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PLF 2015 (séance) : Egalité des territoires, logement

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plus que jamais, la question du logement est une préoccupation essentielle de nos concitoyens, qui sont confrontés à la pénurie sur certains territoires et à la hausse continue des prix.
Les renoncements de ces dernières semaines ne sont en rien de nature à résoudre ces difficultés. Elles risquent au contraire de les accentuer. Je prendrai pour exemple les coups de canif, ou plutôt de couteau, dans la loi ALUR, les cadeaux fiscaux pour les patrimoines aisés, la nouvelle baisse du Livret A, alors que celui-ci finance le logement social. Plutôt que d’aider les Français les plus modestes à se loger par des mesures fortes, le Gouvernement préfère trop souvent se plier aux desiderata des lobbies de l’immobilier.
Certes, le budget de la mission « Égalité des territoires et logement » apparaît en légère hausse, mais nous savons bien que c’est dû pour l’essentiel à des changements de périmètre. Ici comme ailleurs, l’action publique est amputée, monsieur le secrétaire d’État au budget, par une politique d’austérité aussi injuste qu’inefficace. J’en veux pour preuve la suppression de 670 postes au sein au ministère du logement, la baisse continuelle des aides à la pierre ou encore la chute de 20 % du budget de la lutte contre l’habitat indigne, en contradiction avec les annonces du Premier ministre sur l’aide aux copropriétés dans le cadre du Grand Paris.
Pour une action prioritaire, reconnaissez que le compte n’y est pas ! Certes, les crédits alloués à l’hébergement d’urgence progressent : il s’agissait d’un impératif devant le taux de refus du 115, atteignant près de 70 % dans certaines régions. Pour autant, peut-on s’en satisfaire ?
Les expulsions locatives ont augmenté de plus d’un tiers en dix ans, selon la fondation Abbé Pierre. Malgré cela, on préfère reloger les familles dans des conditions précaires, plutôt qu’instaurer un moratoire sur les expulsions et améliorer la prévention. Nous accueillons cependant avec satisfaction la TVA réduite pour l’accession à la propriété dans les quartiers prioritaires et la hausse du PTZ – le prêt à taux zéro. Cependant, pour l’essentiel, les mesures adoptées récemment sacrifient les locataires au profit des investisseurs immobiliers. Rien de tout cela n’est de nature à enrayer la hausse des prix pour les locataires.
L’encadrement des loyers a été enterré alors même que notre Parlement l’avait adopté. C’est non seulement un déni démocratique…
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais non !
M. André Chassaigne. …mais aussi, monsieur le président de la commission des affaires économiques, une nouvelle attaque contre le pouvoir d’achat des ménages.
En fin de compte, la garantie universelle des loyers n’a d’universel que le qualificatif, car ce dispositif a été détricoté.
Les APL– les aides personnalisées au logement –, sans lesquelles de nombreuses familles ne pourraient pas se loger, restent dans le collimateur de l’austérité budgétaire. Le coup qu’il est prévu de porter à l’APL permettant à des ménages modestes d’accéder à la propriété en témoigne. Il est encore temps, chers collègues, de revenir sur ce recul !
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais vous n’étiez pas pour ce dispositif ! Vous l’aviez critiqué !
M. André Chassaigne. Relisez mes interventions au compte rendu, monsieur Brottes : cela vous évitera de raconter des mensonges. J’avais au contraire insisté sur le fait que la garantie universelle devait avoir une autre dimension.
M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je ne parlais pas de cela, mais de l’encadrement des loyers.
M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si, on les perçoit !
M. André Chassaigne. Lorsqu’à cause de la spéculation, les familles consacrent près de 40 % de leurs revenus à conserver un toit, le droit au logement demeure trop souvent une formule incantatoire. Cette impasse justifie un gel des loyers, tant dans le parc privé que social.
D’autre part, le Gouvernement persiste dans la voie des politiques de défiscalisation dont on ne perçoit toujours pas les effets…
M. Olivier Carré. Elles ont baissé de 12 % !
M. André Chassaigne. …et qui coûtent plus cher pour les finances publiques que d’investir directement dans le logement. Malgré des dizaines de milliards d’euros dépensés par l’État pour soutenir ce secteur, les mises en chantier ont baissé de 10 % depuis l’an dernier.
L’assouplissement du dispositif Duflot est le symbole de cette politique qui cajole l’investissement privé. Nous nous sommes opposés à ce crédit d’impôt généreusement accordé aux familles aisées transmettant leur patrimoine à leurs enfants.
Pour relancer la production de logements, il faut un véritable plan de relance visant à rendre le logement social accessible à tous, aux classes moyennes comme aux classes populaires, et à répondre aux deux millions de demandes d’accès au parc HLM. Hélas, les années de vaches maigres se poursuivent pour le secteur social. Les régressions du mandat de Nicolas Sarkozy n’ont pas été abrogées. Le dispositif Action logement – anciennement appelé « 1 % logement » – continue d’être détourné, la décollecte du Livret A se poursuit, les aides à la pierre baissent.
Tout aussi grave, la mixité sociale reste dans le viseur. Le Premier ministre a annoncé réfléchir à une possible hausse des surloyers, qui serait dramatique car elle chasserait à nouveau les classes moyennes du parc social.
M. Olivier Carré. Faut savoir ce que l’on veut !
M. André Chassaigne. Nous refusons cette conception d’un secteur HLM en forme de ghetto où la mixité sociale n’existerait plus. Aussi, nous continuons à demander l’abrogation des surloyers et de la loi Boutin.
Enfin, les efforts de logement dans les futures métropoles, notamment en région parisienne, vont accentuer les inégalités territoriales et fragiliser la mixité sociale. On s’apprête à reproduire les errements des années 1960 et 1970, en concentrant les logements dans les villes populaires parce que le foncier y est moins cher, quitte à les déstabiliser. Dans le même temps, les villes qui ne respectent pas la loi SRU – loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – peuvent continuer à s’exonérer de tout effort en s’acquittant de pénalités financières insuffisamment dissuasives.
Madame la ministre, nous refusons la France à deux vitesses que les mesures de ce budget contribuent à dessiner. C’est pourquoi nous voterons contre les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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