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Organismes extérieurs au Parlement

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, nous aurons l’occasion, quand le débat sur la réforme des institutions s’engagera, de dire tout le mal que nous pensons de la conception du pouvoir qu’ont le Gouvernement et la majorité et de leur volonté de transformer l’Assemblée en think tank, d’avoir des députés désincarnés, qui ne soient plus enracinés dans les territoires, et, au bout du compte, de réserver le pouvoir à un petit nombre. J’ai le sentiment que ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans la proposition de loi que nous examinons ce matin. Je me contenterai donc d’avoir une vision un peu technique sur un sujet qui l’est beaucoup, même si ce texte peut avoir des conséquences politiques.
La présente proposition de loi, présentée par le président de l’Assemblée nationale et les présidents des groupes La République en marche, Les Républicains, du Mouvement démocrate et apparentés et UDI, Agir et indépendants, vise à clarifier les règles qui régissent la présence des parlementaires dans les organismes extérieurs au Parlement. Comme le relève l’exposé des motifs, il n’existait pas, jusqu’à ce jour, de règles claires et uniformes concernant l’existence de ces organismes et les modalités de désignation des députés en leur sein. La proposition de loi se propose, d’une manière positive, d’harmoniser les pratiques et d’engager une sorte de simplification législative.
Cela découle de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, qui précise qu’un parlementaire « ne peut être désigné en cette qualité dans une institution ou un organisme extérieur qu’en vertu d’une disposition législative qui détermine les conditions de sa désignation ». Il existe aujourd’hui 193 organismes extraparlementaires, certains ayant été créés par la loi, d’autres par des mesures réglementaires. La proposition de loi prévoit, à la suite d’un travail de recensement mené par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, de légaliser une trentaine d’organismes, de ne pas élever au rang législatif une vingtaine d’entre eux et d’en supprimer quelques-uns.
Nous sommes nombreux à le souligner : la présence de parlementaires dans ces organismes extérieurs peut s’avérer importante. Elle permet aux deux assemblées d’obtenir des informations essentielles. Elles sont des postes d’observation privilégiés, qui doivent permettre aux parlementaires – dès lors que l’on s’en donne les moyens, c’est-à-dire que l’on prend en considération l’agenda parlementaire et que la formation et l’information sont au rendez-vous – d’être au courant de tout, ou presque. En outre, nombre de ces organismes ont une compétence consultative ou décisionnelle auprès du Gouvernement, ce qui contribue à renforcer, nous semble-t-il, le rôle des parlementaires. C’est un aspect méconnu de notre travail, qui fait l’objet de peu de publicité, mais qui participe – du moins nous le croyons – au rayonnement du Parlement, donc au pouvoir des parlementaires.
Si nous ne sommes pas opposés, par principe, à la suppression d’organismes qui ne se réunissent jamais, nous ne disposons pas de suffisamment d’éléments pour remettre définitivement en cause leur raison d’être. Ainsi, nous nous interrogeons sur l’opportunité de supprimer des organismes relevant de thématiques aussi importantes que, par exemple, la ruralité, qui occupe un grand nombre de nos débats – ayant la chance d’être le député d’une circonscription à la fois urbaine et rurale, je mesure à quel point les territoires oubliés par la République ont besoin de savoir que nous nous préoccupons de leur avenir. De même, la suppression du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire me semble devoir être remise en cause, vu le « déménagement du territoire » opéré par vos politiques d’austérité.
Je partage l’opinion développée par mon collègue David Habib, de la Nouvelle gauche : il convient de prolonger la réflexion sur la présence des parlementaires dans des commissions directement connectées à la vie de nos territoires, comme les commissions d’attribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux ou du fonds de soutien à l’investissement local ou les commissions qui participent à l’élaboration des contrats de plan État-région. Tout ce qui peut être de nature à renforcer le lien des parlementaires avec le territoire et à légitimer leur ancrage territorial, dans le respect de la pluralité, me semble devoir être examiné avec attention.
Une évaluation précise est donc indispensable pour garantir que les choix issus du recensement effectué par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ne seront pas préjudiciables aux politiques concernées.
Notre inquiétude est d’autant plus légitime que la commission est revenue, à l’initiative du rapporteur, par voie d’amendement sur une suppression initialement proposée – ce que nous saluons. La commission nationale chargée de l’examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux a ainsi été maintenue. Cette commission avait perdu de sa force et se réunissait rarement – une fois tous les trois ans –, mais les dispositions incluses dans la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté en ont renforcé le rôle. Cela justifie que nous désirions évaluer l’homogénéité des politiques de logement et contrôler la bonne application dans les territoires de la loi SRU, relative à la solidarité et au renouvellement urbains. C’est la démonstration que supprimer définitivement une commission peut être préjudiciable. Le constat dressé au sujet de cet organisme pourrait probablement s’appliquer à d’autres, concernant d’autres thématiques ; je pense en particulier au Conseil national du tourisme ou encore au Conseil national de l’aide aux victimes, qui travaillent sur des sujets qui sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens.
Au-delà de ces réserves, qui, selon l’endroit où l’on se trouve, peuvent apparaître majeures, nous saluons les dispositions du texte visant à renforcer la parité, en particulier l’inscription dans la loi du principe de la désignation paritaire dans les organismes extraparlementaires. En la matière, il y avait des progrès considérables à faire. Je partage l’avis de Clémentine Autain : il faudra veiller à ce que l’on ne désigne pas des femmes que dans des organismes de second rang ou d’un intérêt moindre. Il reste que, cette fois-ci, le principe de la désignation paritaire est inscrit dans la loi.
Je veux aussi saluer – c’est une préoccupation qui aurait pu nous bloquer lors du vote du texte – la volonté de prendre en considération le pluralisme politique dans le mode de désignation. Nous veillerons là aussi à ce que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ne réservent pas à l’opposition des postes marginaux, secondaires ou de moindre intérêt. S’agissant de l’équilibre politique et du respect par le « nouveau monde » du pluralisme politique, nous serons très vigilants.
Enfin, à la veille du début de l’examen du projet de loi constitutionnelle, qui, pour le coup, suscitera notre opposition pleine et entière, je veux appeler votre attention sur le fait que nous avons adopté, à l’initiative du rapporteur, un amendement qui est devenu l’article 77 bis de la proposition de loi. Or cet article n’est pas directement lié au texte et à ses objectifs. Pourtant, il est utile. Demain, si la réforme envisagée est adoptée, des amendements de ce type ne pourront plus être adoptés, puisque le dépôt d’amendements sans lien direct avec le texte sera prohibé. Vous avez en effet décidé de priver le Parlement de sa capacité irréfragable à amender un texte !
Je voudrais juste vous faire remarquer, avec le sourire, cette contradiction. Vous avez été pris sur le fait !
Voilà quelques-unes des remarques que je voulais formuler. Les avancées que comporte tout de même ce texte technique conduiront le groupe de la Gauche démocrate et républicaine à donner à celui-ci son approbation de principe, tout en restant vigilant.

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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