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Lutte contre le hooliganisme

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui en deuxième lecture d’une proposition de loi du groupe Les Républicains relative au renforcement du dialogue avec les supporters et à la lutte contre le hooliganisme. Les députés du Front de gauche avaient, en première lecture, émis des réserves sur son contenu et soulevé plusieurs questions : premièrement, celle de son utilité par rapport aux dispositions existantes et ayant fait leurs preuves dans la lutte, si nécessaire, contre le hooliganisme ; deuxièmement, la question des risques de dérives liées aux nouveaux droits ouverts, à l’article L.332-l du code du sport, aux organisateurs de manifestations sportives à but lucratif ; troisièmement, l’absence de reconnaissance véritable de l’apport des supporters à la vie des clubs et fédérations.
Les modifications apportées par nos collègues du Sénat et adoptées à l’unanimité par notre commission des lois améliorent cette proposition de loi, mais ne répondent pas entièrement à nos interrogations. Au motif juste de lutter contre les violences dans les stades, les dispositions contenues dans le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale donnaient aux organisateurs des pouvoirs assurés aujourd’hui par les pouvoirs publics et les juridictions. Les organisateurs se voyaient autorisés à refuser l’accès au stade de certains individus et surtout à établir un fichier de données à caractère personnel en raison de leur comportement portant atteinte aux dispositions prises par les organisateurs pour assurer le bon déroulement ou la sécurité de ces manifestations. Le Sénat a introduit une disposition retenant comme seul motif de refus le non-respect des dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatif à la sécurité. C’est une avancée.
Cela dit, la proposition de loi qui nous est présentée, en permettant à un organisateur d’établir des listes et de refuser l’accès au stade à des individus ne faisant pas l’objet d’une interdiction administrative de stade en raison de leur comportement, peut donner à cet organisateur un pouvoir disproportionné et non fondé sur des compétences avérées. Quelles seront les données personnelles collectées ? Où seront-elles conservées ? Par qui seront-elles traitées ? Monsieur le secrétaire d’État, nous avons hâte de prendre connaissance du contenu du décret en Conseil d’État que vous avez évoqué. La CNIL, dans sa délibération du 30 janvier 2014, avait d’ailleurs rappelé que la sanction et le maintien de l’ordre public sont des attributions régaliennes, qui relèvent de la compétence des pouvoirs publies et des juridictions.
Chers collègues, on peut comprendre que la tenue prochaine de l’Euro de football nous incite à revisiter la législation actuelle, pour que ce beau moment sportif se déroule en toute tranquillité, dans les stades et autour d’eux. Mais la présente proposition de loi ne s’appliquera qu’après la finale de l’Euro, où nous espérons tous voir participer et gagner l’équipe de France. Ce seront alors principalement les clubs professionnels qui utiliseront les mesures prévues par ce texte. Au-delà des dispositifs de sécurité supplémentaires mis en place autour des stades ou des salles de spectacle en raison du contexte dramatique, il faut prendre en compte le travail remarquable effectué par le comité d’organisation de l’Euro et le ministère de l’intérieur pour accueillir les supporters de tous les pays, éviter tout débordements et assurer la sécurité de tous.
Enfin, la législation actuelle comporte déjà de nombreuses dispositions pour prévenir et sanctionner les violences dans les enceintes sportives, sous l’autorité de l’État, et les clubs sont largement associés à la lutte contre les violences menée par les pouvoirs publics. Le code du sport comprend actuellement un large éventail de sanctions. En vertu de ce code, le juge judiciaire peut prononcer une interdiction de stade pouvant aller jusqu’à cinq années contre une personne commettant l’un des délits propres aux manifestations sportives. Quant aux autorités administratives, elles ont, par l’intermédiaire du préfet, la faculté d’interdire de stade un supporter à titre préventif pour une durée de douze mois. Des déplacements peuvent être interdits. Ces dispositions ont porté et portent toujours, pour certaines, leurs fruits dans la lutte contre les violences. Je doute que l’article 1er de la présente proposition de loi permette une efficacité supplémentaire. C’est pourquoi nous en proposerons la suppression par voie d’amendement.
Le titre de cette proposition de loi commence par évoquer le renforcement du dialogue avec les supporters. Je m’en félicite, et cela pour deux raisons. D’abord parce que les supporters doivent être reconnus comme acteurs et actrices à part entière de leur sport, mais aussi parce que ce dialogue peut être utile dans la lutte contre les violences. À la démarche de sanction doit être associée une logique préventive qui intègre les premiers acteurs concernés, à savoir les représentants des supporters. J’ai noté avec satisfaction que le Sénat avait amélioré l’article visant à créer une instance nationale du supportérisme.
Toutefois, nous ne sommes pas au bout de ce qu’il est souhaitable de mettre en place pour intégrer les supporters dans la vie des instances sportives en leur reconnaissant ainsi leur apport à cette grande famille du sport. Des associations nationales de supporters se sont créées ; leur représentativité peut grandir si le mouvement sportif leur fait confiance. Les associations des clubs sont nombreuses à souhaiter être mieux associées à la vie de leur club. C’est ce qui avait fondé ma participation au dépôt d’une proposition de loi avec soixante autres collègues de tous les groupes pour répondre à l’absence de représentation organisée des supporters dans les instances nationales du sport et poser les jalons d’une meilleure implication des associations de supporters dans la gouvernance du sport, que ce soit dans les clubs et les ligues professionnels ou dans les fédérations. Je reste persuadée qu’en ouvrant les portes du mouvement sportif à ces acteurs, et en ne se contentant pas de les associer de l’extérieur au mouvement sportif, on contribuerait à résoudre les problèmes rencontrés, qui nuisent à l’image du sport professionnel et amateur. Plus largement, cette représentation est aussi le gage d’une plus grande transparence et d’une plus grande durabilité du sport, vecteur de cohésion sociale et de responsabilité sociétale.
Les amendements que je vous présenterai sur le sujet s’inscrivent donc dans cette démarche. L’un d’entre eux vise à élargir la composition des instances fédérales et des clubs aux représentants des supporters. Un autre, qui nous a été inspiré par vos travaux, monsieur le secrétaire d’État, tend à étendre les principes posés par l’ordonnance no 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif et intégrés dans le code monétaire et financier aux sociétés commerciales exploitant des clubs de sport, en proposant donc de créer une possibilité, et non une obligation, de recourir au financement participatif dans la constitution du capital des clubs sportifs.
Voilà, mes chers collègues, ce que les députés du Front de gauche proposent pour que cette proposition de loi soit un peu plus équilibrée. L’adoption de ces dispositions donnerait pleinement son sens au titre de la loi.

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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