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PLF 2015 (séance) : Relations avec les collectivités territoriales

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une très grande inquiétude que les députés du Front de gauche abordent le budget affecté pour 2015 aux collectivités territoriales et je sais que cette préoccupation touche l’ensemble des bancs de cette assemblée.
M. Jean-Frédéric Poisson. En effet !
M. François Asensi. Certes, la mission budgétaire que nous examinons ce matin est stable en volume, mais nous savons bien qu’elle représente moins de 3 % de la totalité des crédits attribués par l’État aux collectivités territoriales. Dans le sillage des réformes de l’État, des transferts de charges non compensés et de la suppression de la taxe professionnelle, l’offensive libérale se poursuit.
Entre 2014 et 2017, pas moins de 28 milliards d’euros de dotation générale de fonctionnement manqueront ainsi dans les caisses des communes.
L’asphyxie financière des départements sera encore accrue, rendant de plus en plus difficile l’exercice de leurs missions de solidarité. Le département de Seine-Saint-Denis, en quasi-faillite en raison des 2 milliards d’euros que lui doit l’État au titre des transferts de charges, perdra 16 millions de DGF par an. Quant aux régions, elles n’auront pas les moyens d’exercer les compétences qu’il est envisagé de leur transférer.
Le Gouvernement confirme par ailleurs l’abandon progressif de la solidarité nationale au profit d’une péréquation horizontale, certes nécessaire, mais insuffisante pour corriger les inégalités entre les territoires.
Prétendre que ces coupes pourraient être compensées par les économies réalisées sur les frais de fonctionnement est une contre-vérité. C’est pourtant ce qu’affirme la Cour des comptes dans un rapport publié – hasard du calendrier ? –, à la veille de nos discussions budgétaires. Rappelons un principe : les collectivités territoriales, contrairement à l’État, ne peuvent pas être en déficit. Elles ne dépensent pas plus qu’elles ne perçoivent de recettes. Leurs dépenses sont utilisées pour faire fonctionner les services publics ou injectées dans l’économie locale à travers leurs investissements.
Autant dire que le choix politique de l’austérité est gravissime à plus d’un titre. Nous allons assister, dans les prochaines années, à une véritable réduction du service public. Combien d’ouvertures d’écoles seront repoussées ? Combien de crèches ne seront pas construites ? Combien d’associations ne pourront plus bénéficier du soutien des collectivités ?
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !
M. François Asensi. Alors que les besoins des habitants de nos villes croissent à mesure que la crise s’installe, les maires seront incapables d’y répondre. Les inégalités se creuseront ; le repli sur soi ou sur sa communauté se renforcera. Si le Gouvernement poursuit dans cette voie, nous finirons par voir se fissurer notre pacte républicain.
Je regrette, madame la ministre, que vous n’entendiez pas les alertes des élus locaux. Selon l’Association des maires de France, plus de 10 000 communes ou intercommunalités ont adopté des vœux pour que les baisses de dotations soient réexaminées et qu’il soit mis fin aux transferts de charges non compensés.
Selon une étude récente de la Banque postale, le recul des investissements locaux atteindra 15 % en 2014 et 2015. Fait rarissime, le secteur du bâtiment a manifesté dans toute la France pour mettre en garde contre le risque d’une diminution de 30 % des carnets de commandes des entreprises et la disparition programmée de 60 000 emplois.
Non seulement cette politique d’austérité est injuste, mais elle est aussi inefficace économiquement. Elle risque de conduire notre économie au bord de la récession et de détruire des milliers d’emplois. Elle est d’autant plus absurde que la cure d’amaigrissement de la dépense publique vise précisément à financer le pacte de compétitivité et les 41 milliards d’euros accordés sans contrepartie en termes d’emplois. Ce budget fait payer aux ménages et aux collectivités locales la facture des subventions offertes aux entreprises.
Votre budget, madame la ministre, s’inscrit dans la vision de la commission de Bruxelles qui, malgré le refus des peuples européens, continue d’imposer sa camisole ultralibérale. Elle exige la baisse de la dépense publique pour offrir des pans entiers des services publics aux multinationales. Elle réclame la simplification du mille-feuille des collectivités pour aboutir à une organisation libérale des territoires et les mettre en concurrence.
Au final, il y a une profonde cohérence entre ce budget d’austérité et les réformes relatives à l’organisation du territoire. Pour la première fois sous la Ve République, les dotations aux collectivités baissent ! Comment qualifier ce choix autrement que de coup d’arrêt brutal au mouvement de décentralisation ?
La Cour des comptes propose que soit prise une loi de programmation des finances locales qui symboliserait une véritable mise sous tutelle des collectivités. Si l’on ajoute à cela la mise en place des métropoles, nous assistons à une véritable attaque contre la démocratie locale et le pouvoir des citoyens de peser sur les choix qui les engagent.
Le groupe GDR aborde la lecture de ce texte en proposant un chemin inverse, qui consiste à dégager des moyens pour les services publics et les collectivités territoriales grâce à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières dont la finalité serait d’abonder la contribution économique territoriale.
Cette démarche suppose de dépasser le dogme libéral de la réduction forcenée de la dépense publique en nous donnant les moyens d’une autre politique qui passera forcément par une réforme fiscale de grande ampleur, maintes fois annoncée et jamais concrétisée.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous ne voterons pas ce budget.

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François
Asensi

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