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Discussions générales

PLF 2014 (séance) : action extérieure de l’Etat

La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. François Asensi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la diplomatie française a toujours eu l’ambition de jouer un rôle majeur dans les relations internationales, en portant une voix à la fois éclairée et indépendante dans le concert des nations. L’importance et la qualité de notre réseau diplomatique à l’étranger, le deuxième au monde après celui des États-Unis, reflètent cette ambition. Mais paradoxalement, alors que la mondialisation s’accentue, le budget 2014 de la mission « Action extérieure de l’État » n’est pas épargné par l’austérité, avec une baisse des crédits de 20 millions d’euros pour cette mission. Cela représente deux cents suppressions d’emplois et un recours toujours plus important aux agents de droit local, dotés de contrats précaires.
La rigueur remet sérieusement en cause l’universalité de notre réseau à l’étranger. Plusieurs sites ont d’ores et déjà été regroupés, d’autres sont obligés de faire avec un personnel réduit au strict minimum, tandis que la vente de biens immobiliers historiques – la Maison de France à Berlin par exemple – se poursuit pour renflouer les caisses.
Le programme « Diplomatie culturelle et d’influence » poursuit son hémorragie avec une nouvelle diminution des crédits de 4 %, après celle de 7 % constatée en 2013. Nous craignons que l’action culturelle à l’étranger, essentielle au rayonnement de la France, soit progressivement supplantée par la promotion de la diplomatie économique, que vous présentez, monsieur le ministre, comme la défense des intérêts de quelques sociétés au patriotisme à mon avis très limité.
Il est pourtant essentiel que nous conservions un rayonnement culturel important partout dans le monde. Nous sommes donc particulièrement inquiets d’apprendre la diminution de 2 % des subventions en faveur de l’enseignement du français à l’étranger ainsi que le recul de 7 millions d’euros des subventions aux Alliances françaises, qui restent à ce jour un des principaux relais de notre influence. Ce budget en recul affaiblit la capacité de la France à peser sur la scène internationale. L’ambition de notre politique étrangère n’est pas au rendez-vous.
Par ailleurs, les orientations stratégiques affaiblissent le message de la France, en rupture avec la politique atlantiste du précédent gouvernement ; or cette rupture n’a pas eu lieu.
Le ministre des affaires étrangères est absent, cela est noté ; bienvenue donc à M. le ministre du budget. Je profiterai toutefois de cette intervention pour formuler quelques observations sur la politique internationale de la France.
Premièrement, les prises de position de l’exécutif sur la guerre en Syrie ont démontré l’alignement inadmissible de notre diplomatie sur celle des États-Unis. Nous l’avons répété : l’usage de la force en Syrie, de surcroît sans mandat de l’ONU, était une folie. Les populations civiles auraient été les premières victimes de cette intervention. Une nouvelle intervention occidentale dans le monde musulman aurait alimenté la thèse du choc des civilisations que nous tentons de combattre par tous les moyens. La France n’a pas su prendre les bonnes décisions sur la question syrienne, aussi bien sur le soutien militaire aux rebelles que sur la capacité du dictateur Bachar el-Assad à se maintenir au pouvoir. Résultat : notre diplomatie est aujourd’hui affaiblie dans le cadre des discussions préalables à la conférence Genève 2.
Deuxièmement, nous sommes convaincus que la France aurait dû avoir une attitude différente dans l’affaire Snowden, qui a révélé l’ampleur du système d’espionnage de la NSA, donc des États-Unis. Offrir l’asile politique à ce lanceur d’alerte, quel beau message pour tous les défenseurs de la liberté ! Mais au lieu de prendre cette décision courageuse, la France s’est soumise aux injonctions des Américains en faisant arrêter l’avion du président bolivien Evo Morales. Cet affront diplomatique a gravement nui à la crédibilité de la France au niveau international, notamment en Amérique latine. Par ailleurs, il est inadmissible que la France, alliée des États-Unis, soit sous la surveillance constante de Big Brother. La réaction de la France n’a pas été à la hauteur de la gravité des faits. La suspension de l’accord transatlantique était un impératif minimum.
Troisièmement, nous déplorons l’absence de prises de position fortes sur le conflit israélo-palestinien. La France doit faire preuve de fermeté sur la poursuite de la colonisation israélienne qui bloque l’espoir d’une paix juste. Nous attendons que la France reconnaisse enfin l’État palestinien. Ce message fort pour la liberté des peuples honorerait notre diplomatie. Enfin, il apparaît nécessaire de renouer les fils du dialogue avec l’Iran, tant ce pays est une clef dans la résolution des conflits au Moyen-Orient. Ce dialogue, qui doit se faire sans préjugés, n’exclut pas pour autant la fermeté sur la question de l’usage du nucléaire à des fins militaires.
Du retrait du commandement intégré de l’OTAN à la condamnation de la guerre du Vietnam par le général de Gaulle, jusqu’au refus de l’intervention en Irak par le président Jacques Chirac en 2003, la France a toujours su faire vivre l’idéal de liberté et d’indépendance dans le concert des nations. Le tropisme atlantiste de votre gouvernement est contraire à notre histoire et à nos valeurs. Monsieur le ministre, l’impression générale est que notre diplomatie s’aligne de plus en plus sur les États-Unis et contrevient au multilatéralisme. Parce que ce budget affaiblit le rayonnement de la France et le soutien aux forces progressistes et pacifiques, les députés du Front de Gauche et communistes voteront contre ce budget.

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