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Outre-mer : institutions et transparence de la vie politique en Polynésie française

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Chers collègues,
En 2004 le gouvernement proposait déjà, et sa majorité parlementaire adoptait, un texte posant de nouvelles règles électorales en Polynésie française.
Il n’y avait pourtant pas, alors, de problème d’instabilité politique sur ce territoire.
Seules les considérations électoralistes du président du gouvernement polynésien de l’époque, le sénateur Gaston Flosse, ont dicté ces évolutions législatives.
Souvenons-nous !
C’est en séance plénière au sénat, alors que ni le conseil d’état, ni l’assemblée de Polynésie, ni les Polynésiens n’avaient été consultés, que d’importantes modifications du code électoral ont été décidées.
Ces modifications contrevenaient pourtant à l’esprit de démocratie participative promu par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et du projet de loi organique lui-même.
Les amendements de Monsieur Flosse approuvés par la majorité de l’époque - la même que celle d’aujourd’hui – visaient, par le jeu de la prime au parti dominant, à garantir sa réélection au mépris de la représentation démocratique de ses oppositions.
Sitôt les modifications des règles électorales promulguées une dissolution de convenance de l’assemblée Polynésienne fût décidée.
Mais voilà, contre toute attente, Gaston Flosse et sa majorité UMP ont été battus par les indépendantistes du Tavini et le 14 juin 2004 Oscar Temaru était élu président de la Polynésie Française.
S’en est suivi une succession de motions de censures, une alternance de présidences, bref, une instabilité institutionnelle jamais vue jusqu’alors.
Cette situation nouvelle démentait les définitives certitudes exprimées à peine un mois plutôt dans cet hémicycle par d’éminents parlementaires de votre majorité.
Je cite : « Cette modification du mode de scrutin, objectivement, manifeste un souci de recherche d’efficacité et de pragmatisme. » Ainsi parlait en 2004 une parlementaire UMP, aujourd’hui promu à d’importantes responsabilités ministérielles.
En mai 2004 vous légifériez pour asseoir une majorité homogène – disiez-vous – mais vous avez hérité de la majorité que vous ne souhaitiez pas. C’est peut-être de ce côté-ci qu’il faut rechercher les véritables causes de l’instabilité qui s’en est suivie !
Chers collègues de la majorité, exprimez clairement vos attentes ! Elles ne sont pas celles que vous affichez !
La majorité de l’assemblée polynésienne et la présidence ne vous agréeront que si elles ne viennent pas, si peu que ce soit, bousculer votre conception de l’ordre économique et social mondial et pour cette raison menacer, selon vous, la pérennité de la présence Française sur un territoire qui revêt des enjeux géostratégiques considérables.
Dès janvier 2007, les mêmes élus qui avaient pourtant adopté dans l’enthousiasme ces modifications du mode de scrutin, ont demandé de revenir grosso-modo aux règles d’avant 2004. Et voilà qu’aujourd’hui il nous est à nouveau proposé d’en changer.
Mais les motivations profondes du pouvoir que vous représentez sont sur le fond restées les mêmes : ne pas laisser les polynésiens et la Polynésie s’éloigner politiquement de Paris. En d’autres termes au couple Chirac-Flosse devrait impérativement succéder un autre couple présentant pour vous les mêmes garanties.
Fidèles à nos principes nous considérons, quant à nous, qu’il appartient aux citoyens polynésiens eux-mêmes de décider librement de leur destin.
C’est à eux, à eux tous, mais à eux seuls de décider des évolutions institutionnelles qu’ils considèrent nécessaires à l’amélioration de la situation économique et sociale aujourd’hui difficile sur leur territoire. Les inégalités sociales y sont, en effet, criantes ; 30% d’une classe d’âge seulement arrive au bac ; 20 à 30 personnes vivent parfois sous le même toit ; l’espérance de vie d’un polynésien est de 10 ans inférieure à la moyenne nationale.
Notre responsabilité est de les aider, sans décider à leur place, car notre conviction est faite : ce qui sera bon pour la Polynésie et les Polynésiens ne se décrètera pas d’en haut et de loin, mais d’en bas et dans la proximité de chacune des communes que compte ce territoire.
Monsieur le Ministre, j’ai apprécié que vous ayez dit vouloir offrir aux communes de Polynésie française des compétences renforcées avec les ressources correspondantes, et je me réjouis de l’annonce d’un nouveau projet de loi organique pour 2008 en vue d’accroître sensiblement les compétences et les moyens des communes de Polynésie car -dites vous- il n’y aura pas de stabilisation politique durable en Polynésie sans une véritable autonomie des communes par rapport aux autorités de Papeete. Ce sont vos propres termes et sur ce point je vous suis totalement, mais évidemment, nous jugerons sur pièce et ce sera en 2008.
La France a une dette à l’égard de ces populations, une dette considérable. Elle doit s’en acquitter. Elle ne peut le faire qu’en continuant de les accompagner jusqu’à ce qu’ils accèdent à une pleine autonomie économique, financière, sociale et administrative. Il reviendra ensuite aux polynésiens de dire s’ils souhaitent rester rattachés à la France ou accéder à leur indépendance.
Si la France apporte son aide sans arrières pensées mais avec le seul souci du bien être des populations de chacune des îles de cet archipel, j’ai la conviction que ses intérêts et ceux de la Polynésie se rencontreront, que les liens entre nos deux territoires se raffermiront qu’une coopération durable et mutuellement avantageuse à nos peuples s’établira pour une longue période quelque soit le statut que les polynésiens choisiront.
La seule exigence que nous ayons à formuler est qu’aujourd’hui l’aide de la France profite, également, à chaque citoyen Polynésien et à chacune des îles de cet archipel.
Au-delà de la réforme électorale, ces deux projets de loi, nous proposent de renforcer la transparence de la vie politique en Polynésie. Nous souscrivons à cet objectif car nous sommes depuis longtemps convaincus que le manque de transparence nuit, non seulement, au bon fonctionnement des institutions, mais également au développement économique et social de ce territoire. Cette transparence est partout, d’une impérieuse et urgente nécessité, mais peut-être là bas plus qu’ailleurs. Elle ne devrait inquiéter personne !
Une grande partie des dispositions du titre II du projet de loi organique ne suscite pas de notre part de remarques particulières. Nous estimons qu’elles vont plutôt dans le bon sens. Il en va de même pour celles qui concernent le contrôle juridictionnel financier et budgétaire ainsi que celles contenues dans le projet de loi simple. A cet égard, le dernier rapport de la Cour des comptes sur la gestion des fonds publics en Polynésie française - plaidoyer cinglant contre la gestion du président, alors en exercice, M. Gaston Flosse- est tout à fait convaincant quant à la nécessité d’un meilleur contrôle de l’utilisation des fonds publics.
Certaines de ces mesures sont contestées par l’assemblée de la Polynésie française qui estime, je la cite, que : « Sous couvert de moralisation de la vie politique, l’Etat reprend certaines compétences et s’immisce dans le fonctionnement des institutions de la Polynésie française » Cette préoccupation exprimée par la majorité des représentants élus des Polynésiens ne peut être ignorée, quoiqu’il en soit les citoyens polynésiens dans leur ensemble doivent être rassurés.
Nous ne reprendrons pas à notre compte l’avis formulé par l’assemblée de Polynésie française, laquelle estime que le système électoral retenu est une prime à l’instabilité, mais nous ne sommes pas du tout convaincus, vous l’avez compris, qu’un changement de mode de scrutin puisse mettre un terme à l’instabilité politique dans ce territoire.
De plus en décidant d’augmenter les seuils pour le maintien au second tour et pour la participation à la répartition des sièges, c’est à dire en éliminant les minorités politiques, ne craignez-vous pas d’affaiblir la cohésion sociale ? Il s’agit là d’une position de principe des élus communistes qui ont pour souci de garantir dans tous les scrutins une représentation pluraliste proportionnelle à l’influence respective des forces politiques en présence. C’est une question de démocratie, qui participe aussi à la cohésion sociale.
Avant de conclure permettez-moi de formuler quelques remarques à propos de la décision du gouvernement de retenir la date du 27 janvier 2008 pour l’organisation du 1er tour de scrutin aux fins de renouvellement anticipé de l’assemblée de Polynésie française.
J’avoue ne pas comprendre cette précipitation.
 Comme vous le dites, vous-même, Monsieur le ministre, les fêtes de fin d’année sont des moments particulièrement importants pour les Polynésiens, où la mobilisation des familles et des églises est intense. La date retenue ne laissera donc pas le temps nécessaire à un vrai débat de campagne. Pour ces très légitimes raisons, la majorité des représentants des polynésiens demande que les élections pour le renouvellement intégral de l’assemblée soient organisées après qu’aient eu lieu les élections municipales de mars 2008. Pourquoi ne pas accéder à cette demande ? Comment les polynésiens peuvent-ils comprendre que Paris dise vouloir plus de stabilité dans leurs institutions et commence par leur refuser ce que majoritairement ils souhaitent ?
Monsieur le Ministre, les députés de notre groupe ne croient pas que ces textes permettront de garantir un meilleur fonctionnement des institutions polynésiennes, même si nous souhaitons que vous réussissiez. Comme vous le dites : « les citoyens polynésiens ne supportent plus de voir ces querelles politiques l’emporter sur l’action concrète,ils ne supportent plus cette instabilité qui nuit au développement d’un territoire confronté à une situation économique et sociale difficile ». C’est précisément pour cela que nous redoutons un décalage trop important entre leurs attentes et la portée limitée des dispositions de ces textes. J’ai évoqué précédemment la loi organique promise pour 2008. Nous pensons, à la condition de ne pas manquer d’audace dans l’élaboration de son contenu, que c’est dans cette direction qu’il faut rechercher les moyens de la stabilité politique et du développement. Ce n’est pas l’objet de ces textes, nous le regrettons, et pour cette raison notre groupe ne les votera pas.

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Michel
Vaxès

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