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PLF 2014 (commission élargie) : économie

suppléant M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le président, mesdames les ministres, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de notre collègue Nicolas Sansu, qui sera bien entendu présent lors du débat en séance publique, le jeudi 7 novembre.
Cette mission n’a que très peu évolué depuis l’an passé. Elle regroupe cinq programmes de poids budgétaire très inégal. Au total, les crédits s’élèvent à 13,83 milliards d’euros, en augmentation de 3,2 % par rapport à 2013.
Ce budget peut apparaître, à première vue, comme un bon budget, mais ce jugement doit, à mes yeux, être tempéré, car plus de 90 % des crédits sont affectés à des dépenses de guichet, qui ont un caractère automatique, sauf à décider de dynamiter notre modèle de protection sociale… L’augmentation des crédits alloués au programme 157 consacré au handicap et à la dépendance, au programme 304 de lutte contre la pauvreté ou au programme 106 qui regroupe les actions en faveur des familles vulnérables, témoigne plus d’un accroissement des difficultés sociales qui frappent nos concitoyens que d’une amélioration de leur prise en charge.
L’augmentation très importante du programme de lutte contre la pauvreté provient de l’assèchement du Fonds National de Solidarité Active, assèchement qui avait été pointé du doigt l’an passé. Vous le savez, le financement du RSA est conjointement – et inégalement – assuré par les départements et l’État. L’accroissement très important du nombre d’allocataires a conduit à une augmentation de 10 % environ des dépenses de RSA socle hors revalorisation. Cela a des incidences sur les budgets des conseils généraux et sur le budget de l’État et du FNSA pour le financement du RSA activité, car la contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine ne suffit pas.
En outre, en 2014 l’équilibre du financement du FNSA reposera essentiellement sur l’affectation d’une partie du produit de la contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine. L’article 8 du PLFSS prévoyait une hausse de rendement de cette contribution de 109 millions d’euros, compensée par une baisse du taux prévue à l’article 39 du projet de loi de finances. Le Gouvernement a annoncé dimanche 27 octobre qu’il renonçait, pour l’essentiel, à la modification du taux des contributions sociales sur les PEA, les PEL, l’épargne salariale et l’assurance-vie, sauf contrats multisupports. Il résulte donc de cette décision une perte de recettes de plusieurs dizaines de millions d’euros pour le FNSA, alors que sa trésorerie était réduite à l’étiage, soit 39 millions d’euros, dès la fin de l’année 2012.
Deux questions se posent et pas des moindres. Tout d’abord, quelle est la perte de recettes attendue pour le FNSA, en conséquence des décisions annoncées dimanche par le Gouvernement ? Ensuite, comment le Gouvernement compte-t-il assurer l’équilibre financier du FNSA en 2014 afin de lui permettre de financer le RSA activité, la prime de Noël et ses autres charges ?
J’aborde à présent le programme 304, plus précisément l’action 14 qui porte sur l’aide alimentaire. La légère augmentation des crédits nationaux ne compensera pas, à l’évidence, l’évolution négative du programme européen d’aide aux plus démunis. Quelles dispositions le Gouvernement prendra-t-il pour répondre aux besoins croissants de nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à solliciter une aide alimentaire, de l’avis même des associations de solidarité ?
Le programme 106 rassemble les actions en faveur des familles vulnérables. Il s’agit presque totalement de crédits d’intervention qui augmentent avec le nombre de majeurs bénéficiant de mesures de protections juridiques, par exemple la tutelle et la curatelle.
Le programme 157 est le plus important de la mission : il regroupe l’ensemble des crédits que l’État consacre à la politique du handicap et de la dépendance. Il comprend notamment une action consacrée à l’incitation à l’activité professionnelle et, surtout, les crédits correspondant au versement de l’allocation adulte handicapé, dont le montant est désormais stabilisé, puisque le rattrapage de 25 % qui avait été promis a été réalisé. Elle augmente donc de la même manière que les autres prestations.
Toutefois, malgré une augmentation limitée de l’AAH, nous constatons que l’accroissement des crédits pour 2013 sera supérieur aux 8,15 milliards d’euros inscrits en PLF. L’augmentation de 3 %, soit 246 millions d’euros, prévue pour 2014 peut donc d’ores et déjà être considérée comme insuffisante. A contrario, l’absence d’augmentation substantielle des crédits liés à l’incitation à l’activité professionnelle, notamment l’absence de création de nouvelles places dans les Établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, est un mauvais signe envoyé à tous les acteurs de la politique du handicap.
Aussi, mesdames les ministres, comment pensez-vous combler le déficit prévisible du programme 157 ? Comment pensez-vous compenser l’écart entre les crédits ouverts et les crédits qui seront distribués au titre de l’AAH ? Enfin, vous engagerez-vous à mettre fin au gel de création de places en ESAT ?
Les crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » ne représentent pas l’ensemble de la politique gouvernementale pour la promotion de l’égalité et la lutte contre les discriminations. Il s’agit en effet d’une politique publique transversale, interministérielle, faisant intervenir des acteurs déconcentrés. Une nouveauté est à souligner : l’action 15 de ce programme concerne la prévention et la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains. La constitution d’une action dédiée à cette cause est un signe positif, même si nous regrettons que son financement soit constitué à 60 % par des redéploiements de crédits, pesant ainsi sur les autres actions du programme.
Enfin, le programme 124, support de l’ensemble des moyens de fonctionnement des administrations du secteur des affaires sociales, de la santé, du sport et de la jeunesse, de la vie associative et de la ville ainsi que du ministère des droits des femmes, est en baisse nette par rapport à 2013. Les administrations concernées vont être littéralement mises à la diète tant en termes d’emplois que de moyens pour les services. Il ne s’agit pas là d’une question que votre rapporteur vous pose, mais d’une appréciation très négative qu’il porte sur votre budget. L’État devrait cesser d’amoindrir les moyens des services chargés de missions importantes en lien avec des collectivités elles-mêmes en difficulté, car il met en danger le service public et ses exigences de continuité et d’égalité sur tout le territoire.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif : Monsieur Chassaigne, la BPI devrait connaître un taux de rentabilité inférieur à celui de La Banque postale. En effet, il s’agit d’un service public bancaire, et son objectif n’est pas d’atteindre les ratios de rentabilité – souvent à deux chiffres – des banques privées, mais de réduire le coût d’accès au capital.
Elle représente aujourd’hui 5 % du marché du crédit, soit l’équivalent de la Lyonnaise de banque. Ce n’est pas assez. C’est une des raisons pour lesquelles, avec Pierre Moscovici, nous travaillons à mobiliser et à drainer l’épargne issue de l’assurance-vie, pour faire levier et alimenter les investissements dans l’appareil productif français. Le taux d’épargne des Français est un atout extraordinaire ; sachons en faire un usage utile.
Il est très difficile, pour un esprit cartésien, de s’exprimer au sein d’une commission un peu surréaliste où tout part dans toutes les directions. On compte en effet de nombreux programmes dont il est impossible de faire la synthèse. Je me limiterai donc à trois questions.
J’ai été frappé par les nouvelles orientations concernant le commerce extérieur : notre action vis-à-vis des quarante-sept pays prioritaires s’appuie essentiellement sur le réseau d’Ubifrance qui compte quatre-vingts bureaux dans soixante pays. Or, ses effectifs vont passer de 1 418 en 2012 à 1 385 en 2014, tandis que le réseau des conseillers économiques au sein des ambassades est considérablement mis à mal. Aussi de nombreux pays ne disposent-il pas d’interlocuteurs sur place, notamment pour les PME. Cela ne risque-t-il pas d’avoir des effets pervers dans les pays où nous n’aurons pas la possibilité de développer notre potentiel économique ?
L’évolution de la présence postale territoriale doit se faire en concertation, mais La Poste continue de limiter les jours et les horaires d’ouverture, poussant les communes à accepter agences postales communales et points postes. N’y a-t-il pas là une dérive de la concertation ?
Enfin, la DGCCRF dispose de moyens amoindris. Les syndicats unanimes demandent qu’elle soit restructurée pour exercer toutes les missions qui lui sont confiées. Ne pensez-vous pas devoir vous saisir de cette question ? Je note au passage que l’INSEE est entraîné dans la même spirale.
Monsieur Chassaigne, si j’ai défini quarante-sept pays prioritaires, cela ne signifie pas que nous ne nous occupions pas des autres. Les pays prioritaires sont des marchés en croissance : les classes moyennes, qui s’y développent, sont consommatrices de produits de qualité, notamment agroalimentaires, domaine où la France est très compétente. J’ai ouvert un bureau d’Ubifrance au Kenya, pays anglophone, parce que ce pays structure les flux commerciaux dans l’Est africain. Il est par ailleurs possible de recourir à des délégations de service public : je me suis rendue récemment au Nigeria, un pays de 170 millions d’habitants, dont le niveau de croissance frôle les deux chiffres. La délégation de service public d’Ubifrance a été confiée en 2012 à la chambre de commerce franco-nigériane. Je m’apprête à rouvrir un service économique du Trésor en Tanzanie. Il faut s’adapter à la demande mondiale. Nous avons également ouvert un bureau d’Ubifrance en Birmanie, pays qui sort de cinquante ans d’enfermement – je m’y suis rendue au mois de juillet. En 2014, nous serons présents au Mozambique, au Ghana, en République du Congo et au Sénégal.
Fleur Pellerin, Sylvia Pinel, Arnaud Montebourg et moi-même travaillons à la marque France. Nous avons besoin d’identifier le récit économique de la France. La marque France y contribuera. Les travaux sur le sujet seront publiés au mois de février 2014 après une large consultation.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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