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PLF 2016 (séance) : culture

Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le budget qui nous est présenté connaît une légère augmentation. On ne peut que se féliciter, après que le budget de la culture a chuté de 4 % en 2013 et de 2 % l’an dernier, de voir la tendance s’inverser.
M. François Rochebloine. Oui !
Mme Marie-George Buffet. On peut aussi se dire qu’il aurait été inacceptable que ce budget connaisse une nouvelle baisse à un moment où la liberté de création et le patrimoine de l’humanité sont martyrisés là-bas par des barbares et malmenés ici par la poussée des conservatismes.
Permettez-moi cependant, madame la ministre, d’exprimer le regret que ce budget ne retrouve pas encore le niveau d’une grande ambition pour la culture, alors que la loi relative à la la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, que nous avons adoptée en première lecture, nous avait ouvert l’appétit – nous espérons du reste l’améliorer encore en deuxième lecture, notamment pour ce qui concerne les droits des professionnels du spectacle.
Lors des débats sur ce texte, j’ai fait part de ma satisfaction de voir, réaffirmer par amendement le rôle du service public en matière d’accès et de développement culturel, l’État étant ainsi pleinement impliqué. Si l’on ne peut que souscrire au fait que les collectivités territoriales soient associées à la mise en œuvre des différents programmes de cette mission et si nous avons été nombreux à nous battre pour le maintien de la compétence partagée en matière de culture comme de sport, je m’interroge toutefois sur les moyens dont les collectivités vont disposer pour la faire vivre.
Vous nous avez affirmé, madame la ministre, que tout était question de choix politique. Certes, investir dans la culture est un choix de gestion qui n’est pas anodin – l’engagement et le bilan des municipalités de gauche, en Seine-Saint-Denis et ailleurs, en témoignent –, mais soyons justes : pour faire des choix, encore faut-il disposer de quelques moyens. À cet égard, les 3,7 milliards pris aux collectivités seront un handicap sérieux à l’établissement de bons pactes entre celles-ci et le ministère.
M. François de Mazières. Tout à fait !
Mme Marie-George Buffet. Puisqu’il est question d’action publique, j’évoquerai, dans le contexte de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – loi NOTRe –, les personnels du ministère. Vous m’avez répondu, madame la ministre, qu’il n’y aurait pas de mobilité subie au niveau des directions régionales des affaires culturelles – DRAC –, auxquelles vous vouliez faire jouer un nouveau rôle de proximité. J’espère que vous pourrez nous éclairer sur ce que vous entendez par là. On ne peut que regretter par ailleurs la diminution du nombre des postes au niveau de l’administration centrale.
Je tiens cependant à dire ma satisfaction devant le triplement des dotations accordées aux conservatoires conventionnés, qui confirme les engagements pris par vos représentants lors d’une rencontre que j’avais organisée ici même avec les parents d’élèves et les personnels du conservatoire d’Aubervilliers-La Courneuve. Je souscris à votre proposition de créer un fonds permettant le prêt des instruments pour favoriser l’accès de tous et toutes à l’éducation artistique et culturelle et je réitère ici notre invitation à venir parler des conservatoires à Aubervilliers et à La Courneuve.
Je dois cependant constater aussi que le programme « Création » n’est pas à la hauteur s’agissant d’accompagner l’amélioration des droits des professionnels du spectacle et celle du régime des intermittents.
De même, alors que notre commission a examiné la situation des musées, permettez-moi de contester le bien-fondé de leur ouverture sept jours sur sept, compte tenu de ses conséquences pour les personnels. La raison invoquée – l’élargissement des publics – ne tient pas. Aujourd’hui, en effet, les scolaires et les personnes victimes d’un handicap peuvent visiter les musées. Ce qui restreint la diversité des publics n’est pas le nombre de jours d’ouverture, mais la mise en cause de la gratuité de ces équipements et, surtout, les insuffisances de l’accompagnement permettant à certains de nos compatriotes d’y accéder.
Je voudrais dire un mot sur un établissement qui a accueilli 8 000 scolaires cette année : ce lieu chargé de poésie et d’engagement littéraire qu’est la Maison d’Aragon et d’Elsa Triolet à Saint-Arnoult – le « Moulin » – risque de devenir un simple bien immobilier de rapport si l’État ne décide pas enfin de le faire entrer dans le domaine public. Bien que cette décision ne relève pas, je le sais, de votre ministère mais de Bercy, j’espère, madame la ministre, que vous nous soutiendrez dans cette action.
Je voudrais, pour finir, en appeler à la mobilisation de la représentation nationale : ne laissons pas se creuser le fossé entre les potentialités et attentes culturelles de notre pays et les moyens que leur consacre la République. Notre histoire nous indique le chemin : celui d’une politique culturelle nationale ambitieuse, pour faire vivre une véritable démocratie. Dans l’héritage des Lumières comme dans celui d’Antoine Vitez, la culture mérite mieux que l’arrêt de la baisse de ses crédits. En clair, il nous faut retrouver pour la France la force et l’ambition qui ont si bien su la définir aux yeux de son peuple et du monde : le rayonnement de sa culture, de ses créateurs, de ses artistes.
Ce budget n’est pas à la hauteur de cet objectif. Aussi les députés du Front de gauche s’abstiendront.

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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