénaliser la divulgation d’informations « à valeur économique ». Du reste, le texte tel qu’il est proposé dans l’article 64 ter, ne prend pas en compte les exceptions détaillées dans le projet de directive européenne interdisant les poursuites pour atteinte au secret des affaires. Il est important de connaître ces exemptions :
  • « l’usage légitime du droit à la liberté d’expression et d’information »
  • « la révélation d’une faute, d’une malversation ou d’une activité illégale du requérant… dans l’intérêt public »
  • Ou bien encore « la protection d’un intérêt légitime ».
    Bref, des protections que l’on ne retrouvait pas dans l’amendement adopté en Commission spéciale et qui légitiment largement la suppression pure et simple de cet article.
    Le recul qui est le vôtre aujourd’hui est donc le bienvenu.
    Pour leur part, les députés du Front de gauche continueront à se battre pour la liberté d’informer, pour la protection des lanceurs d’alerte et pour le respect des droits des représentants du personnel.
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