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Orientation et réussite des étudiants

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi, sous couvert de mettre fin à l’arbitraire du tirage au sort, ce dont nous pouvons nous féliciter, propose en réalité d’en finir avec un principe essentiel, celui de l’absence de sélection à l’entrée de l’université.
Le Gouvernement, en affirmant qu’aucune autre solution n’est possible, baisse donc les bras, face à l’augmentation du nombre d’étudiants et à l’échec de beaucoup d’entre eux en première année.
Nous aurions préféré que vous engagiez une bataille de longue haleine dès aujourd’hui, pour vous battre avec acharnement et permettre à chacun d’étudier les matières qu’il souhaite, de construire son projet personnel et professionnel petit à petit, dans l’accompagnement, grâce à des moyens humains et financiers suffisants, pour une véritable démocratisation de l’université.
Vous décidez ici d’acter dans la loi l’échec face à cette bataille.
En effet, la sélection la plus douce instaurée par ce projet de loi obligera certains bacheliers à suivre un parcours d’accompagnement pédagogique pendant que les autres suivront un cursus et un agenda classiques, sans qu’il soit envisagé un instant d’étendre le principe de l’accompagnement personnalisé pour chacun.
La sélection la plus dure se fera dans les filières en tension, en donnant tout pouvoir aux chefs d’établissements pour sélectionner les bacheliers sur la base de leur dossier et de leur projet professionnel, en laissant les autres sur le bord de la route. Ce projet de loi m’inquiète d’autant plus que nous avons déjà subi la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. Nous ne sommes favorables ni au tirage au sort, ni à la sélection. Voilà notre position.
L’avenir de dizaines de milliers de jeunes se joue, si ce n’est l’avenir de notre nation. La France doit innover, créer, en s’appuyant sur un maximum de personnes hautement qualifiées, dans tous les secteurs. La sélection à l’université plutôt que son ouverture sera à terme préjudiciable au pays, sur un plan social, du fait d’une reproduction des élites toujours plus forte, mais aussi sur un plan économique, par le frein posé à l’innovation et à la création de savoir.
Il est pourtant du devoir de l’État de garantir le libre accès à l’université à tous les bacheliers, car ce n’est pas aux jeunes de subir les conséquences du sous-investissement chronique de l’État dans l’enseignement supérieur et la recherche. Ils ne sont pas responsables de la crise, pas plus que l’ensemble de nos concitoyens.
Rappelons que le budget dédié à chaque étudiant a baissé de 10 % en dix ans. Il est faux, par conséquent, de prétendre que le problème du taux d’échec en licence n’est que celui de la mauvaise orientation. C’est aussi un problème de désengagement de l’État. Les chiffres sont là, et encore cette année ils sont alarmants. Le projet de loi de finances pour 2018 ne prévoit qu’une augmentation de 200 millions d’euros.
Or, les organisations d’étudiants et d’enseignants s’accordent sur la nécessité d’augmenter d’1 milliard d’euros afin d’absorber les 35 000 étudiants supplémentaires qui intègrent l’enseignement supérieur chaque année.
Peu de place est laissée aux lycéens dans ce projet de loi, en particulier dans la procédure d’orientation et de présélection. Je souhaite que les futurs étudiantes et étudiants soient beaucoup plus associés au processus de décision concernant leur avenir et que l’on garantisse aux lycéens de terminale l’accès complet à leur dossier d’orientation et aux avis communiqués aux établissements d’enseignement supérieur, afin de garantir la transparence de la procédure.
La contribution étudiante aux services de l’accompagnement social, médical, culturel et de la vie étudiante nous apparaît intéressante.
Néanmoins, dès lors que les étudiants en financent une partie, ces services doivent être complets et performants. L’État doit être en mesure d’offrir des services irréprochables.
Nous proposons de supprimer la cotisation pour les doctorantes et les doctorants, car 73 % d’entre eux ne bénéficieront pas de la suppression de la cotisation sociale étudiante, puisqu’ils sont assujettis au régime salarié. La contribution se soldera pour eux par une perte de pouvoir d’achat, impensable quand on connaît leur précarité.
Nous souhaitons une répartition au niveau national de la contribution entre les différents services, tenant compte de la spécificité de chaque catégorie d’établissements, afin de s’assurer de la bonne gestion de la contribution au sein des établissements.
Enfin, nous souscrivons au rattachement des étudiantes et des étudiants au régime général de la Sécurité sociale. Nous nous réjouissons du gain de pouvoir d’achat de 217 euros qui en résulte. Néanmoins, nous regrettons que le projet de loi ne prévoie pas davantage de mesures en faveur de la santé étudiante.
Le groupe GDR a proposé un grand nombre d’amendements, dont l’un a été retenu, afin de relever le défi de l’accès aux soins pour les étudiantes et les étudiants. Nous ne devons pas nous arrêter au milieu du gué : si nous ouvrons le dossier de l’accès aux soins, faisons le complètement et, surtout, agissons concrètement en faveur de la santé des jeunes.
Malgré ces quelques mesures positives, nous n’oublions pas que ce projet de loi vise avant tout à instaurer la sélection à l’université. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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