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Lutte contre la précarité énergétique

Depuis plusieurs mois, je me dis que l’enjeu auquel nous sommes confrontés, face à l’urgence climatique, est de réconcilier la fin du monde et la fin du mois. Les colères sociales qui s’expriment depuis plus d’un an en France en attestent de manière criante. À l’invitation du groupe Socialistes et apparentés, nous abordons aujourd’hui le sujet à travers un texte relatif à la lutte contre la précarité énergétique qui offre une piste sérieuse et concrète de mise en œuvre d’une transition énergétique juste et équitable.

Depuis trop longtemps, au sein de la majorité, vous essayez de nous faire croire qu’environnement et économie sont incompatibles et que l’on ne pourra réussir la transition écologique qu’à condition que les plus pauvres acceptent de payer pour les plus riches.

Un sketch de Jamel Debbouze me revient en mémoire et résonne avec mes propres souvenirs d’enfance. Les familles populaires ont inventé l’économie circulaire avant l’heure ! Quand j’étais petit, je mettais les fringues de mes frangins. Nous avions déjà le souci de la préservation des biens de première nécessité puisque, dans la famille, nous prenions tous le même bain. Certes, nous le faisions pour des raisons d’économies davantage que pour des raisons environnementales, mais, ce faisant, nous étions dans une démarche exemplaire. Dans les familles populaires, les vélos étaient réparés quand ils étaient cassés, ce qui nous renvoie également au projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, actuellement débattu par l’Assemblée et sur lequel nous avons déposé des amendements que vous refusez, pour la plupart, de prendre en compte.

Il existe un espace de convergence possible entre la fin du mois et la fin du monde, mais cette convergence exige des moyens. Le logement, qui absorbe 43 % de notre consommation d’énergie finale, en témoigne de manière exemplaire. Nous faisons face à une réalité sociale manifeste : le logement représente le premier poste de dépenses des ménages. Ce que l’on appelle le taux d’effort énergétique des ménages, c’est-à-dire la part de la facture d’énergie du logement dans leur budget, est en constante augmentation depuis vingt ans et représente en moyenne 5,6 %. Sur 36,3 millions de logements, plus de 7,4 millions sont considérés comme des passoires énergétiques.

Le mal-logement énergétique, cette précarité du quotidien, a un coût, et tout d’abord un coût économique pour les ménages, dont certains sacrifient plus de la moitié de leur reste à vivre à cette dépense. Les plus précaires ont froid et payent cher cette souffrance. Alors, quand vient l’hiver et que la chaudière au fioul fonctionne mal, on baisse le thermomètre pour tenir avec la réserve prévue jusqu’à février, voire jusqu’à mars. On pollue, on le sait ; on ne voudrait pas, mais on n’a pas le choix : on veut simplement ne plus avoir froid.

20 % de logements considérés comme des passoires thermiques et autant de foyers, de visages, exposés chaque jour à de potentiels risques sanitaires. Car, il faut le rappeler, la précarité dans le logement tue au quotidien : maladies chroniques, insalubrité, accidents, dépression, isolement social, consommation d’antidépresseurs. Le chez soi, ce n’est pas seulement un bien à valoriser sur le marché, une plus-value immobilière ; c’est aussi le lieu qui permet à tous de se retrouver. Mais que faire quand ce chez soi devient lui-même un danger, un fardeau ?

La politique publique de rénovation énergétique existe, mais elle ne va pas assez loin. Les dispositifs tels que le CITE favorisent les effets d’aubaine. Ainsi, la TVA à taux réduit ne parvient pas à toucher les ménages les plus modestes et ne permet pas aux logements les plus énergivores d’être rénovés. Certes, l’ANAH a consacré l’an dernier près de 530 milliards d’euros à la lutte contre la précarité énergétique, mais pour bien peu de résultats face au défi que nous devons relever…

Le texte que nous examinons aujourd’hui propose de créer une prime pour le climat sous la forme d’une avance remboursable pouvant aller jusqu’à 100 % du montant des travaux. Cette prime viserait, selon un calendrier précis, à éliminer les logements des classes énergétiques basses en favorisant le financement des travaux de rénovation. Nous souscrivons à cette proposition et nous saluons celle qui vise à interdire la mise en location des logements classés F ou G à partir du 1er janvier 2027.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, nous avons réitéré nos critiques à l’égard de la réforme du CITE, qui constitue, selon nous, une mesure d’économie budgétaire déguisée en mesure sociale. Nous avons d’ailleurs, à cette occasion, formulé différentes propositions sur plusieurs sujets, et notamment celle de rendre éligibles au nouveau dispositif les rénovations globales. La prime pour le climat, favorablement accueillie par les professionnels du bâtiment et par les associations de propriétaires, représente un premier pas.

La refonte du système d’aides à destination du parc privé ne doit pourtant pas occulter les interrogations qui subsistent sur l’évolution préoccupante des prix de l’énergie, la dépendance aux hydrocarbures dans les systèmes de chauffage et le niveau insuffisant de l’investissement dans la rénovation des bâtiments publics.

En conclusion, nous appelons à élargir le débat pour initier un plan stratégique en faveur de la transition énergétique et sociale. Nous voterons ce texte, car il est porteur d’avancées significatives.

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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