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Modification du Règlement de l’Assemblée nationale

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président-rapporteur, mes chers collègues, avant d’évoquer plus précisément le contenu de cette proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de notre Assemblée avec l’objectif d’améliorer le travail parlementaire, je souhaite – cela n’étonnera personne – relativiser la portée de notre discussion à la lumière de la grave crise de la représentation politique que connaît aujourd’hui notre pays.
Comme le démontre – à notre sens très justement – le constitutionnaliste Dominique Rousseau, professeur à l’Université de Paris-I, la situation politique actuelle est aussi le reflet d’une Constitution à bout de souffle qui protège les gouvernants des gouvernés alors que ce devrait être l’inverse.
Je le cite : « Depuis la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral en 2002, tous les quinquennats ont connu des difficultés de fonctionnement. C’est un problème structurel lié à ce que nos institutions ne sont pas solides mais rigides. À l’heure actuelle, nos institutions corsètent la société, qui ne peut s’exprimer au Parlement, et cela déborde ».
De ce diagnostic, nous tirons pour notre part la conclusion que cette crise démocratique et institutionnelle appelle une réforme constitutionnelle d’envergure pour mettre en place une VI° République qui rende véritablement le pouvoir au peuple et à ses représentants, une VI° République parlementaire, sociale et participative.
C’est pourquoi, vous l’aurez compris, si nous soutenons la proposition de résolution présentée par le président Bartolone, ce soutien ne peut être qu’en rapport avec les aménagements proposés, qui améliorent certes quelque peu l’existant sans pour autant le rendre satisfaisant –aménagements qui ne sont pas de nature à donner au Parlement la place et le rôle qui devraient être les siens.
Ceci étant, nous constatons également que, même dans un cadre très restreint, cette proposition de résolution qui résulte d’un accord entre les présidents de groupes, reste encore en deçà de ce que nous aurions pu espérer.
Elle ambitionne par exemple de permettre aux députés de légiférer dans de meilleures conditions mais elle reste au milieu du gué en ne donnant pas les moyens concrets de satisfaire à cette exigence et en ne prévoyant pour cela que d’encadrer plus fermement les jours d’ouverture en plus des mardis, mercredis et jeudis, ainsi que les séances de nuit.
Notre façon de travailler ne réunit pas toujours les conditions – c’est le moins que l’on puisse dire – pour produire un travail de qualité. C’est une évidence, tant les exemples sont nombreux. Pourtant, comme l’affirmait Portalis, c’est avec une loi bien écrite que le Parlement peut trouver sa place.
Le nouvel article 1erocties introduit par la commission des lois risque d’ailleurs d’accentuer ce travers en supprimant à l’article 41 alinéa 1 la disposition du Règlement qui prévoit que les commissions permanentes ne pouvaient se réunir concomitamment avec la séance publique que pour terminer l’examen d’un texte inscrit à l’ordre du jour.
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai.
M. Marc Dolez. Tous les abus et télescopages sont désormais officialisés.
De même, il conviendrait de prévoir des délais raisonnables entre l’examen d’un texte en commission et son examen en séance. Ce n’est pas révolutionnaire, c’est juste raisonnable et pragmatique.
Une loi ne peut pas être bien écrite si le législateur n’a que quelques heures pour examiner le texte sorti de la commission et l’amender.
Au-delà de l’atteinte à la qualité, des délais trop serrés constituent aussi une atteinte au droit d’amendement. Nous espérons donc que la volonté affichée de légiférer dans de meilleures conditions s’exprimera concrètement avec l’adoption de l’amendement que nous avons déposé en ce sens.
Nous avons une autre inquiétude, que je tiens à souligner.
Si nous comprenons et partageons la volonté de valoriser les activités de contrôle et d’évaluation telles que décrites par l’exposé des motifs, nous nous opposons fermement à la rédaction actuelle de l’article 4.
L’exposé des motifs dispose : « Il est proposé que le droit des groupes d’inscrire un point à l’ordre du jour de la semaine de contrôle s’exerce prioritairement sur un rapport émanant d’une commission ou d’un autre organe de l’Assemblée ».
Prioritairement ne veut pas dire exclusivement. Or, la rédaction de l’article 4 prévoit que ce droit s’exercera exclusivement sur ces rapports, en dehors des questions à un ministre. Ce n’est évidemment pas acceptable. Il s’agit là d’une atteinte pure et simple au pouvoir d’évaluation et de contrôle des parlementaires.
Du reste, restreindre le champ de ce pouvoir aux seuls rapports, qui ne sont bien évidemment pas exhaustifs, revient à transformer ces séances, en quelque sorte, en « promotion » de nos rapports parlementaires. Ce n’est évidemment pas là la finalité première de la fonction d’évaluation et de contrôle des députés !
Les parlementaires doivent pouvoir organiser des débats sur tous les sujets, y compris ceux qui n’auront pas fait l’objet de rapports. C’est pourquoi nous avons proposé un amendement pour préciser la volonté originelle de l’auteur de la proposition de résolution – j’espère qu’il y sera sensible : le droit des groupes s’exercera « prioritairement » sur des rapports et non « exclusivement ».
Dans un Parlement digne de ce nom, les droits des groupes d’opposition ou minoritaires doivent être préservés et protégés tant ils sont indispensables à la vitalité d’une démocratie qui ne peut exister sans le respect du pluralisme.
Un petit pas est fait en ce sens en donnant la possibilité à ces groupes de répartir sur plusieurs journées leurs séances réservées, souplesse dans l’organisation qui permet a un groupe de porter ses propositions à différents moments de l’année.
Pour autant, il ne faudrait pas que cette opportunité ne soit qu’un leurre et que ces séances soient programmées aux moments de plus faible affluence.
Nous avons là aussi déposé un amendement qui reprend d’ailleurs une proposition faite au mois de janvier 2010 par les députés socialistes, verts, radicaux et communistes.
Nous souhaitons que ces journées soient programmées les mardi et mercredi faute de ne pouvoir obtenir l’engagement que ces séances ne seront pas renvoyées à des moments inopportuns de nos travaux.
Par ailleurs, nous saluons l’intégration dans notre Règlement d’un chapitre consacré à la déontologie parlementaire qui consacre l’institution du déontologue et l’existence d’un code de déontologie.
Enfin, nous allons pouvoir – je l’espère – répondre à une très ancienne revendication des collaborateurs parlementaires, qu’ils soient collaborateurs de groupes ou de députés, lesquels aspirent depuis de nombreuses années à un statut.
Les dispositions que nous allons voter doivent être l’amorce d’un travail commun pour la mise en place, dans les meilleurs délais, d’un véritable statut protecteur pour ces collaborateurs du quotidien qui nous accompagnent avec beaucoup de dévouement dans nos mandats et qui souffrent de la précarité de leurs fonctions.
Bien évidemment, les députés du Front de gauche ne peuvent que se réjouir de cette avancée pour la reconnaissance effective de ces emplois.
Nous reviendrons dans la discussion sur ces différents points et sur d’autres, que je n’ai pu aborder ici, en défendant nos amendements.
Pour conclure, malgré sa portée toute relative, que j’ai soulignée au début de mon propos, nous reconnaissons que cette proposition de résolution a le mérite d’exister et qu’elle apportera quelques aménagements utiles au travail parlementaire. C’est pourquoi les députés du Front de gauche la voteront, tout en espérant que les craintes qu’ils ont exprimées seront dissipées dans le cours de la discussion.

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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