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Politique de l’éducation

Madame la ministre, le débat à propos de la réforme des rythmes scolaires a mis sur le devant de la scène la nécessaire cohérence d’une politique éducative au service de l’émancipation et de la culture de toutes et de tous. Cette politique demande que tous les acteurs soient mobilisés et réunis.
Dans ce cadre, le ministère de la jeunesse et des sports, donc son personnel, a un grand rôle à jouer. Ses attributions intègrent des dimensions essentielles de l’activité éducative ; je veux parler du sport, de la vie associative, de l’éducation populaire. Chacun de ces domaines a sa spécificité. Le sport, par exemple, ne doit pas être seulement appréhendé au travers de la politique de santé, de la politique de la ville ou de la prévention de la délinquance, mais pour ce qu’il est : une activité avant tout humaine, qui participe au développement de chaque être humain, et tant de son corps que de son esprit.
Les personnels attachés à ces objectifs ont donc des compétences et une expérience spécifiques, tout comme les personnels en lien avec les associations dont l’action est essentielle pour la consolidation de ce pilier de la démocratie. Pourtant, ces qualifications et ces métiers ont été remis en cause par l’instauration de la RGPP, la révision générale des politiques publiques sous l’ère de M. Sarkozy.
Les fonctionnaires exerçant ces métiers dans les départements et les régions ont été regroupés au sein d’un grand pôle « cohésion sociale » où, de fait, les spécificités de leur mission éducative ont été déniées. Ces personnels sont en grande souffrance et les associations sont orphelines de leurs services. En 2012, le candidat François Hollande s’était prononcé pour un grand pôle éducatif ; les personnels de la jeunesse et des sports demandent à y être inclus.
Aussi, madame la ministre, que pensez-vous de la nécessité d’inclure de nouveau ce ministère – et donc ses personnels – au sein d’un véritable pôle éducatif au lieu de réduire son champ à la cohésion sociale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée Marie-George Buffet, vous savez que je suis sensible au sujet que vous évoquez, ne serait-ce qu’en raison de la fonction que j’occupais avant celle-ci, qui incluait le portefeuille de la jeunesse. Je connais donc le malaise de ces personnels durement affectés par les réorganisations qui ont été décidées voilà quelques années et dont la mise en œuvre ne s’est pas faite dans les meilleures conditions possibles.
Voici la situation actuelle : mon collègue Patrick Kanner m’a fait part de sa volonté de maintenir le rattachement de ces personnels au secrétariat général du ministère des affaires sociales. C’est également le souhait de Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales, et de la ministre du logement. Dès lors que ce souhait a été émis par les ministres compétents, je ne peux que respecter leur décision, n’ayant moi-même pas d’autorité particulière sur leurs agents.
Mais j’en viens au fond, c’est-à-dire la façon dont la mission éducative de ces agents est mise en valeur. Je connais pour ma part la proximité très forte et historique entre certains métiers de la jeunesse et des sports et ceux de l’éducation nationale, et ce n’est pas un hasard si nous faisons appel si souvent, au ministère de l’éducation nationale, à l’éducation populaire. Je pense en particulier à la réforme des rythmes scolaires, qui a amplement mobilisé ces personnels.
C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à mes services de faire en sorte que les demandes de mobilité au sein des services du ministère de l’éducation nationale venant de personnels des services jeunesse et sports soient examinées avec beaucoup d’attention, avec toute l’attention qu’elles méritent, car il y a en effet une profonde cohérence entre les missions.
Je souhaite également que nous allions plus loin dans le sens d’un décloisonnement de nos politiques. J’étais d’ailleurs hier avec Patrick Kanner à Nancy pour un déplacement sur les questions liées à la jeunesse. Il va de soi que pour répondre aux difficultés des jeunes, il convient non pas de les renvoyer d’un guichet à l’autre, du service de l’éducation à celui de la jeunesse ou de l’emploi, mais de s’adresser à eux de manière décloisonnée ; c’est la meilleure réponse qu’on puisse leur apporter, et c’était tout le sens du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté, sur lequel nous avons travaillé ensemble récemment, et nous continuerons de le faire.
Si donc il y a bien une culture commune et que nous veillons à développer les passerelles et à décloisonner, ces services restent différents.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet pour poser sa seconde question.
Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, la recherche en France est victime d’un paradoxe. D’un côté, on soumet la recherche publique à la réduction des dépenses publiques et à une obligation de se financer au moyen des transferts qu’elle doit engendrer ; de l’autre, l’État attribue 6 milliards de crédit d’impôt recherche aux entreprises, sans véritablement contrôler l’utilisation qui en est faite.
La communauté scientifique nous a alertés lors de la discussion budgétaire sur la misère de l’emploi scientifique. Elle demandait à bénéficier d’une partie des sommes du crédit d’impôt recherche qui n’allaient pas à la recherche. Le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir. Depuis lors, une commission d’enquête sénatoriale a montré que pour la période 2007-2012 on ne pouvait établir aucune corrélation entre le crédit d’impôt recherche et la création d’emplois. L’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés, qui capte 63 % du crédit d’impôt recherche, n’a créé que 18 % des emplois nouveaux de recherche- développement au cours de cette même période. Le secteur de la pharmacie a même détruit 2 400 emplois dans ses laboratoires après avoir bénéficié de 2 milliards d’euros de crédit d’impôt recherche entre 2008 et 2012.
La logique consistant à faire des cadeaux aux entreprises sans contrôler l’utilisation des fonds ainsi alloués pénalise ainsi le développement de la recherche. L’emploi scientifique privé et public va mal pour le plus grand malheur de la recherche et de l’avenir scientifique de notre pays. Le sort réservé au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, est de ce point de vue parlant. Son budget est inférieur au montant total du crédit d’impôt recherche ! De plus, le projet de contrat d’objectifs 2015-2018 entre l’État et le CNRS somme cet organisme public de se tourner vers le transfert et l’innovation, au détriment de la recherche fondamentale.
Madame la ministre, la recherche publique a fait les grandes heures de notre pays. Le succès des programmes français dans l’aéronautique, le spatial, l’énergie, la médecine et bien d’autres domaines a été rendu possible par l’ampleur de l’investissement public et sa qualité dans la durée, de la recherche fondamentale au développement industriel. Allez-vous répondre aux chercheurs en reversant une partie du crédit impôt recherche à la recherche publique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée Marie-George Buffet, vous l’avez dit, le crédit d’impôt recherche a vocation non seulement à rendre notre pays plus attractif, mais aussi à soutenir la recherche et l’innovation. En effet, le problème en France n’est pas tant le montant alloué à la recherche publique que celui qui échoit à la recherche privée, lequel, on peut le constater au moyen de données comparatives, est souvent plus important dans d’autres pays. Le crédit d’impôt recherche a donc également vocation à soutenir et à financer davantage la recherche privée.
Ce dispositif, qui représente un peu plus de 5 milliards d’euros, concerne aujourd’hui environ 20 000 entreprises, contre seulement quelque au début des années 2000. Il a donc fait preuve de son efficacité et touche quasiment toutes les entreprises qui font de la recherche et développement.
Nous avons fait mener des études pour mesurer l’impact du crédit d’impôt recherche. Tout d’abord, au niveau microéconomique, il n’y a pas d’effet d’aubaine : le crédit d’impôt recherche s’ajoute aux dépenses de recherche et développement de l’entreprise. Ensuite, au niveau macroéconomique, le montant globalement investi en recherche et développement par les entreprises a augmenté ces dernières années grâce à cette mesure alors même que la désindustrialisation de notre pays aurait pu entraîner sa diminution. Tous ces éléments sont donc plutôt positifs.
Parallèlement à cela, on constate que les entreprises ont augmenté le nombre de chercheurs auxquels elles font appel de plus de 30 % depuis 2007 ; ce sont plus de 160 000 chercheurs qui sont aujourd’hui embauchés dans le secteur privé qui, de fait, est devenu le premier pourvoyeur d’emplois pour les chercheurs en France.
Tout n’est pas parfait, toutefois, et une commission d’enquête parlementaire doit se pencher sur ce sujet. Elle montrera sans doute que le crédit d’impôt recherche a conduit les entreprises à investir davantage dans la recherche et développement et, de ce fait, accru la compétitivité de notre pays dans son ensemble et fourni de l’emploi aux chercheurs, ce qui me paraît être votre objectif. Je laisserai cependant à la commission d’enquête le soin de nous livrer ses conclusions.

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Marie-George
Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis (4ème circonscription)

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