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PLFSS POUR 2016 - Lect. définitive

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la lecture définitive du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.
C’est sans surprise que le Sénat n’a pas adopté le texte résultant de nos débats de seconde lecture.
En effet, à l’issue de la première lecture, la majorité de droite au Sénat n’avait rien trouvé à redire à la réduction de moyens imposée au budget de la Sécurité sociale. Au contraire, il l’avait confortée en proposant de nouvelles sources d’économie à la charge de nos concitoyens.
Il s’agissait, par exemple, de reculer à 63 ans l’âge de départ à la retraite ou, encore, d’instaurer trois jours de carence pour les personnels hospitaliers, c’est-à-dire les priver de toute rémunération les trois premiers jours d’arrêt de travail pour cause de maladie.
Les personnels hospitaliers, si chaleureusement salués pour leur dévouement et leur professionnalisme particulièrement remarqués dans les moments tragiques vécus lors des attentats apprécieront ce geste de reconnaissance…
De la même manière, la droite sénatoriale avait élargi encore les exonérations de cotisations sociales en faveur du patronat.
Notre Assemblée a heureusement supprimé l’ensemble de ces nouvelles dispositions pour revenir au texte d’origine.
Il n’en demeure pas moins que la droite, comme la majorité de gauche au Gouvernement, raisonnent de la même façon et utilisent les mêmes arguments pour justifier les reculs sociaux : le déficit, en expliquant que le pays ne pourrait plus faire face aux dépenses qui seraient aujourd’hui devenues excessives ; le poids des cotisations sociales, appréhendées uniquement comme des charges, des coûts.
Il s’agit là d’une approche erronée qui ne peut pas être porteuse d’une sortie de crise par le haut ni de progrès pour notre société.
Je crois utile de rappeler ici quelques réalités qui, vieilles de 70 ans, semblent oubliées.
D’abord, que la Sécurité sociale a été inventée par des personnes qui ont su dépasser leurs clivages tant politiques que religieux ou culturels pour construire ensemble un dispositif certes porteur de progrès social mais, aussi, moteur de développement économique.
Ce qui ne va pas, dans votre approche, et qui vous enferme dans un cercle infernal de reculs sociaux et de discriminations, c’est que sous la pression libérale et patronale, vous refusez de reconnaître le caractère moteur, pour la société, de notre système de protection sociale.
La Sécurité sociale, telle qu’elle fut construite, n’est pas seulement une assurance avec de simples enjeux financiers, c’est – je le répète – un puissant moteur de cohésion sociale, de qualité de vie et de développement économique.
Moteur de cohésion sociale, car c’est un socle de droits et de valeurs partagé par tous. C’est bien là qu’il faut chercher l’explication de l’attachement de nos concitoyens à la Sécurité sociale, une institution qui, selon un récent sondage, représente pour 63 % d’entre eux « un bien commun dont nous sommes tous responsables » et, avant tout, « un investissement pour la société ».
Eh oui, mes chers collègues, la Sécurité sociale est aussi un important moteur de productivité et d’activité économique !
Ce système, en effet, a permis de solvabiliser la demande de soins de nos concitoyens. Nous avons pu particulièrement le constater lors de la crise de 2008 où la Sécurité sociale a joué un rôle d’amortisseur social grâce au système de santé, de retraite et d’allocation familiale qu’elle promeut.
Elle est également créatrice d’emplois – 200 000 dans le seul secteur de la pharmacie.
Fondé sur la solidarité, l’universalité et la démocratie, notre système est plus que jamais à l’ordre du jour. Le défendre, le considérer comme un atout et non une charge, c’est renouer avec le pacte social dont il est porteur, lequel a véritablement cimenté notre société. Je le répète, c’est plus que jamais à l’ordre du jour et, en ce sens, moderne.
Pourtant, tous vos choix tournent le dos à cette démarche ambitieuse.
Vous ne proposez aucune mesure financière pour adapter le financement de la protection sociale à la société d’aujourd’hui. Vous vous contentez de poursuivre les vieilles recettes qui, à la fois, maintiennent un déficit persistant et confortent le recul des droits pour nos concitoyens.
Ainsi en est-il du recul des moyens consacrés aux familles, qu’il s’agisse du gel de la revalorisation des prestations versées en 2014 et 2015 ou de la mise en place de la modulation des allocations familiales, qui vous a rapporté 865 millions d’euros d’économies. Autant de millions qui n’iront pas aider les familles modestes alors que vous défendiez cette mesure au nom de plus de justice sociale !
Ainsi en est-il du recul des droits à la retraite car, sans rompre avec les mesures des précédents gouvernements, vous avez allongé en 2014 la durée de cotisation à 43 années pour disposer d’une retraite à taux plein et, en 2015, augmenté les cotisations vieillesse et gelé les pensions de nos concitoyens.
Ainsi en est-il également du recul de droit à la santé car, en fixant l’ONDAM à 1,75 % – le plus bas niveau jamais atteint jusqu’ici alors que les pouvoirs publics évaluent les dépenses de santé pour l’an prochain aux alentours de 4 % – vous savez, parce qu’il n’y a pas de miracle, que l’accès à la santé pour tous s’en ressentira.
M. Gérard Bapt, rapporteur. Non. L’effort d’efficience est patent.
Mme Jacqueline Fraysse. En limitant à ce point les moyens pour les établissements de santé, vous savez que vous affaiblissez d’abord les hôpitaux publics, les seuls à être accessibles à tous.
En exigeant 10 milliards d’économie sur la santé en trois ans, dont 3,4 milliards en 2016, nous savons que l’on ne pourra pas développer grandement la prévention, affronter les problématiques nouvelles liées à l’environnement, au développement des maladies chroniques, au vieillissement de la population, ni répondre aux attentes des personnes handicapées.
Nous ne pensons pas que de telles mesures permettent de surmonter les difficultés actuelles, que ce soit dans le domaine de la santé, dans le domaine social ou sur le plan économique.
Les chiffres catastrophiques du chômage pour le mois d’octobre, hélas, viennent d’ailleurs encore le confirmer : 42 000 personnes supplémentaires inscrites en catégorie A le mois dernier, ce qui porte le nombre total de personnes sans emploi à plus de 3,8 millions.
Ces recettes éculées, qui n’ont jamais montré leur efficacité, s’inscrivent au contraire dans une spirale de régression qui accentue les inégalités. Et force est de constater, mes chers collègues, que la multiplication des dispositifs palliatifs mis en place pour atténuer les effets négatifs de ces choix politiques sur l’accès aux soins aboutissent finalement à une segmentation des droits et à de nouvelles inégalités. C’est le cas avec les assurances complémentaires, devenues incontournables pour pouvoir se soigner correctement, mais que de nombreuses personnes – et elles sont de plus en plus nombreuses – ne peuvent pas s’offrir.
Non, ce n’est pas ainsi que vous redresserez, que nous redresserons, les comptes sociaux et la situation du pays. Notre Sécurité sociale ne souffre pas d’un excès de dépenses, mais d’un manque de financement à la hauteur de ses besoins. Ces dernières décennies, la Sécurité sociale a dû prendre en charge les nouveaux maux résultant de l’ultralibéralisation de notre économie : maladies professionnelles causées par la pénibilité, départ anticipé des seniors, pathologies liées au chômage et à l’environnement. Et, alors qu’on lui en demandait toujours plus, dans le même temps, ses sources de recettes se sont appauvries, en raison principalement de la récession économique liée à la crise de 2008, qui a coûté une quarantaine de milliards d’euros.
C’est pourquoi, face à ce constat, il demeure incompréhensible pour les députés de mon groupe que vous refusiez, ne serait-ce que d’étudier les propositions que nous formulons, avec d’autres, pour trouver de nouvelles sources de financement de la protection sociale. Car, contrairement au discours ambiant, l’argent existe bel et bien dans notre société pour financer une protection sociale de haut niveau, prenant à bras-le-corps les défis d’aujourd’hui. Mais cela exige d’avoir le courage d’affronter les forces conservatrices qui défendent les moyens colossaux dont disposent quelques privilégiés, au détriment de l’écrasante majorité de tous les autres.
De toute évidence, ce n’est pas la voie courageuse qu’a choisie le Gouvernement. Croyez que nous le regrettons, car nous en avions l’espoir, comme nombre de nos concitoyens, quand ils ont choisi François Hollande pour chef de l’État. Pour notre part, nous n’avons pas modifié notre cap : nous refusons aujourd’hui les orientations et les choix que nous avons dénoncés en leur temps, et souvent avec vous, face à la droite quand elle dirigeait le pays. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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