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Organisation Jeux Olympiques et paralympiques

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, tous les quatre ans, des athlètes, des hommes et des femmes venus du monde entier, se retrouvent dans un pays qui, l’espace d’un mois, devient un peu le centre du monde, grâce à l’olympisme. Ce centre, en 2024, sera notre pays : Paris, la Seine-Saint-Denis, les Bouches-du-Rhône et la France entière seront mis à l’honneur pour leurs qualités d’accueil. Merci à toute l’équipe qui a porté cette candidature jusqu’à la victoire ! Je veux particulièrement saluer Bernard Lapasset et Tony Estanguet.
Des débats ont eu lieu. Chacune, chacun a pu s’exprimer en faveur ou en défaveur de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques en France. Certains ont dénoncé un sport spectacle, une opération commerciale au profit des sponsors du CIO ; d’autres se sont inquiétés du coût de l’événement pour les finances publiques. Toutes ces interrogations sont admissibles. Mais c’est à nous, aux acteurs publics, au COJO et à nos compatriotes de faire de ces Jeux une réussite, c’est-à-dire des Jeux populaires, ouverts à toutes et à tous, des Jeux mettant en valeur les performances des sportives et des sportifs, des Jeux au service du développement et de l’accessibilité des territoires, et surtout, face au dopage d’État, au service d’une éthique porteuse du respect des autres et des valeurs olympiques.
Mais tout cela en est encore au stade de l’opportunité. Nous avons six ans pour y travailler, six ans qui doivent permettre le développement du sport pour toutes et tous, six ans pour réaliser les infrastructures de transport, six ans pour construire les villages des athlètes et des médias de sorte qu’ils puissent servir aux populations locales après les Jeux.
Ce sont ces six années-là qui comptent. On évoque souvent l’héritage des Jeux ; je dirai plutôt que les Jeux eux-mêmes seront l’héritage de ces six années d’efforts pour construire et rénover les structures sportives et pour redynamiser des territoires entiers. À cette fin, il faudra investir massivement dans des projets qui profiteront à tout le monde, à toute la population, y compris la population à mobilité réduite.
Le premier enjeu est le développement de la pratique sportive. De ce point de vue, certains territoires, très nettement sous-dotés, ont un effort de rattrapage considérable à consentir. Par exemple, la piscine olympique de Seine-Saint-Denis n’aura de sens que si, d’ici à 2024, tous les enfants de mon département savent nager – aujourd’hui, c’est le cas d’un seul sur deux, et nous étions d’ailleurs ensemble au Blanc-Mesnil, il y a quelques jours, madame la ministre, dans le cadre d’une opération d’apprentissage de la nage.
À cette fin, de véritables politiques sportives doivent être mises en œuvre, au service des clubs amateurs et en faveur de l’accès au sport pour toutes et tous. Pour cela, il ne faut pas réduire les crédits dédiés au sport, comme on le fait pour 2018, et surtout, si l’on veut réhabiliter les piscines, il ne faut pas diviser par deux le budget du CNDS ni tailler dans les budgets des collectivités territoriales. Mais je suis sûre, madame la ministre, que l’Assemblée nationale sera unie pour défendre des budgets plus ambitieux au cours des prochaines années.
Les Jeux olympiques devraient également faire naître de nombreux aménagements urbains, en particulier en Île-de-France. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, l’absence de réponse claire des autorités sur le devenir des futures lignes 16 et 17, desservant la Seine-Saint-Denis, est préoccupante, tandis que, dans le même temps, la ligne Charles-de-Gaulle Express, traversant la Seine-Saint-Denis sans arrêt, ne souffre d’aucune contestation. Je veux rappeler que la construction des lignes 16 et 17 a été mise en avant lors de la candidature à l’obtention des Jeux et que, sur ce point, la parole de l’État est engagée vis-à-vis des habitantes et habitants du département.
De plus, les importants travaux entrepris pour la préparation des Jeux olympiques et paralympiques devront aller au-delà des aménagements directement liés aux sites de compétition. Je ne peux concevoir, par exemple, que l’autoroute A1, qui relie Paris à la Seine-Saint-Denis et à l’aéroport Charles-de-Gaulle, demeure plus longtemps sans éclairage ni couverture.
Enfin, les entreprises du territoire doivent pouvoir bénéficier du dynamisme de l’activité résultant des Jeux, notamment dans les domaines du BTP et du commerce. Les politiques de formation professionnelle devront également s’articuler autour des besoins liés aux Jeux olympiques et paralympiques sur les territoires accueillant l’événement.
On peut dire que la loi olympique est un passage obligé, en ce qu’elle vient transcrire dans notre droit les engagements pris vis-à-vis du CIO par la ville candidate et par l’État. Cette loi n’est donc qu’une conséquence de l’obtention des Jeux. Dès lors, il ne s’agit en aucune manière de s’opposer par principe aux dispositions législatives et réglementaires permettant d’organiser les Jeux sur notre territoire.
Néanmoins, il convient de s’interroger sur les conditions d’attribution des grands événements sportifs. Il faut mettre fin au système opaque d’attribution qui oblige les États à des concessions trop importantes en matière de fiscalité et de dérogations au droit commun. Je milite depuis des années pour plus de transparence et de contrôle, grâce à la création d’une agence internationale d’attribution des grands événements sportifs, composée de représentants du mouvement sportif international et des États, sur le modèle de l’Agence mondiale antidopage. Il faut que la France défende ce projet en Europe et à l’échelle internationale.
Cependant, le pouvoir législatif peut agir et possède une marge de manœuvre suffisante pour améliorer le texte. Le travail en commission a d’ailleurs permis de l’enrichir.
Je me félicite ainsi, après la signature d’une charte sociale par l’ensemble des syndicats et le COJO, de la nouvelle rédaction de l’article 10, qui crée certaines obligations pour la Société de livraison des ouvrages olympiques : celle-ci devra élaborer une charte professionnelle, faciliter l’accès à la commande publique des petites et très petites entreprises ainsi que des structures promouvant l’insertion, et enfin limiter le recours aux emplois précaires.
Je salue également l’instauration du double permis de construire, qui était une demande forte des collectivités territoriales concernées.
Je salue aussi l’existence du titre IV, relatif à l’éthique et à la transparence dans l’organisation des Jeux ; c’est le résultat de votre volonté politique, madame la ministre. Le respect de ces règles est une des conditions sine qua non de la réussite de ces Jeux olympiques et paralympiques.
Toutefois, il existe encore des pistes d’amélioration, notamment en ce qui concerne les dérogations à l’interdiction de la publicité. Nous ne pouvons accepter que le patrimoine matériel ou naturel soit défiguré par la publicité à cause d’autorisations trop permissives. Nous ne voulons pas de publicités sur les monuments historiques et nous demandons que toute dérogation soit soumise à une autorisation préalable. C’est en effet au patrimoine d’être valorisé par les Jeux, et non aux Jeux et à leurs sponsors d’être valorisés par notre patrimoine.
Je conclurai en insistant sur certains enjeux jusque-là peu évoqués.
Le premier est le recours au bénévolat pendant l’organisation des Jeux. Si les bénévoles sont indispensables pour accueillir et guider les touristes ou pour accompagner les athlètes, cet engagement ne doit pas dériver en emploi déguisé, assorti de conditions et de charges de travail pénibles – on a vu les conséquences lors des Jeux olympiques de Londres. Le groupe GDR propose ainsi que le ministère du travail puisse contrôler et empêcher le recours aux emplois déguisés.
Comme je le disais précédemment, les Jeux olympiques et paralympiques ne seront réussis que s’ils deviennent une véritable fête populaire. À cet effet, il faut une volonté politique, qui passera par des mesures concrètes. C’est pourquoi le groupe GDR propose – et je sais que d’autres députés, dont Régis Juanico, soutiendront cette idée – que les collectivités territoriales voulant diffuser publiquement les épreuves sur grand écran puissent être exonérées de l’acquittement des différents droits de diffusion. En effet, les rassemblements sont indispensables pour créer des moments de joie collective et les coûts inhérents à de telles diffusions doivent être le moins élevés possible. Nous avions bagarré pour obtenir cette mesure en 1998, lors de la Coupe du monde de football ; nous pouvons de nouveau le faire pour 2024.
J’alerte sur les inquiétudes des salariés de France Télévisions, qui ont adopté, à la quasi-unanimité, une motion en réaction aux 23 millions d’euros de coupes opérées dans leur budget. Pour l’instant, France Télévisions n’a adressé aucune offre à Discovery pour l’achat des droits de retransmission des épreuves. Il ne faudrait pas que les coupes budgétaires subies par France Télévisions empêchent le service public de diffuser les Jeux, comme l’a dit M. le président de la commission des affaires culturelles.
Enfin, la France se grandirait en engageant une action diplomatique forte au niveau mondial pour exiger que chaque État qui participe aux Jeux autorise la pratique du sport aux femmes. Il est pour nous inconcevable, en effet, qu’un État qui interdit la pratique sportive à la moitié de l’humanité puisse défiler dans le Stade de France lors de la cérémonie d’ouverture.
Pour toutes ces raisons, et parce que cette loi olympique ne suffira pas à faire des Jeux une fête populaire au service du développement du sport pour toutes et tous, je propose que nous travaillions ensemble, dans les mois à venir, à l’élaboration d’une loi de programmation sur le sport, qui permettrait à la France de renouer avec une politique sportive ambitieuse. Madame la ministre, la loi sport et société que vous avez annoncée dans votre présentation peut répondre à cette exigence.
Au total, il reste beaucoup à faire pour la réussite de ces Jeux olympiques et paralympiques, et le défi ne pourra être relevé que grâce à une volonté et à une action politique très fortes. Dans cet esprit, je voterai en faveur de la loi olympique, et le groupe GDR participera activement, durant les années à venir, à la réussite de ces Jeux, en proposant les mesures nécessaires pour en faire un grand moment de promotion des valeurs olympiques, une fête populaire et un moteur de développement pour des territoires trop longtemps maltraités. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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