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Discussions générales

Pn dialogue social et continuité du service public dans les transports maritimes

La parole est à Mme Marie-George Buffet.
Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans le droit fil de la loi du 21 août 2007 sur la continuité du service public dans les transports terrestres – communément appelée « service minimum » – étendue au transport aérien par la loi Diard. II est inutile, je pense, de vous rappeler d’emblée que nous demandons l’abrogation de ces lois.
M. Thierry Mariani. Vraiment ?
Mme Marie-George Buffet. Cette proposition est la réécriture – l’auteur l’annonce dans l’exposé des motifs – d’amendements déposés lors de l’examen de la loi de 2007 qui avaient été rejetés par votre propre majorité. Soyons clairs, cette loi ne vise que la desserte de la Corse, que la SNCM et plus particulièrement ses syndicats et ses salariés. L’objectif est de réduire le droit de grève dans le transport maritime, comme vous avez déjà essayé de le faire dans le transport terrestre et l’aérien. La méthode est la même : obligation d’un accord-cadre, négociation avant la grève, individualisation des grévistes et possibilités de sanctions individuelles. Même en n’étant plus au pouvoir, vous voulez poursuivre votre œuvre de déstabilisation de l’action syndicale.
M. Laurent Marcangeli, rapporteur. Rien que cela !
Mme Marie-George Buffet. Après la loi de 2007, après l’instauration du service minimum dans les écoles, après l’accord national interprofessionnel retranscrit dans la loi de sécurisation de l’emploi, nous avons affaire à une proposition de loi qui poursuit l’œuvre de réduction des droits des salariés et de leurs représentants tout autant que du droit constitutionnel de grève. L’article 1er prévoit qu’un préavis de grève ne peut être déposé qu’après concertation ; or, comme vous le savez, ce sont souvent les employeurs, quelle que soit la branche d’activité, qui refusent la négociation et celle-ci ne s’ouvre souvent qu’après un déclenchement de mobilisation. Au lieu de stigmatiser les syndicats et les salariés, pourquoi ne pas faire une autre lecture du dialogue social ? En donnant, par exemple, plus de droits aux salariés dans l’entreprise, comme nous le proposons, avec une véritable représentation de ceux-ci au sein des conseils d’administration. Qui penserait ici, ne serait-ce qu’une seconde, que les salariés font grève par plaisir ? Qu’ils perdent des journées de salaire sans conséquences, alors qu’elles sont souvent lourdes pour eux-mêmes et leurs familles ?
L’article 2, qui reprend des dispositions déjà connues, propose un arsenal d’obligations pour les salariés mais également des sanctions individuelles pour celles et ceux qui n’auraient pas fait connaître leur intention de participer à la grève au moins vingt-quatre heures à l’avance. Il introduit une notion particulièrement dangereuse puisque « le niveau minimal de service doit permettre d’éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’accès au service public […] ».
Qui va définir la notion d’atteinte disproportionnée ? Si ce sont les mêmes qui ne supportent pas qu’un seul salarié puisse utiliser son droit de grève, je crains que l’atteinte soit en effet vite disproportionnée !
Je pourrais décliner l’ensemble du texte de la même manière tant est manifeste la volonté de stigmatiser et de montrer du doigt ce droit dont bénéficie les salariés et qu’ils ont obtenu au prix de leurs luttes. Permettez-moi tout de même de mentionner encore l’alinéa 25 de l’article 2 qui dispose qu’« en cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de bénéficier d’une information gratuite, précise et fiable sur le service assuré […] ».
M. Thierry Mariani. C’est une bonne chose !
Mme Marie-George Buffet. Mais pour bien connaître les associations d’usagers dans les transports tout autant que les syndicats, permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que ce droit est valable quelle que soit la période, grève ou pas, même si de nombreux efforts restent à faire en ce domaine.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que ce texte ne peut être examiné en dehors du contexte social général, et de la situation de la SNCM en particulier. Après l’adoption de la loi sur la sécurisation de l’emploi et vu la situation dégradée de l’emploi industriel, l’aventure que viennent de vivre les « Conti » – à qui les tribunaux ont donné raison mais qui n’ont plus ni employeur, ni entreprise – et à quelques jours de notre débat sur les retraites, quel signe enverrions-nous aux salariés de notre pays en adoptant une telle proposition de loi ?
La SNCM vit une période difficile parce que des choix à l’opposé de l’intérêt du service public et des salariés ont été faits. En ce moment même, une commission d’enquête de notre assemblée, à laquelle participe mon collègue Gaby Charroux, travaille pour déterminer les conditions de sa privatisation alors qu’elle était bénéficiaire et bien structurée économiquement jusqu’en 2003.
Prévenir les conflits sociaux passe par l’écoute des salariés et de leur expertise ; or ils alertaient sur les risques de la privatisation et annonçaient les résultats que l’on connaît aujourd’hui.
La Commission européenne veut condamner la SNCM – un journal du soir en a fait aujourd’hui un de ses titres – au remboursement d’aides publiques au nom du principe de concurrence libre et non faussée. Le paiement de cette somme mettrait en grave difficulté la compagnie alors que la Caisse des dépôts et consignations annonce sa sortie du capital. La SNCM a obtenu la délégation de service public pour la période 2014-2020, mais aura-t-elle les moyens de l’assumer et de tenir le plan industriel prévu ? Faire de la prévention de conflit, c’est assurer sa pérennité, lui donner les moyens de son développement et combattre les dispositions européennes qui la rendent exsangue.
Ce qui nuit à la desserte Corse-continent, ce n’est pas le droit de grève, c’est qu’une compagnie low cost, écartée de la DSP pour la vétusté de ses navires, qui ne respecte pas le droit social français et qui porte atteinte à l’environnement ne soit pas contrainte, dans son activité de cabotage en Méditerranée, à battre pavillon français.
Prévenir les conflits sociaux passe par la suppression de la concurrence déloyale.
Adopter cette proposition de loi serait un mauvais signe envoyé non seulement aux marins de Corse et de la façade méditerranéenne mais également à l’ensemble des salariés du pays. Vous l’aurez compris, Monsieur le ministre, mes chers collègues : le groupe GDR contre cette proposition de loi.

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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