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Modernisation des règles applicables À l’élection présidentielle

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les propositions de loi que nous examinons aujourd’hui visent, nous dit-on, à ajuster quelques-unes des règles applicables à l’élection présidentielle, en s’appuyant sur des recommandations formulées notamment par le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Présentées de cette manière, les modifications proposées peuvent paraître s’imposer d’elles-mêmes… En réalité, certaines d’entre elles induisent des conséquences extrêmement graves pour le fonctionnement démocratique de nos institutions.
S’agissant des parrainages, nous souhaitons que ceux-ci puissent continuer à être transmis au Conseil constitutionnel par le candidat ou son équipe de campagne.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Eh oui !
M. Marc Dolez. Car le candidat doit être en mesure de pouvoir comptabiliser au fur et à mesure les parrainages dont il dispose.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !
M. Marc Dolez. Certes, la commission des lois a adopté un amendement qui prévoit une publication au moins deux fois par semaine par le Conseil constitutionnel. Mais cette publication en temps réel peut avoir des effets dissuasifs.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Exactement.
M. Marc Dolez. Ainsi, si un candidat dispose à l’instant T de peu de parrainages, un parrain potentiel peut décider de soutenir un autre candidat qui lui paraît avoir davantage de chances de réunir les 500 candidatures.
M. Christian Hutin. Tout à fait !
M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est exactement cela !
M. Marc Dolez. C’est pourquoi nous pensons que la publication des parrainages doit intervenir au terme du processus.
M. Christian Hutin. A posteriori, bien sûr.
M. Marc Dolez. La publicité de la liste intégrale des élus ayant parrainé un candidat, et non plus un extrait de 500 noms tirés au sort, se justifie certes au nom de la transparence. Pour autant, il ne faudrait pas que la publicité des parrainages soit utilisée pour distinguer les « petits » candidats, qui disposeraient de quelques centaines de parrainages, des « grands » candidats, qui, eux, en comptabiliseraient plusieurs milliers.
Cette publicité ne doit pas être le prétexte à l’octroi d’un temps d’antenne ou de parole supplémentaire pour les candidats ayant recueilli le plus de parrainages. À partir du moment où un candidat a recueilli 500 signatures et où son nom a été publié par le Conseil constitutionnel, il ne doit pas y avoir de hiérarchie entre les différentes candidatures retenues. Celles-ci doivent être à égalité.
M. Jean Lassalle, M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Christian Hutin. Très bien !
M. Marc Dolez. S’agissant de l’adaptation de la législation sur les comptes de campagne, nous sommes opposés à la réduction à six mois de la période couverte par les comptes de campagne. Cet abaissement n’est absolument pas justifié pour l’élection présidentielle, qui donne lieu, chacun le sait, à des campagnes très longues. De surcroît, et c’est là le plus important, cette mesure conduirait à sortir du champ des comptes de campagne l’organisation des primaires, qui donnent lieu à une forte exposition médiatique.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Exactement !
M. Marc Dolez. Le renforcement des moyens de contrôle nous paraît nécessaire sur certaines dépenses difficiles à évaluer, telles que l’impression de documents ou l’organisation de réunions publiques, en élargissant les prérogatives de la commission nationale des comptes de campagne.
S’agissant de l’harmonisation des opérations de vote, il nous est proposé de réduire à une heure, au lieu de deux actuellement, le délai entre les premières et les dernières fermetures des bureaux de vote. Cependant, pour remédier à coup sûr à la diffusion prématurée d’estimations ou de résultats électoraux partiels, une harmonisation générale des fermetures à 19 heures serait plus adaptée et aurait le mérite de la simplicité.
Enfin, et c’est un point très important pour nous, nous sommes résolument opposés à la réforme de l’accès aux médias audiovisuels des candidats pendant la période « intermédiaire », soit entre le moment où la liste des candidats est publiée par le Conseil constitutionnel et celui où la campagne officielle commence. Nous sommes opposés à ce que le principe d’équité se substitue au principe d’égalité des temps de parole. Contrairement à ce qui est dit, les règles actuelles ne sont pas si compliquées à mettre en œuvre.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Bien sûr !
M. Marc Dolez. Dès que la liste officielle des candidats est rendue publique, la campagne commence, pour tout le monde !
M. Nicolas Dupont-Aignan. Exactement !
M. Marc Dolez. Pour tous nos concitoyens, la campagne officielle ne débute pas quinze jours avant le scrutin…
M. Philippe Gosselin. Heureusement !
M. Marc Dolez. …mais lorsque le Conseil constitutionnel publie la liste des candidats retenus.
M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est précisément cela qui les gêne ! Ils leur faut verrouiller le processus.
M. Marc Dolez. Aussi est-il curieux de prévoir que le principe d’équité est apprécié au regard des résultats aux précédentes élections, ou encore des sondages – dont la fiabilité est régulièrement mise en cause. S’appuyer sur les sondages pour octroyer davantage de temps de parole à un candidat est un exercice particulièrement périlleux pour la démocratie.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Exactement !
M. Marc Dolez. Permettez-moi, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur du texte, de citer un éminent juriste, que vous n’aurez pas de mal à reconnaître (Sourires.) : « avec les sondages politiques, on est dans un monde virtuel : on y mesure quelque chose qui n’existe pas, l’intention de vote. L’intention renvoie à un projet non définitif, exprimée en fonction des émotions du moment, sans que le sondé ne se sente engagé. » On ne saurait mieux dire !
Pourtant, la réforme proposée tend à accroître encore les effets électoraux des sondages, en renforçant la couverture médiatique de partis déjà très présents dans les médias. Ce faisant, elle met à mal le pluralisme et la diversité des candidatures. Plus les sondages seront favorables à un candidat, et plus les médias lui accorderont de visibilité.
La modification proposée se fait donc clairement au détriment des « petits » candidats, lesquels ne pourront bénéficier d’une stricte égalité de temps de parole que pendant la campagne « officielle », quinze jours avant le scrutin, alors que la campagne commence en fait dès la publication des candidatures. Sous couvert de simplification, cette mesure constitue une grave atteinte au pluralisme.
M. Nicolas Dupont-Aignan. Une atteinte inadmissible !
M. Marc Dolez. Elle vise de toute évidence à favoriser les trois grands partis aujourd’hui présents sur l’échiquier politique.
M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Christian Hutin. Très bien !
M. Marc Dolez. Les députés du Front de gauche déplorent que, à seize mois de la prochaine élection présidentielle, le Parlement doive examiner quelques « ajustements », dont beaucoup posent davantage de problèmes qu’ils n’en résolvent. Mais c’est surtout la remise en cause de l’égalité des temps de parole qui, mettant à mal la diversité et le pluralisme, amène les députés du Front de gauche à voter résolument contre ces deux propositions de loi.

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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