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PLFR 2014

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, les derniers chiffres du chômage viennent d’être publiés et ils ne dérogent malheureusement pas à la tendance lourde qui mène de plus en plus de nos concitoyens dans une situation précaire : 28 400 demandeurs d’emploi supplémentaires se sont inscrits à Pôle emploi en catégorie A pour le seul mois d’octobre. Pour les catégories A, B et C confondues, on compte désormais plus de 5 millions de chômeurs inscrits à Pôle Emploi, soit une augmentation supérieure à 5,6 % sur un an.
Mes chers collègues, la situation est très grave de ce point de vue. La précarité se généralise : il y a de moins en moins d’embauches et les contrats à durée déterminée, de plus en plus courts, tendent à devenir la norme de recrutement actuelle. La pauvreté se répand : l’UNICEF, le Fonds des Nations Unis pour l’enfance, a récemment révélé les effets dévastateurs de la situation économique actuelle sur l’évolution des conditions de vie de notre jeunesse. Selon cette organisation, la crise a fait basculer 440 000 enfants dans la pauvreté dans notre pays. Ces chiffres font froid dans le dos. Mal-être, échec scolaire, révolte seraient les seules perspectives que notre pays peut offrir à sa jeunesse.
Les inégalités et les injustices sont criantes : hyper-concentration des richesses – près de la moitié des richesses mondiales est aujourd’hui détenue par 1 % de la population –, distribution record de dividendes prévue pour l’année 2014 ; avec une croissance à deux chiffres par rapport à 2013, ils devraient s’approcher de la faramineuse somme de 1 200 milliards de dollars. Nous ne pouvons nous résigner face à une telle situation.
Que représente ce second projet de loi de finances rectificative pour 2014 ? Qualifié de « voiture-balai budgétaire » par le ministre des finances, ce texte a un objectif avant tout politique : aux yeux du Gouvernement, il vise à apporter diverses mesures budgétaires correctives pour s’attirer les bonnes grâces de la Commission européenne ou, à tout le moins, éviter ses remontrances.
La Commission européenne, gendarme non élu de l’austérité généralisée, applique ici les règles budgétaires du fameux pacte de stabilité et de croissance validé en début de quinquennat, qui impose aujourd’hui un carcan duquel il convient raisonnablement de sortir. Chantre de la rigueur, elle est aujourd’hui dirigée par un homme qui, au nom de la diversification de l’économie luxembourgeoise, comme il l’a lui-même expliqué, s’est personnellement impliqué dans la mise en place d’un système d’évasion fiscale massive en faveur des grandes multinationales, privant ainsi les États voisins de ressources fiscales plus qu’utiles en ces temps difficiles.
Mme Marie-Françoise Bechtel. Absolument ! Très juste !
M. Gaby Charroux. Nous tenons à réaffirmer notre soutien à nos amis députés de la gauche radicale au parlement européen, qui réclament fermement la démission de M. Juncker. Alors qu’il vient à peine de prendre ses fonctions, sa légitimité politique pour conduire l’action de l’exécutif européen en toute transparence et dans l’intérêt des peuples européens est déjà proche du néant.
Comment ne pas parler de l’écran de fumée que constitue le plan d’investissement européen dit « plan Juncker », présenté à Strasbourg mercredi dernier ? On a longtemps parlé d’un plan ambitieux qui apporterait la relance budgétaire dont l’Europe a plus que jamais besoin, la banque centrale européenne ayant, pour sa part, mis en place de nouveaux instruments monétaires et injecté des liquidités en nombre.
On sait que le problème de l’Europe, aujourd’hui, est son manque d’investissements : avec ce plan, il était question d’une intervention publique massive, que réclament bon nombre d’économistes. Cette relance aurait défini les conditions d’un renouveau économique, en misant sur des projets d’envergure renforçant l’intégration européenne, en développant la recherche et l’innovation et en favorisant la réorientation écologique de notre outil de production – une urgence aujourd’hui.
En réalité, M. Juncker semble plus en pointe pour définir des schémas d’optimisation fiscale que pour définir des outils de relance économique !
Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est vrai !
M. Gaby Charroux. Le fonds créé dans le cadre de ce plan d’investissement ne sera doté « que » de 20 milliards d’euros. Pour atteindre ces fameux 300 milliards d’euros, la Commission table sur un effet de levier qui relève presque du miracle. Peut-être attendait-elle un geste divin du pape François, qui s’est rendu au Parlement européen mercredi dernier, pour rendre ce miracle possible ?
Ce n’est pas en opérant des coupes aveugles dans les budgets, notamment ceux des collectivités territoriales, qu’il sera possible de mobiliser l’argent public et privé autour de ce plan d’investissement. Nous considérons que la première des urgences est d’en finir avec les politiques d’austérité, qui tuent dans l’œuf tout redémarrage de l’économie, précarisent et paupérisent les peuples européens.
Cette paupérisation est d’ailleurs visible à travers les éléments budgétaires que vous nous soumettez aujourd’hui : les prestations sociales, filet de sécurité pour les personnes touchées de plein fouet par la crise, sont en hausse. Elles continueront à l’être si l’Europe et vous-mêmes vous obstinez à renforcer les politiques de rigueur.
S’agissant des autres postes budgétaires, nous nous interrogeons sur la pertinence de financer le surcoût des opérations extérieures par des annulations de crédits du même ministère de la défense.
Concernant les mesures de ce projet de loi, nous sommes nombreux sur ces bancs à nous interroger sur la suppression de la prime pour l’emploi, dont il est prévu qu’elle soit remplacée par un nouveau dispositif qui sera présenté au Parlement courant 2015. Comment pouvons-nous nous prononcer sur cette suppression sans connaître le contenu du futur dispositif ? Quels en seront les contours ? Le pouvoir d’achat des plus modestes sera-t-il garanti ? Y aura-t-il des perdants et des gagnants ? Les enjeux pour nos concitoyens sont bien trop importants pour remettre un blanc-seing. Les questions demeurent aujourd’hui sans réponse précise, même si vous avez indiqué quelques pistes dans votre intervention, monsieur le secrétaire d’État.
Une autre mesure phare du PLFR est l’exonération fiscale accordée aux organismes chargés de l’organisation en France d’événements sportifs internationaux. Il nous est proposé d’accorder de manière générale et pérenne un régime fiscal ultra favorable à ces fédérations qui réalisent des bénéfices énormes dans l’organisation de ces événements. Cette mesure est scandaleuse !
Rappelons que les bénéfices attendus par la FIFA pour l’organisation de la coupe du monde de football de l’été dernier sont de 3 milliards d’euros ! Par contre, la note payée par le Brésil s’élève à 15 milliards d’euros, pour des retombées plus qu’incertaines. Nous considérons que l’État n’a pas à encourager ou à cautionner le dumping fiscal sportif. Par le passé, l’application du régime commun d’imposition ne nous a pas empêchés d’obtenir l’organisation d’événements sportifs d’ampleur, comme la coupe du monde de rugby ou les championnats du monde d’athlétisme. Nous proposerons donc la suppression de cette disposition.
Je souhaite mettre l’accent sur deux mesures qui nous semblent aller dans le bon sens. Une taxe additionnelle de 20 % sera appliquée aux résidences secondaires dans les zones où la situation du logement est tendue. L’exemple de Paris est à cet égard très frappant : on y compte environ 170 000 résidences secondaires, presque autant que de demandes de logements sociaux ! Nous sommes donc favorables à votre proposition. Nous défendrons aussi plusieurs amendements relatifs à la situation du logement et des locaux professionnels en Île-de-France.
Par ailleurs, la taxe de risque systémique ne sera plus déductible. Nous avons proposé cette mesure lors des derniers débats budgétaires et nous nous félicitons de la voir aujourd’hui reprise.
Lors de l’examen des articles, nous proposerons de donner plus de vigueur à la réglementation du secteur financier, notamment sur la taxation des transactions financières, après que le Gouvernement a défendu une position a minima lors des négociations récentes à Bruxelles, en contradiction complète avec ses déclarations lors de l’examen du budget pour 2015. Nous demanderons que toute la transparence soit faite à ce sujet.
Nous proposerons également d’étendre aux compagnies d’assurance la règle du reporting pays par pays, applicable aux banques depuis l’entrée en vigueur de la loi de séparation bancaire. La publication de ces informations est d’utilité publique. Compilées et analysées par une plate-forme d’ONG, elles confirment que les paradis fiscaux sont bel et bien au cœur de l’activité internationale des banques. Nous proposerons de nous appuyer sur la publicité de ces informations pour instaurer une contrepartie fiscale à l’utilisation massive des paradis fiscaux par ces banques.
Enfin, je veux aussi souligner l’évolution de la masse salariale. Oui, la masse salariale est en hausse, notamment grâce à l’augmentation du nombre de salariés dans l’éducation nationale, ce qui nous semble un très bon signe !
C’est dans un esprit toujours constructif, monsieur le secrétaire d’État, mais avec peu d’espoir – disons-le tout net – que nous abordons la lecture de ce nouveau texte financier. Nos amendements porteront ces propositions mais surtout, notre exigence de réorientation de la politique budgétaire de la France.

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Gaby
Charroux

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