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Ondes électromagnétiques

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, comme lors de l’examen de la première mouture de cette proposition de loi sur l’exposition aux ondes électromagnétiques, l’année passée, nous soutenons avec détermination l’initiative de nos collègues écologistes.
Dans son rapport, Laurence Abeille cite l’article 1er de la Charte de l’environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » J’aimerais, quant à moi, citer la résolution 1815 du Conseil de l’Europe, en date du 6 mai 2011, qui recommande aux États membres de « porter une attention particulière aux personnes "électrosensibles" atteintes du syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques et de prendre des mesures spéciales pour les protéger, en créant par exemple des "zones blanches" non couvertes par les réseaux sans fil ».
Avec cette proposition de loi, c’est bien la question de la multiplication des radiofréquences qui est posée, ainsi que celle du seuil d’acceptabilité par l’humain d’un tel « bain d’ondes » alimenté par les antennes-relais, les téléphones portables eux-mêmes, les réseaux de type 3G et 4G et le wi-fi. Ces émissions tous azimuts, en diverses fréquences et d’intensités multiples, créent un brouillard électromagnétique artificiel en croissance continuelle.
Nous le savons, la philosophie du présent texte consiste, non à jeter l’anathème sur les technologies – auxquelles chacun souhaite accéder –, mais à promouvoir la transparence et à prendre un certain nombre de précautions dans le déploiement des réseaux. Il s’agit par exemple de permettre une meilleure concertation avec les riverains s’agissant des implantations d’antennes-relais, de protéger les publics les plus fragiles, comme les enfants, de la surexposition aux ondes électromagnétiques, ou encore de prendre en compte la situation sanitaire des personnes dites électro-hypersensibles, ou EHS.
En 2011, l’Organisation mondiale de la santé a classé les ondes radiofréquences comme potentiellement cancérigènes. En octobre 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a remis un rapport actualisant son étude de 2009 sur les radiofréquences et la santé. L’agence appelle à une vigilance accrue s’agissant des effets potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé, notamment chez les plus jeunes. Pour les députés du Front de gauche, il est donc tout à fait légitime d’agir.
À l’évidence, cette proposition de loi est moins ambitieuse que celle que j’appellerai son ancêtre d’une année,…
M. Patrice Martin-Lalande. Elle est aussi plus réaliste !
M. André Chassaigne. …puisque des arbitrages avec le Gouvernement et le groupe socialiste ont eu lieu. Ce matin, Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable parlait, à propos du résultat de ces arbitrages, d’une proposition de loi « équilibrée et réaliste ». Ce n’est pas pour nous surprendre, puisque nous avons nous-mêmes connu une situation comparable avec notre proposition de loi visant à amnistier les délits commis à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives. Soucieux d’obtenir un vote positif, nous avions arrêté une position d’équilibre. Hélas, les voies de la motion de renvoi en commission sont impénétrables : dans le présent, elle permet le retour effectif du texte…
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est exact !
M. André Chassaigne. …quand, pour d’autres initiatives parlementaires, elle est synonyme d’enterrement de première classe.
Cela dit, je voudrais saluer la détermination du président de la commission des affaires économiques.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Merci beaucoup, monsieur Chassaigne !
M. André Chassaigne. Hier, notre collègue Alain Tourret citait Samuel Beckett : « Déjà essayé, déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Permettez-moi de modifier cette citation en l’actualisant : « Déjà essayé, déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Réussis enfin. » Réussir dès la seconde fois : c’est ce que je souhaite, chers collègues écologistes, à ce texte qui nous est soumis. Pour ce faire – vous allez sourire, car voici une nouvelle référence littéraire, mais vous savez que j’aime beaucoup cela ! –, il nous faut mettre tout en œuvre pour que ne se joue pas aujourd’hui une pièce de ce même Beckett : Fin de partie. (Sourires.)
Pour notre part, nous pensons que le législateur doit explicitement demander le respect du principe ALARA – mon anglais étant effroyable, je ne vous détaillerai pas ce que signifie ce sigle –, lequel vise à réduire les expositions à un niveau aussi faible que possible. En l’état actuel des connaissances, nous sommes favorables, madame, monsieur les ministres, à l’instauration d’un plafond d’exposition du public aux hyperfréquences de 0,6 volt par mètre. Du reste, ce seuil a été préconisé par le Conseil de l’Europe. Il figurait également dans une proposition de loi, déposée par notre ancien collègue Jean-Pierre Brard sous la douzième législature, cosigné par des représentants de tous les groupes – dont une future ministre de l’environnement, chers collègues de l’UMP : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
Compte tenu de la configuration des réseaux développés, c’est une part extrêmement importante de la population qui est concernée ou qui va l’être. Nous savons que les jeunes, à commencer par les enfants, sont particulièrement touchés par les ondes, du fait de l’utilisation précoce qu’ils font des nouvelles technologies. Je souhaite également que les lieux de travail, les transports en commun et les bâtiments universitaires puissent être mieux préservés, comme le demandent les associations spécialisées.
Il est donc plus que temps de légiférer. J’ai déposé un certain nombre d’amendements, pour prendre toute ma part dans le débat, mais aussi, et surtout, pour améliorer, autant que faire se peut, cette proposition de loi. Ce texte – faut-il le dire ? – ne peut être qu’un premier pas. D’autres suivront inéluctablement, tant nous sommes, sur ces questions, dans le temps des incertitudes.
S’agissant de l’électro-hypersensibilité, je regrette que nous nous en tenions à un simple rapport. Pour connaître les cas douloureux de plusieurs personnes accueillies dans mon village d’Auvergne, je crois que nous devons avancer, notamment au regard de l’urgence dans laquelle se trouvent ces personnes. Des cas nombreux ont été signalés dans tous les pays. Dans son rapport d’octobre 2009, consacré aux radiofréquences, l’ANSES reconnaissait l’existence de cette maladie. J’ai reçu des témoignages très étayés de personnes de tous âges qui décrivent la difficulté de vivre dans des lieux où les émissions d’ondes électromagnétiques, notamment via le wi-fi, sont fortes et persistantes, ou dans des villes où il est impossible d’échapper au rayonnement des antennes-relais. Cela nécessite des aménagements et suscite souvent l’incompréhension de l’entourage professionnel, mais aussi parfois familial, avec les drames que cela suppose, du fait de l’insuffisante prise en compte sanitaire de l’électro-hypersensibilité dans notre société.
Dès 2008, j’avais alerté la ministre de l’époque sur cette question. Il m’avait été répondu que l’ensemble des symptômes de l’électrosensibilité ne faisait partie d’« aucun syndrome reconnu ». Il est temps de permettre une caractérisation de cette pathologie, afin d’apporter une réponse adaptée, d’autant que celle-ci a fait l’objet de travaux de la part de la Commission européenne dès 1997 et de l’Organisation mondiale de la santé dès 1998.
Comme l’année dernière, je voudrais rappeler, en guise de conclusion, que, pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas d’une approche qui se contenterait de limiter l’exposition aux ondes, sans réfléchir aux causes de cet accroissement du brouillard électromagnétique, à savoir la marchandisation des technologies de la communication. L’aménagement numérique et technologique du territoire devrait en effet relever du seul service public. De cette façon, au lieu de donner lieu à une prolifération de réseaux concurrents avec leurs propres antennes-relais, un accès égalitaire et sobre aux technologies serait possible. En effet, le déploiement et l’exploitation d’un seul réseau par la collectivité auraient permis d’éviter à la fois les déserts numériques et la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques qui sont la conséquence d’une lutte terrible entre les différents opérateurs. Mais, ici comme partout, le néolibéralisme fait des ravages, dans les têtes comme dans les corps. N’est-il pas temps de faire un bilan exhaustif et impartial des privatisations successives et de l’ouverture à la concurrence dans le domaine des télécommunications ?
Quoi qu’il en soit, il faut ouvrir aujourd’hui un chemin, quand bien même ce ne serait qu’un sentier aux yeux de ceux qui attendaient bien davantage. Sans doute le texte final décevra-t-il ceux qui connaissent au quotidien une souffrance extrême.
J’avais cité René Char durant le débat sur la loi d’avenir pour l’agriculture : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel. » Mais ce grand poète a eu aussi une très belle expression dans les Feuillets d’Hypnos : « L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. » Eh bien, je voudrais dédier ces mots aux personnes dites électro-hypersensibles, qui sont en souffrance et qui attendent aujourd’hui que l’on prenne une décision. Certes, ce ne sera qu’un premier pas, mais il est prometteur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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