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PLF 2014 (2 questions en séance) : débat enjeux budgétaires européens

La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, pour poser ses deux questions.
M. Gaby Charroux. Ma première question concerne le Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD.
La disparition programmée du programme européen d’aide aux plus démunis, à la suite des pressions allemandes contestant sa légalité, avait provoqué un vif émoi en Europe. C’était un coup de poignard contre les 240 banques alimentaires et associations de solidarité fournissant une aide alimentaire à 13 millions de personnes à travers l’Union européenne. L’indignation et la forte mobilisation des citoyens européens ont obligé le Conseil à relancer un programme d’aide alimentaire avec le nouveau Fonds d’aide européen aux plus démunis.
Ce nouveau fonds est à l’image du mauvais compromis trouvé sur le budget européen 2014-2020 : il ne devrait s’élever qu’à 2,5 milliards d’euros, hors contributions volontaires, pour la période 2014-2020, contre 3,5 milliards sur la période 2007-2013.
Ceci est d’autant plus inquiétant que l’on sait que la Commission ambitionne de confier en plus à ce fonds la fourniture de biens matériels de première nécessité – vêtements, chaussures, etc. –, sans moyens supplémentaires, alors que les associations bénéficiaires vont déjà devoir se battre ne serait-ce que pour maintenir un niveau d’aide alimentaire équivalent, dans un contexte d’explosion des situations de grande précarité.
Cerise sur le gâteau, il semble que la Commission ait suggéré que l’aide du programme ne soit prise en charge par l’Union européenne qu’à hauteur de 85 %… Cette proposition de cofinancement conduit de fait plusieurs organisations incapables de fournir les 15 % restant à rester en dehors du programme, ce que nous ne pouvons accepter. Nous souhaitons également que ce soit les associations et les autorités locales qui aient le pouvoir de décision sur les personnes à qui doit parvenir l’aide.
Monsieur le ministre, quelles initiatives seront prises par le Gouvernement sur ce sujet sensible pour faire entendre avec plus de force la voix de la France ?
Ma seconde question porte sur l’Europe sociale et les politiques d’investissement.
Deux visions de l’Europe semblent actuellement s’affronter : d’un côté, celle qui veut imposer la rigueur à l’Europe pour contribuer aux efforts budgétaires nationaux ; de l’autre, celle qui veut faire du budget européen un instrument de solidarité entre Européens et milite pour une plus grande mutualisation des investissements d’avenir pour, justement, réduire les dépenses nationales.
Quant à l’objectif de promouvoir le modèle social européen, avec sa protection sociale, ses services publics et ses politiques industrielles, force est de constater qu’il a disparu de l’agenda.
La vision dominante à Bruxelles, nous le constatons depuis des années, est celle d’une Europe libérale, dont l’objectif est d’adapter les sociétés européennes aux exigences de la mondialisation. La prééminence du droit de la concurrence sur les réglementations nationales et sur les droits sociaux a mis en concurrence les salariés européens. La concurrence sociale et fiscale a contribué à faire pression sur les dépenses sociales.
La liberté de circulation des capitaux a soumis le tissu productif européen aux contraintes de valorisation des capitaux internationaux. Pour que l’Europe réussisse à promouvoir, au lieu de la politique de concurrence actuelle, une « harmonisation dans le progrès » et la mise en place d’objectifs communs, à portée contraignante, en matière de progrès social comme en matière macroéconomique, il importe que notre pays prenne des initiatives.
Face à une majorité conservatrice qui maintient l’union dans la crise et le budget européen dans le cercle vicieux de l’austérité, quelles initiatives notre gouvernement entend-il prendre pour relancer le projet d’Europe sociale et les grandes politiques d’investissement, alors que les fonds alloués, par exemple, aux grands travaux d’infrastructures, ont perdu 20 milliards d’euros sur les 50 réclamés ?
M. Alain Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Monsieur le député, votre première question porte sur le Fonds européen alimentaire aux plus démunis, et l’autre sur les moyens dont pourrait se doter l’Union européenne pour conduire une politique de relance économique en respectant une dimension sociale qui, je vous rejoins sur ce point, lui a fait défaut au cours des dernières années.
Je vous confirme de nouveau ce soir, afin d’éviter toute ambiguïté, que le FEAD, tel qu’il sera voté, donc sur la base de 2,8 milliards auxquels s’ajoutera 1,1 milliard à titre volontariste, permettra d’assurer que les associations, qui mettent en place sur le territoire national cette solidarité à l’égard des familles qui en ont besoin, seront bien dotées d’une somme de 75 millions d’euros par an pendant la période 2014-2020. C’est donc autant, et pas moins, que ce qu’elles recevaient par le passé.
Nous partons de loin : la décision avait été prise de supprimer totalement l’accompagnement de l’Union européenne à partir du 31 décembre 2013. Nous sommes revenus sur cette décision. Vous avez fait référence à l’élargissement du champ d’utilisation de cet argent à la fourniture de biens de consommation non alimentaires tels que les vêtements ou au financement de mesures d’accompagnement destinées à la réinsertion sociale des personnes les plus démunies. Nous avons accepté cet élargissement pour qu’une majorité de pays accepte de rouvrir le débat, alors interrompu, sur le FEAD. Mais cela ne veut pas dire que nous ferons usage de cette possibilité en France : les associations continueront, dans notre pays, comme elles l’ont fait pas le passé, à accompagner les plus démunis et à leur permettre de se nourrir convenablement en fin de mois.
S’agissant de l’Europe sociale et des moyens attribués à l’Union européenne en termes de relance économique, je peux vous assurer que, sur la période 2014-2020, la France se tournera de nouveau vers les grands chantiers créateurs d’emplois non délocalisables : ils seront totalement maintenus. Nous avons perçu pour la période 2007-2013, un peu plus de 14 milliards d’euros ; le budget voté par le Parlement européen affectera 16 milliards d’euros aux fonds structurels affectés à la France. Ce à quoi il convient d’ajouter la ligne budgétaire liée aux mécanismes d’interconnexion européens en matière de transport, ce qui nous fait une somme globale d’environ 28 milliards d’euros. Parmi ces grands chantiers, la France en compte au moins deux projets fondamentaux que de nombreux pays nous envient : une liaison fluviale avec le canal Seine-Nord – un de vos collègues, M. Pauvros, dirige actuellement la mission de reconfiguration du projet – et la liaison ferroviaire Lyon-Turin dont la réalisation est liée à un accord entre la France et l’Italie que vous serez amenés à ratifier ces prochains jours.
Au-delà même de ces 28 milliards d’euros, nous sommes effectivement engagés dans une réorientation de l’Union européenne sur une dimension qui jusqu’alors lui a fait grandement défaut, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure en parlant des marqueurs sociaux. Nous voulons qu’il y ait des salaires minimums dans tous les pays de l’Union européenne, qu’il y ait des règles pour lutter contre le dumping social, le travail low cost qui s’est développé au cours de ces dernières années. Il est au moins une chose que nous pouvons faire sans attendre : faire en sorte que, le 25 mai prochain, une nouvelle majorité se dégage au Parlement européen, et aussi d’autres majorités dans d’autres pays de l’Union européenne. Car ce n’est pas la Commission qui est responsable de la situation que vous décrivez : la Commission ne fait qu’exécuter une orientation politique décidée ces dernières années par des chefs d’État et de gouvernement, majoritairement libéraux, pour reprendre votre expression. Nous devons donc travailler ensemble.

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Gaby
Charroux

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