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PLF 2015 (commission élargie) : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, sur la forêt. Je dirai avec délicatesse que le budget du programme 149 n’est pas bon : avec 279 millions d’euros en autorisations d’engagement, contre 321 millions en 2014, il accuse une diminution considérable de 14 %. Ce budget s’inscrit, certes après une année de répit, dans la logique structurelle de baisse des autorisations d’engagement sur le budget forêt depuis dix ans. Les rares budgets en augmentation étaient essentiellement dus à la prise en compte, après 2009, des conséquences de la tempête Klaus. Les deux opérateurs concernés, l’ONF et le CNPF, subissent cette année une baisse de leurs crédits, la subvention du second étant comparable à un Laguiole sans manche et sans abeille et qui aurait perdu sa lame.
Le régime forestier est la garantie d’une gestion de la forêt publique française soucieuse de l’intérêt général et de l’égalité des territoires. Il assure une péréquation financière entre les régions où l’exploitation forestière est rentable et celles dotées de grandes forêts peu productives. Or le financement de ce régime est régulièrement remis en cause, l’État cherchant, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, à se désengager en faisant supporter les coûts par d’autres acteurs.
La proposition, un temps envisagée par le Gouvernement, d’augmenter de manière disproportionnée – 50 millions d’euros sur trois ans – les frais de garderie des collectivités ne saurait constituer une solution satisfaisante. Cela représenterait, pour les communes dont la forêt est peu productive, un fardeau bien difficile à porter, a fortiori à l’heure de la rigueur où l’État diminue les dotations budgétaires aux collectivités. Cela aurait signifié la remise en question du régime forestier : estimant le coût d’une gestion publique trop élevé, de nombreuses communes auraient demandé à bénéficier d’un « droit d’option », c’est-à-dire à ne pas garder l’ONF comme gestionnaire de leur forêt communale. Mais ce droit d’option aurait aussi entraîné la fin de la péréquation, de la solidarité qui est le propre du régime forestier, cela au détriment même des comptes de l’État. Les premières communes à demander le droit d’option auraient, en effet, été celles qui tirent des recettes des ventes de bois, ce qui aurait déséquilibré encore plus les comptes de l’ONF.
Face à la mobilisation des communes indignées, le Gouvernement a accepté de revoir sa copie initiale, et l’ONF a dû accepter de prendre à sa charge une baisse de dotation de 20 millions d’euros. Faut-il se satisfaire de cette solution ? Certes non. En revanche, dans le même temps, la renégociation du COP de l’ONF qui lie l’Office, les communes forestières et l’État, a été avancée d’un an.
Je ne soutiens pas qu’il faille nécessairement refuser toute discussion sur les contours et l’avenir du régime forestier, mais il faut être prudent et analyser les conséquences d’un changement de paradigme. De grandes questions doivent être posées : quel doit être le niveau du service universel assuré par l’ONF à toutes les communes ? Si l’Office a vocation à effectuer des travaux forestiers, quel doit en être le périmètre et quel doit être dès lors la nature des ventes ?
Il faut rechercher de nouvelles sources de financement pérennes pour l’ONF. L’enjeu crucial est d’identifier les actions pouvant faire l’objet de missions d’intérêt général confiées à l’Office afin de permettre une plus juste rémunération des services rendus par la forêt en matière de préservation de la biodiversité, de contribution à la lutte contre le changement climatique et d’accueil du public.
Pour toutes ces raisons, votre rapporteur salue la quoique tardive décision du Gouvernement de ne pas réduire le débat sur le régime forestier à une simple question financière, et de renoncer à faire du projet de loi de finances le véhicule d’une telle réforme. Il sera néanmoins vigilant dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. L’ONF, de son propre aveu, peut absorber la baisse de dotations de 20 millions d’euros en 2015, mais il ne pourra assumer seul la baisse de l’engagement de l’État. Quelle sera la position du Gouvernement lors de la négociation du COP ? Le régime forestier a-t-il encore un avenir ?
Pour toutes ces raisons, je ne peux émettre un avis positif sur les crédits du programme 149 qui témoignent du manque de vision du Gouvernement pour cette filière d’avenir qu’est la filière forestière.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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