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Lutte contrefaçon

Monsieur le Président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme notre collègue Jean-Michel Clément l’a parfaitement exposé dans son rapport, la contrefaçon a pris une dimension nouvelle ces dernières années. Le trafic mondial de produits contrefaisants représenterait environ 250 milliards d’euros annuels, et au plan national, la contrefaçon pourrait entraîner chaque année jusqu’à 38 000 destructions d’emplois et 6 milliards de manque à gagner pour l’économie française.
La lutte contre la contrefaçon est donc un enjeu majeur et elle doit viser avant tout à protéger les consommateurs contre les produits dangereux et à préserver l’emploi. C’est pourquoi nous partageons les principales améliorations portées par ce texte, tel qu’il a été utilement amendé par notre commission des lois, à savoir : le renforcement des dédommagements civils accordés aux victimes de contrefaçon ; l’harmonisation des procédures existantes en matière de contrefaçon, via notamment la clarification de la procédure du droit à l’information ; l’harmonisation de la procédure de saisie-contrefaçon entre les différents droits de propriété intellectuelle ; l’alignement des délais de prescription de l’action civile en matière de contrefaçon sur le délai de droit commun de cinq ans issu de la réforme de la prescription en matière civile ; l’accroissement des moyens d’action des douanes.
Nous nous interrogeons cependant sur l’efficacité des nouvelles mesures juridiques conférées à l’administration des douanes, eu égard à la situation désastreuse dans laquelle elle se trouve, tant en termes d’effectifs que de moyens.
En effet, les effectifs des douanes ont fortement diminué entre 2008 et 2012 ; plus de 8 % des postes ont été supprimés au titre de la RGPP. Le nombre des agents, qui s’élevait à 22 000 au début des années 1980, est d’à peine plus de 16 000 aujourd’hui. Les services des douanes sont au bord de la rupture et une nouvelle ponction de 314 postes est prévue en 2014, avec un budget encore en baisse.
La mise en garde du syndicat national des agents des douanes est à cet égard très claire : « Faute de moyens, les contrôles ont lieu de plus en plus souvent après le dédouanement, dans les entreprises. Le risque est de constater trop tard que non seulement un produit dangereux est entré sur le territoire, mais qu’il a déjà été consommé. »
Notre débat est aussi l’occasion de rappeler que le service des douanes est un levier de régulation économique, de sauvegarde du tissu industriel et de lutte contre le dumping social et écologique dont la France ne peut se passer. Ainsi, s’il est important de renforcer l’arsenal juridique, il est tout aussi indispensable d’augmenter les moyens humains et budgétaires qui lui sont alloués.
Je veux maintenant dire un mot de l’article 13 de cette proposition de loi, qui présente des risques d’atteinte à la vie privée et aux libertés publiques puisqu’il prévoit la transmission aux douanes des données détenues par les opérateurs du fret express et de La Poste. Ces données seront enregistrées sur un fichier informatisé, qui sera mis à la disposition de la direction générale des douanes.
Le champ d’application de cet article est très large, puisqu’il concerne les envois nationaux et les envois transnationaux et s’applique à toutes les « marchandises, biens et objets acheminés », c’est-à-dire aux colis, mais également aux courriers. Autant d’éléments qui appellent à la plus grande vigilance s’agissant de la création d’un tel fichier automatisé de données.
C’est pourquoi nous avons pris acte de votre engagement, madame la ministre, à ce que seules les données dont disposent déjà les « expressistes » soient demandées et que le traitement de ces données obéisse aux prescriptions de la loi de 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
Nous voterons donc les amendements présentés par le rapporteur et le Gouvernement tendant à définir précisément la notion de fret express pour restreindre le nombre d’opérateurs soumis à l’obligation de fournir des données, à rappeler que les modalités d’application du traitement des données respecteront les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 et à fixer dans la loi un délai maximal de deux ans pour la conservation des données.
Concernant la question controversée des semences de ferme, assimilées à de la contrefaçon de semences industrielles, nous avons soutenu pleinement l’action de la Confédération paysanne visant à introduire une exception agricole, afin que les paysans ne voient pas leurs récoltes saisies ou détruites à la moindre demande de multinationales. Nous faisons du droit des paysans à utiliser leurs propres semences végétales et animales une des conditions de l’existence d’une agriculture paysanne répondant à la satisfaction des besoins humains. Nous voterons donc les amendements du rapporteur allant en ce sens.
La protection des marques contre la contrefaçon ne doit pas occulter la nécessité de porter un regard critique sur les entreprises de marques qui délocalisent leurs activités dans des pays à bas coûts, aggravant ainsi le dumping social et la diminution des emplois industriels.
La lutte contre la contrefaçon ne saurait se cantonner au simple champ judiciaire. Elle doit aussi avoir pour objectif de freiner les délocalisations de productions et nous permettre de repenser nos modèles d’échanges avec les pays en voie de développement. Sous réserve de ces quelques remarques, et pour toutes les raisons indiquées, les députés du Front de gauche voteront pour ce texte qui représente une avancée significative. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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