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PLF 2015 (séance) : Ecologie, développement et mobilité durables

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, l’examen de cette mission budgétaire intervient quelques semaines après l’adoption par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Au cours de ce débat, j’avais noté, madame la ministre, que vous vous fixiez de grandes ambitions en la matière. Les unes m’apparaissaient louables, les autres contestables – en ce qui concerne la part du nucléaire et des énergies renouvelables à court terme, par exemple, ou encore la privatisation annoncée des barrages.
Cependant, la question qui était au cœur de nos échanges était la suivante : avez-vous les moyens de vos ambitions ? L’ADEME estime que pour faire progresser la transition écologique de manière efficace, il faudrait mobiliser 10 à 30 milliards d’euros supplémentaires par an par rapport aux niveaux actuels des investissements énergétiques, qui s’élèvent à 37 milliards d’euros. Or, il n’est prévu que 10 milliards sur trois ans sous forme de crédit d’impôt, de chèque énergie et de fonds destinés à accompagner les collectivités locales, les particuliers, les entreprises ou les banques.
Le projet de loi de finances pour 2015 est à l’aune de cette insuffisance des moyens. De fait, votre ministère est de ceux qui paient un lourd tribut aux choix de l’austérité généralisée, dont nous savons pourtant qu’ils ne préparent ni la croissance, ni l’emploi, ni la transition écologique. Vos crédits plongent de 5,81 %, passant de 7,065 milliards à 6,65 milliards.
Cette chute s’ajoute à celle de 6,50 % l’an passé, ce que n’avait pas accepté la ministre qui vous a précédée. De surcroît, les projections budgétaires pour les années 2016 et 2017 laissent à penser que nous nous installons durablement dans une diète écologique, puisque les crédits envisagés diminueront encore pour s’établir à 6,588 milliards en 2016 et à 6,558 milliards en 2017. Le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’énumérer les conséquences de ces orientations sur toutes les actions figurant dans cette mission budgétaire. Je m’en tiendrai donc à quelques-unes d’entre elles, qui m’apparaissent emblématiques.
Tout le monde ou presque est d’accord en théorie sur le fait qu’il faut diversifier nos modes de transports et opérer un report – que l’on nomme modal – de la route vers le transport ferroviaire et fluvial. Le « tout routier » est en effet une catastrophe sur le plan de l’émission des gaz à effet de serre, de la sécurité et des coûts d’entretien du réseau. Nous sommes très en retard sur nos partenaires européens les plus proches.
Cependant, il y a la théorie d’un côté et, de l’autre, la pratique. Dans cette mission budgétaire, j’observe que les objectifs sont bien peu ambitieux. En 2012, la part du rail dans le transport intérieur du fret s’élevait à 10 %. Elle a baissé à 9,7 % en 2014 ; il est prévu pour 2015 d’atteindre 9,8 %, et légèrement plus à l’horizon 2017 – sans chiffrage de la progression. Quant à la part du transport fluvial, elle atteignait 2,4 % du secteur en 2012 ; nous sommes au même point en 2014 et il est prévu d’atteindre 2,5 % en 2015, et légèrement plus en 2017, mais sans chiffrage non plus. Autant dire qu’à la fin du quinquennat de François Hollande, le rééquilibrage des modes de transport du fret aura été quasi nul. En même temps, un enchaînement d’événements s’est produit, qui conduit à ces impasses.
Cela m’amène à un deuxième point, qui dépend largement du premier. L’Agence de financement des infrastructures de transports de France, l’AFITF, tient un rôle décisif dans le report modal en termes d’investissement. Créée en 2005, elle était censée disposer d’un niveau de ressources de l’ordre de 2,5 milliards d’euros. Au début 2014, le conseil d’administration de l’Agence a voté un budget de 1,8 milliard en crédits de paiement, soit un recul par rapport à l’année précédente où ce budget s’élevait à 1,9 milliard. En cours d’année, il est apparu qu’il manquait encore 500 millions d’euros environ, ce qui a eu pour effet de retarder, voire de suspendre des projets. En 2015, l’écotaxe poids lourds devait assurer le relais avec 800 millions d’euros par an ; nous savons ce qu’il en est. La capitulation du Gouvernement face au lobby patronal routier en a sonné le glas. Un nouveau dispositif à la baisse a été envisagé, qui divisait la recette par deux. Nous n’en sommes même plus là, puisque le lobby routier ne veut pas non plus de cette solution !
Dans ces conditions, quid du financement de l’AFITF ? La seule certitude est que les automobilistes possédant un véhicule diesel vont payer à la place des poids lourds, par une augmentation des taxes.
Ces reculades à répétition mettent gravement en péril des projets importants. Et je n’évoque même pas le canal Seine-Nord-Europe, dont le financement par la France à hauteur de 1 milliard est censé passer par l’intermédiaire de l’AFITF.
Je conclurai mon propos en revenant sur une mesure qui relève de la même logique. En 2014, les agences de l’eau ont dû acquitter une « contribution exceptionnelle » de 210 millions. Il est désormais prévu que les six agences fassent l’objet d’un prélèvement annuel de 175 millions de 2015 à 2017. Chacun sait combien les financements des agences de l’eau sont nécessaires, notamment pour que les collectivités rurales se dotent des équipements d’assainissements adaptés aux normes. Or, pour atteindre les objectifs, il faut souvent mettre sur pied des montages financiers laborieux et complexes. Ponctionner les agences de l’eau est donc une mesure catastrophique, a fortiori quand il s’agit d’imposer l’austérité à des structures qui ont vocation à répondre à d’urgents besoins.
Ces quelques exemples illustrent ce qui anime ce budget : les effets d’annonce sont nombreux, mais ces annonces sont dépourvues des moyens nécessaires pour être suivies d’effets ! Nous voterons donc contre ce budget.

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Patrice
Carvalho

Député de Oise (6ème circonscription)

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