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PLF 2018 - Santé (commission élargie)

Le budget consacré à la mission « Santé » est en augmentation. Toutefois, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine constate que les crédits du programme 204 ont été redistribués, ce qui entraîne une baisse des moyens alloués à certaines actions.
Comme au cours des années précédentes, la prévention demeure le parent pauvre de ce budget. À cela s’ajoutent de nouvelles suppressions d’emploi. Dans ces conditions, comment comprendre que les crédits de l’action « Santé des populations » diminuent de moitié et que ceux de l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » baissent de 4 millions ?
Au-delà des chiffres, la politique de prévention proposée entend éduquer et informer sur les pratiques à risque conduisant à des maladies graves. Bien que nécessaire, cette approche comportementaliste ne saurait masquer le fait que, plus que les mauvais comportements, ce sont les inégalités sociales et économiques qui se révèlent déterminantes.
Si la France dispose de l’un des systèmes de santé les plus performants au monde, elle est également l’un des pays européens où les inégalités sociales de santé sont les plus importantes. Ainsi, à 35 ans l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de 5 ans à celle d’un cadre, et l’écart pour l’espérance de vie en bonne santé atteint 9 ans ; voilà la réalité.
La vraie prévention consisterait donc à s’attaquer aux déterminations structurelles de la santé, ce que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nomme « cause des causes » : conditions de vie, de travail, de logement, répartition des richesses, du pouvoir d’achat et du savoir dans la société, poids des rapports sociaux inégalitaires entre groupes sociaux plus ou moins exposés aux inégalités, discriminations d’âge, de sexe, d’origine, de classe.
Alors que vous avez fait de la prévention votre priorité : comment pouvez-vous conduire votre action avec des moyens en diminution ?
Enfin, pourquoi 57 postes sont-ils supprimés, après que 40 l’ont déjà été en 2017 ?
Réponse
Mme Firmin Le Bodo m’a interrogée sur les actions qui demeurant à mener dans le secteur de la prévention ; je répondrai aussi à M. Bruneel, à Mme Fiat ainsi qu’à M. Aviragnet.
Vous n’êtes pas sans savoir que la prévention est ma priorité, et que je souhaite un changement de paradigme dans notre société. La prévention ne se résume pas à un budget du programme 204, loin de là ; et je considère la vision que nous en avons depuis quelques années est quelque peu restrictive et has been.
Nous savons que les grandes campagnes de prévention menées dans les médias sont très coûteuses, alors que leur impact sur la société et les comportements est extrêmement faible. Nous devons introduire de la prévention dans l’ensemble de nos politiques publiques, c’est-à-dire dans la médecine scolaire, dans la médecine du travail, dans la protection environnementale, dans l’éducation et la promotion de la santé à l’école, dans des villes promotrices de santé qui aident par exemple à la marche à pied. Or, ces actions ne trouvent pas leur traduction dans le programme 204.
Il me semble par ailleurs qu’à l’heure du marketing social, il est vain de dépenser quatre ou cinq millions d’euros dans une grande campagne télévisée en faveur de l’arrêt du tabac, dont nous connaissons la grande modicité de l’impact. En comparaison, la communication dans les réseaux sociaux pour le mois sans tabac ou contre l’alcoolisme des jeunes est beaucoup plus efficace et touche énormément de monde avec des budgets cinq à dix fois moins importants.
Vous ne pouvez donc pas juger ma politique de prévention en vous fondant sur les seuls crédits du programme 204, notamment s’agissant des maladies chroniques.
Si nous voulons que les professionnels de santé s’emparent des enjeux de prévention, les recommandations de bonnes pratiques doivent présenter la prévention comme relevant du soin, au même titre qu’un médicament, ce que j’avais entrepris de faire à la Haute Autorité de santé, en incluant dans les recommandations de bonnes pratiques du traitement des maladies chroniques, non pas seulement le traitement médicamenteux de l’hypertension artérielle mais aussi l’éducation à la santé, à l’activité physique ainsi qu’à l’alimentation.
Par ailleurs, nous devons changer le mode de tarification de la médecine : il faut cesser la tarification à l’acte et passer au forfait. Ce forfait, ce parcours de soins, prendra la prévention en compte. Je suis en train de changer tout le système de santé en modifiant les modes de tarification des professionnels pour que les enjeux de prévention fassent partie de leur quotidien.
Afin que ces enjeux soient bien intégrés dans la politique générale du Gouvernement, un comité interministériel dédié à la politique de santé se tiendra au mois de décembre sous la présidence du Premier ministre.
La politique de prévention que je souhaite mener me tient tellement à cœur que je souhaite que vous sortiez de cette salle en étant convaincus qu’elle ne peut en aucun cas se résumer au programme 204.

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Alain
Bruneel

Député du Nord (16ème circonscription)

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