Interventions

Discussions générales

PLFR 2014 (lect. déf.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, depuis 2012, la politique économique et budgétaire du Gouvernement repose sur deux postulats essentiels : miser sur une reprise de la croissance et, dans le même temps, revenir à l’équilibre budgétaire. Le projet de loi de finances rectificative est emblématique de cette obsession de l’équilibre, avec, comme conséquence, un pacte de responsabilité qui s’apparente plus à un pacte d’austérité.
Or, comme l’ont souligné bon nombre d’économistes, qui ne sont pas tous d’affreux gauchistes, la croissance est entravée par la rigueur budgétaire. C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé Matteo Renzi, après Valérie Rabault. Je pense qu’il avait lu son rapport. (Sourires.)
M. Dominique Baert. C’est sans aucun doute son livre de chevet !
M. Nicolas Sansu. Le Premier ministre italien a ainsi souligné avec beaucoup de force, à l’heure où nous commémorons le centenaire de la Première guerre mondiale, que les millions de jeunes gens morts au cours de ce conflit ne se sont pas sacrifiés pour des paramètres ou pour un no man’s land de bureaucratie. Certes, il n’a pas demandé de pouvoir dépasser les 3 % du PIB – limite fixée au déficit budgétaire –, se contentant d’inviter à « utiliser la marge de flexibilité qui existe » dans les traités européens.
Ces déclarations d’intention sur l’assouplissement du pacte de stabilité sont néanmoins l’aveu que la politique de rigueur n’est pas la meilleure base pour une croissance durable. Nul ne semble pourtant vouloir remettre en cause les politiques menées aujourd’hui en Europe, notamment en France. Quelques jours plus tard, François Hollande annonçait en effet qu’avec le pacte de responsabilité « tout [était] sur la table » et que « rien ne [serait] modifié ».
La priorité reste donc à la baisse de la dépense publique, aux milliards d’allégements des contributions des entreprises, le Gouvernement se contentant de vouloir incarner une modalité, disons plus sociale, de l’adaptation à des transformations structurelles jugées inéluctables.
À suivre ce discours, l’important serait, pour la gauche, d’aider les plus vulnérables à affronter les conséquences des réformes structurelles que tentent d’imposer les very serious people, comme les désigne ironiquement Paul Krugman. En fait, les very serious people sont des idéologues et ne sont pas réellement sérieux.
Les thérapies de choc que proposent les think tanks ou les économistes libéraux ne visent au fond qu’à rétablir la trajectoire économique d’avant la crise, sans rompre avec le capitalisme financier qui lui a donné naissance, en profitant de la crise pour faire passer des réformes structurelles qui aboutissent à des reculs, tant du point de vue des dépenses sociales que du statut des salariés.
La dernière note du Conseil d’analyse économique est à cet égard édifiante : elle préconise tour à tour de faciliter les licenciements des titulaires de CDI, de renforcer la concurrence dans les secteurs non manufacturiers et de concentrer toujours davantage les allégements de cotisations sociales sur les seuls bas salaires.
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est absolument pas la politique du Gouvernement !
M. Nicolas Sansu. Dans une très intéressante contribution sur ce que pourrait être une politique de gauche, l’économiste Michel Husson indiquait récemment : « Le choix est entre une gestion "paramétrique" de la configuration héritée des décennies néo-libérales et une bifurcation systémique vers un autre modèle de développement. »
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oh là là !
M. Charles de Courson. Il faut avoir fait Polytechnique pour comprendre ! (Sourires.)
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est un défi !
M. Nicolas Sansu. Nous avons justement, en séance, un agrégé de mathématiques et un polytechnicien !
Nous croyons sérieusement en la nécessité d’opter aujourd’hui pour cette bifurcation – ce terme vous convient-il davantage, monsieur le secrétaire d’État ?
Pour les libéraux, il n’est plus question aujourd’hui d’œuvrer, en quelque manière que ce soit, à la redistribution des gains de productivité sous forme de créations d’emplois, de hausse des salaires et de développement de l’État social. Au contraire, il n’est plus question que de baisser le coût du travail et de grignoter l’État social, quitte à creuser les inégalités et à aggraver le chômage de masse.
Pour sortir de l’ornière, il faudrait, pour reprendre la formule de l’économiste Patrick Artus, qui ne siégerait certainement pas à mes côtés s’il était député,…
Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je ne le crois pas non plus !
M. Nicolas Sansu. …« accepter un rendement plus faible des placements, une rentabilité plus faible du capital ».
Il faudrait, en d’autres termes, s’attaquer à l’effarante concentration des richesses sur une étroite couche de la population, prendre à bras-le-corps la question de la répartition des richesses entre capital et travail et investir dans le capital humain et la transition énergétique.
Il faut surtout remettre au cœur des stratégies économiques, en France comme en Europe, l’amélioration de la qualité de vie de chacun – je rejoins en cela notre collègue écologiste Eva Sas.
Il est du devoir de la gauche d’assurer une reconquête politique du temps long. Il s’agit, en d’autres termes, au-delà des débats de court terme sur la politique budgétaire, de reconnaître que, si les ruptures que nous avons indiquées sont hors de portée dans la conjoncture actuelle, il est impératif qu’elles soient amorcées et se traduisent par une amélioration immédiate des conditions d’existence de la majorité de nos concitoyens.
C’est le sens de nos propositions en faveur de l’investissement public ou du relèvement des bas salaires et des minima sociaux que de nous faire entrer dans cette dynamique de transformation sociale. C’est aussi le sens que nous donnons à nos propositions en matière fiscale, qu’il s’agisse de la refonte du barème, de la suppression des niches ou de la modulation de l’imposition des entreprises.
L’ensemble de ces propositions restant aujourd’hui lettre morte, au nom de la mise en œuvre du pacte de responsabilité, nous nous prononcerons une nouvelle fois contre ce projet de loi de finances rectificative. Bien sûr, nous aurons à nouveau ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. Nous proposerons alors de rééquilibrer les politiques publiques entre offre et demande.

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Nicolas
Sansu

Député de Cher (2ème circonscription)

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