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PLF 2018 - Débat prélèvement européen

Bonjour à tous : cela ira plus vite – on sait qui est là.
L’Europe est aujourd’hui minée par les inégalités, bien loin du rêve européen auquel les députés communistes restent attachés, celui d’une union des peuples vivant dans la coopération et la solidarité.
Cette absence de rêve et de cohésion, elle le paye cher aujourd’hui. La montée en puissance de l’extrémisme antieuropéen dans la quasi-totalité des pays membres est la démonstration la plus flagrante du sentiment de défiance des citoyens à l’égard d’une Union européenne perçue comme une institution de mise en concurrence des peuples et jugée incapable de répondre aux urgences économiques et sociales.
Les motifs susceptibles d’alimenter cette défiance sont multiples, parmi lesquels le sort des citoyens européens, qui restent les grands oubliés de l’Union européenne.
Une étude publiée il y a quelques jours par Eurostat indique que 23 % d’entre eux sont en situation de pauvreté. Ils payent l’absence d’harmonisation sociale entre les États de l’Union. La population bulgare est touchée à plus de 41 %, les Roumains à plus de 38 % et le peuple grec à plus de 35 %, quand à l’autre extrémité du classement la République tchèque, la Finlande ou le Danemark sont un peu moins touchés, avec un taux avoisinant les 15 %.
L’un des objectifs clés de la stratégie « Europe 2020 » est de faire baisser le taux de pauvreté, mais elle risque d’échouer car la pauvreté augmente et la précarisation est devenu un modèle dans les pays les plus riches. Mais les peuples européens ne veulent pas d’une Europe des mini-jobs et des emplois à 1 euro par heure.
Les citoyens européens aspirent aujourd’hui à un modèle juste et équitable. Comment y croire quand ils apprennent, comme il y a quelques jours, que la Banque centrale européenne a gagné – écoutez bien – 7,8 milliards d’euros grâce aux bons du trésor grecs qu’elle détient depuis 2012 ?
M. Alexis Corbière. Eh oui !
M. Éric Coquerel. C’est ça la vérité !
M. Jean-Paul Lecoq. Ces profits odieux réalisés sur le dos de peuples qui payent encore si lourdement les diktats de Bruxelles sont insupportables, inadmissibles.
M. Éric Coquerel et M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
M. Jean-Paul Lecoq. Quand la raison prendra-t-elle le dessus ? Le temps est long, très long de cette prise de conscience. Pour que les peuples aient confiance dans le projet européen, il faut nous libérer de la tutelle des marchés, il faut déconstruire les règles et doctrines de la zone euro, réorienter les priorités en faveur de l’investissement public, social et écologique. La BCE doit être mise au service de ce projet, plutôt que de s’enrichir sur la misère des peuples.
Ces remarques préalables étant faites, venons-en à l’article 27 du projet de loi de finances pour 2018, qui porte sur le montant du prélèvement sur recettes de la France au profit de l’Union européenne.
La France verse cette année à l’Union européenne 20,2 milliards d’euros, soit 15 % du budget européen, qui s’élève à 161 milliards en crédits d’engagement et à 145 milliards en crédits de paiement.
Le prélèvement sur recettes de la France gonfle de 2,3 milliards d’euros pour 2018. Une telle contribution est importante : elle se place après les budgets de l’enseignement scolaire, de la défense, de la recherche et de l’enseignement supérieur et devant toutes les autres missions budgétaires que nous examinerons en seconde partie du projet de loi de finances. Ce n’est pas rien ; il conviendrait que notre contribution finance des dépenses plus utiles que ce qui nous est proposé par le Conseil.
S’inscrivant dans la continuité de 2017, le budget européen, qui est toujours contesté par le Parlement, est focalisé sur la croissance, les emplois, la sécurité et les questions liées aux migrations. Suivant ces préceptes, le Conseil souhaite que plus de 122,5 milliards d’euros, soit près de 85 % du total, soient utilisés pour contribuer à stimuler la croissance et créer des emplois. Au total, le Conseil prévoit un montant de 158,9 milliards en crédits d’engagement et de 144,4 milliards en crédits de paiement. Cela représente respectivement une augmentation de 0,6 % et de 7,4 % par rapport au budget de 2017. La forte augmentation des crédits de paiement est liée au fait que la mise en œuvre des programmes de la période 2014-2020, timide au départ, monte en puissance, nous a-t-on dit.
Avec les priorités proposées par le Conseil, les programmes liés à l’emploi et l’investissement voient leurs crédits augmenter. C’est le cas du Fonds européen pour les investissements stratégiques ou encore du programme Erasmus +. Globalement, le budget portant sur la compétitivité pour la croissance et l’emploi est en hausse de 2,5 %.
S’agissant de la sécurité, les budgets sont de plus en plus imposants : l’enveloppe globale allouée par l’Union européenne aux migrations et à la sécurité est portée à un montant sans précédent de 22 milliards d’euros pour la période 2015-2018, au bénéfice d’actions dont l’objectif est de lutter contre les migrations directement dans les pays d’origine.
Le budget concernant l’action extérieure reste élevé du fait de l’accord migratoire passé avec la Turquie pour limiter l’arrivée de populations qui cherchent à fuir les guerres et la misère. Cet accord nous est insupportable.
Le budget validé par le Conseil, fléché en grande majorité vers la compétitivité pour la croissance et l’emploi, laisse de côté ce qui devrait pourtant faire le sel de l’Europe : la cohésion économique, sociale et territoriale. Si les dépenses de cette ligne budgétaire sont en hausse de 2,4 % à 55,41 milliards d’euros, c’est largement insuffisant au regard des besoins fondamentaux pour rendre l’Europe indispensable, protectrice et créatrice de liens sociaux.
Nous le disons régulièrement : nous soutenons depuis toujours un budget européen imaginé par les peuples et pour les peuples et non par les libéraux pour maximiser leurs profits. D’ailleurs, l’une des ambitions européennes que nous appelons de nos vœux consisterait à trouver un compromis concernant l’évasion fiscale.
M. André Chassaigne. Très bien !
M. Jean-Paul Lecoq. Il est là, le défi financier du budget de l’Europe, car les pertes engendrées par ces fuites sont colossales : 80 milliards pour la France et 1 000 milliards pour l’Union européenne chaque année, soit l’équivalent de six fois le budget européen annuel. Osons organiser une COP fiscale mondiale, sur l’initiative de l’Union européenne, et tentons de mettre fin à ce scandale.
M. Jean-Luc Mélenchon. C’est juste !
M. Jean-Paul Lecoq. Le levier fiscal est également fondamental. La question de son harmonisation et d’une Europe politique qui reprendrait également les rênes de sa banque centrale pour enfin retrouver la maîtrise de la politique monétaire doit être posée avec courage. Il va falloir là aussi oser.
Le piétinement de l’Union européenne dans ces dossiers est un échec grave que nous dénonçons.
Pour conclure, il faut tout de même s’inquiéter de la hausse continue de la contribution nette de la France. Le montant de la contribution française a été multiplié par six entre 1982 et 2016, pour atteindre aujourd’hui plus de 20 milliards d’euros. Cela ne poserait aucun problème si, dans le même temps Bruxelles, dans son obsession de l’orthodoxie budgétaire, ne recadrait pas sans arrêt toute dépense des pays membres qu’elle juge inutile.
D’ailleurs, je tiens ici à dénoncer avec force l’asymétrie de la gouvernance de l’Union européenne qui consiste, d’un côté, à augmenter les contributions des États et, de l’autre, à signer des accords de libre-échange, sans se préoccuper de leurs impacts sociaux, écologiques ou sanitaires.
À cause de traités comme le fameux accord économique et commercial global – CETA – passé avec le Canada, l’Union européenne diminue ses droits de douane déjà trop maigres, qui sont quasiment sa seule capacité propre de financement – Maurice Leroy l’a dit. À cause du CETA, l’Europe touchera encore moins de droits de douane. N’est-ce pas absurde ?
Il est injuste que les États membres soient la variable d’ajustement budgétaire de l’Union européenne et se voient sans cesse contraints de compenser la diminution de ces droits de douane. Pour les citoyens européens, c’est la double peine : alors qu’ils sont victimes des dommages causés par ces traités – pertes d’emplois, dégradation de leur environnement, voire de leur santé –, ce sont eux qui compensent les baisses de recettes de l’UE par leurs impôts. N’est-ce pas scandaleux ?
Tout cela met en évidence le fait que le problème de l’Europe est de toute façon moins financier que politique. Le Brexit et la montée des justes colères dévoyées par les nationalismes illustrent l’incapacité chronique de Bruxelles à répondre à des citoyens qui ne croient plus en l’Europe.
Il est temps de briser cette Europe ultralibérale. La construction d’une Europe de la finance, au service d’un capitalisme prédateur, s’avère ultraréactionnaire ; elle est la négation de toute modernité. Le XXIe siècle doit être celui du progrès et de la justice sociale pour les peuples européens. Le temps est venu d’une refondation de l’Europe, passant par une rupture économique, politique, sociale et culturelle.
L’idée de nation reste une idée forte. En France, elle est le ciment de notre modèle républicain et démocratique. Il appartient à l’ensemble des forces de progrès, ainsi qu’aux démocrates et aux républicains de notre pays, dans leur diversité, de travailler à une autre vision de l’Europe. C’est une question urgente. L’Europe ne doit pas attendre l’implosion avant de se refonder autour d’une union des peuples européens sur une base sociale et humaine.
Parce qu’ils défendent une autre Europe et ne partagent pas les ambitions limitées et libérales de ce budget, les députés communistes et Front de gauche voteront contre l’article 27 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

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