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Mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

Monsieur le Président, Madame et messieurs les ministres, Mes chers collègues,
Ce projet de loi affiche l’ambition de « moderniser notre économie ». Passons sur l’usage que vous faites du terme « moderniser » : en réalité, tous vos textes visent à adapter notre pays, nos concitoyens, nos entreprises, nos collectivités locales, notre socle social, aux exigences du capitalisme mondialisé.
Monsieur NOVELLI lui-même indique que ce texte est la version entrepreneuriale du « travailler plus pour gagner plus » visant à « plus d’entreprises et plus de concurrence ».
Car derrière un texte « fourre-tout », parlant de la libération de « la croissance et des énergies », de la sortie « de l’économie administrée », votre fil rouge demeure, avec une philosophie et des objectifs politiques que nous ne saurions cautionner.
Et pourtant, qui ne souscrirait à l’objectif de faciliter le développement d’entreprises petites et moyennes dans notre pays ?
Pour avoir souvent regretté l’insuffisance de notre tissu de PME et de PMI, comment ne pas vouloir améliorer réellement leur situation ?
Nous avons souvent dénoncé les conditions d’accès au crédit bancaire pour ces entreprises, les liens de subordination qui amènent souvent ces entreprises dites « indépendantes » à être en réalité totalement dépendantes de celles qui ont suscité leurs créations, avec ce que cela signifie de danger pour l’avenir de ces entrepreneurs ; nous avons aussi soutenu les décisions visant à faciliter leur travail administratif.
Qui ne souscrirait en effet à l’idée qu’il faut simplifier la vie des artisans, des commerçants, des entrepreneurs indépendants dont le tissu est essentiel pour répondre aux besoins de la population, en particulier en services de proximité, essentiel aussi à l’activité de nos territoires ?
Mais votre texte ne vise pas cela, même si, bien évidemment, certains articles proposent des mesures de bon sens que nous approuverons. Dans le même temps, comment accepter qu’une surface commerciale de plusieurs centaines de m² puisse ouvrir sans passage en commission départementale, tuant les petits commerces ?
Par ailleurs, Monsieur NOVELLI fait référence à la loi TEPA ! Faut-il rappeler que la promesse d’un pouvoir d’achat revalorisé pour ceux qui seraient prêts, ou contraints par leur employeur, à travailler plus au travail pour quelques euros supplémentaires n’a pas été tenue ? Les bas salaires pèsent dans notre pays, menant à une réelle précarité. Même pour les classes moyennes, la vie est devenue difficile.
Le nombre de créations d’entreprises est en hausse de façon continue depuis le début des années 2000 ; cela n’empêche pas un chômage persistant, une précarité montante et un accroissement des inégalités inquiétant.
40% des nouveaux entrepreneurs, en 2006, étaient d’anciens chômeurs ; nul doute que si certains souhaitent se mettre à leur compte, d’autres en sont réduits à l’entrepreneuriat contraint, avec le risque lourd d’un retour, non pas au chômage, mais à une situation encore plus précaire. Ainsi, selon « l’observatoire des inégalités », alors que les indépendants représentent 9% des actifs, le taux de pauvreté dans leur catégorie est de 11%, soit 2 fois le taux moyen en France ; en fait un actif pauvre sur 5 est un travailleur indépendant.
Et alors qu’il faudrait sécuriser ces entreprises, vous supprimez le recours obligatoire aux commissaires aux comptes !
 Et le durcissement des conditions de l’indemnisation du chômage n’est pas pour rien dans l’augmentation du nombre de créations d’entreprises par des chômeurs, avec les risques que cela fait courir d’un échec supplémentaire pour beaucoup d’entre eux.
Cet accroissement de la création des entreprises est donc aussi le reflet des difficultés sociales dans un pays malade de son manque d’emplois, de la course à la rentabilité acharnée à laquelle se livrent de nombreuses entreprises et des suppressions d’emplois qui vont avec.
Ainsi, dans votre article 3, vous permettez à des personnes salariées, à temps plein ou partiel ou retraitées, de déroger au droit commun en créant leur activité indépendante : est-ce là votre réponse aux revendications de nombreux actifs et retraités dans ce pays ? Vous êtes caissière à temps partiel dans un hypermarché, payée moins de 1000€ ? Créez votre entreprise ! Vous êtes retraité de la fonction publique, avec moins de 1.000€ par mois ? Créez votre entreprise ou travaillez comme remplaçant comme par exemple dans l’Education Nationale ! Est-ce là, la société moderne que vous voulez ? Vivre pour travailler, seul moyen de s’en sortir avec un revenu décent ?
Car dans ces TPE, on ne compte pas ses heures et dans le petit commerce, notamment, beaucoup, pour tenir, travaillent 10 à 12 heures par jour ! C’est sans doute cela la « modernisation » des conditions et des horaires de travail, au moment où vous prétendez conserver les 35 heures, mais qu’en réalité vous ouvrez la voie à l’explosion de la durée de travail, jusqu’aux 48 heures permises au niveau européen.
Vous prétendez aussi favoriser le pouvoir d’achat par la concurrence commerciale. On pourrait dire « pourquoi pas », sauf que notre pays est déjà celui qui dispose du maillage le plus serré, avec ses 15500 magasins de proximité, ses 4075 hard-discounters, ses 5525 supermarchés et ses 1435 hypermarchés. Et pourtant, nous avons des prix plus élevés qu’ailleurs.
Alors, vous proposez de libéraliser la création des surfaces commerciales jusque 1000 m2, ouvrant donc largement la voie au hard discount et mettant encore plus les commerces de proximité en difficulté.
Vous proposez aussi de mettre fin aux marges arrière, de permettre la négociation des prix avec les fournisseurs, au risque, comme le craignent ou le dénoncent des organisations professionnelles et des économistes, de pousser des fournisseurs à la délocalisation, de mener des PMI déjà fragilisées et qui ne pourront pas suivre, à mettre la clé sous la porte. On sait en effet la puissance des centrales d’achat de ces grands groupes qui dominent actuellement le paysage commercial de notre pays et qui structurent nos territoires.
Alors, vous nous promettez des gains de pouvoir d’achat par des baisses de prix, tout en étant d’ailleurs très prudents dans vos prévisions : - 1,6% sur les prix en 3 ans, selon vos propres chiffres.
Vous nous dites aussi que votre réforme va créer 50000 emplois par an, pendant 3 ans, ce que peu d’économistes croient, à vrai dire, indiquant que, beaucoup plus sûrement, elle va relancer la course aux gains de productivité donc à court terme des suppressions d’emplois .
Et tout cela sur fond d’extension du travail le dimanche, de flexibilité accrue, de pouvoir d’achat en berne avec l’explosion des prix des matières premières, répercutées sur les prix au détail, du fait aussi de la précarité galopante et des bas salaires qu’elle entraîne, du fait encore des retraites stagnantes.
Ce texte est bien fidèle à votre logique libérale, celle qui éclaire tous vos projets. C’est pour cela que nous ne l’approuverons pas.

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Daniel
Paul

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)
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