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Pouvoirs publics : modernisation des institutions de la Ve République

Franchement et en prenant un peu de recul, est-ce que quelqu’un ici croit vraiment que cette révision constitutionnelle est à la hauteur des enjeux actuels en matière de développement de la démocratie, d’attentes des Français concernant les moyens de participer et prendre part aux décisions qui les concernent ?
Je crois que NON ? et pour une bonne raison c’est que ce qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi c’est d’abord une volonté très personnelle du Président de la République de parler devant le Parlement -ce qu’aucun de ses prédécesseurs pas même le Général de Gaulle n’avait demandé- et ensuite cette considération politico-philosophique du 1er Ministre déclarant :
« Commençons par renforcer le pouvoir du Parlement [je vais expliquer que ce n’est pas le cas] pour aller dans quelques années, vers la présidentialisation inéluctable du régime » (comme si d’ailleurs en politique il existait quelque chose d’inéluctable).
Donc voilà comment à travers les deux principaux personnages de l’exécutif nous abordons la révision de notre constitution. Cela s’appelle voir les choses par le petit bout de la lorgnette.
Je voudrais simplement évoquer 3 points :
Les pouvoirs du Président de la République. Ils sortent renforcer de ce texte.
Parler devant le Parlement, si ce n’est pas un discours du trône donc inutile, c’est forcément une intervention politique pour peser sur les choix du législateur et les orienter. On est donc bien dans le prolongement de tout ce qui s’est fait depuis 50 ans en terme de prééminence renforcée du Président de la République.
Ceci étant confirmé par l’Article 8 sur la responsabilité en matière de Défense Nationale retirée au Gouvernement. Sauf si les tenants du statu quo à l’UMP l’emportent. Ce qui d’ailleurs ne changerait rien à la pratique actuelle, c’est vrai !
Quant aux droits du Parlement, le mot qui peut le mieux caractériser ce texte c’est bien le mot leurre ; certains constitutionnalistes vont même jusqu’à utiliser le mot : hypocrisie.
En effet si je prends les articles qui constituent le cœur de ce projet sur ce point : 15-16-18-19-22 et 23. Qu’en est-il des pouvoirs réels du Parlement ?
Vous mettez un double gendarme à l’irrecevabilité législative : le gouvernement et le Président de l’Assemblée saisis. Vous introduisez une nouveauté -qui n’est pas un pouvoir supplémentaire- concernant l’examen en séance du texte de la commission pour aussitôt à l’article 18, utiliser ce changement afin de multiplier les procédures « réellement simplifiées » et « ouvrir la voie » à la fixation « d’une durée programmée d’examen des textes ».
 
Autrement dit vous prenez prétexte de l’examen en commission –qui de toute façon a toujours lieu- et de la présentation de son texte pour réduire le temps du débat en séance publique et plénière.
C’est la porte ouverte et l’inscription même dans la constitution d’une atteinte à la liberté du débat et à celle d’amendement.
Ceci est inacceptable car c’est l’organisation d’une régression dont, de plus, l’essentiel sera codifié par le règlement des assemblées, règlement qui ne sera discuté qu’après le vote de cette révision constitutionnelle. Nous ne pouvons pas voter de chèque en blanc !
En fait votre préoccupation est davantage celle de gagner du temps que de gagner du pouvoir pour l’Assemblée.
Leurre aussi, ou hypocrisie, sur la limitation supposée de l’utilisation de l’article 49/3 dont on sait qu’il est là pour arrêter les débats.
Hypocrisie d’une part parce que ce 49-3 pourra être utilisé sur les actes essentiels du pouvoir législatif que sont le vote des PLF et PLFSS.
Hypocrisie car l’utiliser une fois par session reviendra à se caler sur la moyenne habituelle d’utilisation du 49-3.
Hypocrisie enfin car, comme je viens de le rappeler entre la multiplication des procédures simplifiées et celles de limitation de la durée d’examen des textes, le 49/3 actuel sera renforcé par un 49-3 décidé par le parti majoritaire de l’Assemblée nationale et du Sénat.
S’agissant de l’ordre du jour c’est un nouveau leurre que vous proposez, car aujourd’hui le Gouvernement et la Majorité disposent de 97% de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Demain ils en disposeront de 92,5%.
Donc le temps gagné par les Groupes d’opposition est très faible d’autant plus faible qu’on leur propose de mettre dans ces nouvelles niches : leurs propositions de lois, les textes relevant du contrôle du gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques et enfin des résolutions que par un réflexe de peur, la majorité de la Commission des lois a décidé de supprimer en rejetant l’article du gouvernement. La Commission, soulignant en passant, ce qui est vrai, que ce droit n’ouvrait pas droit à grand-chose, et c’est un euphémisme.
Je passe sur le simple avis donné sur les nominations du Président de la République, sur la contorsion pour empêcher que le Parlement se prononce dès le début sur l’intervention des forces armées à l’extérieur, sur les limites, -qui n’en sont pas- envisagées pour déclarer l’urgence d’examen des textes et sur la suppression de la possibilité d’utiliser le référendum s’agissant des textes constitutionnels européens, pour en arriver au dernier point qui est également phare pour le gouvernement c’est le pouvoir des citoyens.
Il me suffira pour l’évoquer de rappeler l’opposition farouche de l’UMP en Commission au moment où le groupe GDR et le groupe SRC ont voulu simplement soutenir un amendement reprenant la proposition du comité Balladur à savoir la possibilité de faire examiner par le Parlement une motion référendaire dès l’instant qu’un cinquième des parlementaires et 10 % des élus inscrits l’ont demandé.
Bref comme l’a dit un éminent professeur de l’Université Paris II. « Ce prétendu renforcement des pouvoirs du Parlement n’est que la salade qui entoure le rôti ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous demandons un référendum sur cette réforme constitutionnelle qui ne répond nullement aux enjeux et besoins de la France du 21ème siècle.
 
Aujourd’hui ce qui domine chez nos concitoyens c’est l’inquiétude face à une mondialisation qui provoque régression sociale, élargissement des inégalités sociales, aggravation de la précarité et préoccupation sur les enjeux environnementaux.
A ce jour aucune solution politique n’a pu surmonter ces graves problèmes. Alors le doute entretenu (avec les « on n’a pas le choix ») la défiance (en raison des engagements non tenus) la défection politique (abstention) se sont développés.
Seule une nouvelle avancée de la démocratie peut ouvrir une espérance.
Seul un pouvoir, ou du pouvoir supplémentaire accordés à nos concitoyens peut débloquer cette situation au lieu de s’enfermer sur des règles du jeu développant le pouvoir d’un seul et le partage du reste dans un bipartisme qui n’est ni notre culture ni une expression supérieure de la démocratie, bien au contraire.
Des institutions modernes, ambitieuses, cohérentes pour ce 21ème siècle c’est possible cela passe par l’avancée sur 5 points clés :
 
· Les droits fondamentaux de nos concitoyens
· La question de leur juste représentation.
· Des pouvoirs réels au Parlement et le rétablissement de la prééminence du pouvoir législatif.
· Un pouvoir d’initiative à nos concitoyens
· Enfin des mesures permettant un fonctionnement efficace de nos assemblées.
1. Le droit à l’emploi, à la formation, au logement, à la santé, à l’éducation, à l’eau, à l’énergie doivent être opposables. Nos concitoyens doivent en obtenir, de la puissance publique, le respect.
2. - Le mode de scrutin proportionnel doit être généralisé. - Le droit de vote et l’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales doivent être inscrits dans la constitution.
3. - L’abrogation des articles 16-38-40-44 et 49/3 est un préalable sans lequel c’est un leurre de dire que l’on accorde des pouvoirs nouveaux au Parlement.

  • L’Assemblée nationale doit :
  • décider de la politique budgétaire
  • décider de l’engagement des forces armées à l’extérieur
  • avoir la prééminence pour son ordre du jour
  • donner un avis conforme pour toutes les nominations (effectuées par le Président de la République – Conseil des Ministres)
  • donner à chaque groupe politique les moyens administratifs et politiques d’accomplir ses responsabilités, de disposer d’un droit d’initiative comme par exemple la création de commission d’enquête ou la saisine de la Cour des Comptes.
  • Réformer le Sénat en lui donnant un autre objet, une autre composition, un autre mode d’élection.
     
    4 – Le pouvoir des citoyens
  • Les citoyens auront un pouvoir d’initiative référendaire et législative.
  • La démocratie participative sera reconnue et organisée.
  • Le citoyen à l’entreprise aura un droit d’intervention sur l’emploi –la formation- les conditions de travail et l’utilisation des bénéfices.
    5 – Le non-cumul des mandats est inscrit dans la constitution. Un parlementaire ne pourra cumuler avec un mandat exécutif local excepté pour les communes et les communautés de communes de –de 20 000 habitants.
  • Un statut de l’élu sera élaboré fondement de la démocratie représentative.
    L’enjeu est élevé il n’a rien à voir avec le texte que nous soumet le gouvernement.
    Il s’agit de donner du pouvoir à nos concitoyens pas à un homme.
    Il s’agit d’accorder la prééminence aux représentants du peuple qui, seuls, doivent être élus au suffrage universel.
    Il s’agit d’obtenir le respect des droits fondamentaux.
    Il s’agit de passer d’un type ancien de démocratie à une démocratie moderne, donnant du pouvoir au lieu de le concentrer dans les mains d’une élite.
    Nous optons pour un renouvellement et une modernisation de nos institutions permettant un changement de la vie politique française vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité.
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Jean-Claude
Sandrier

Député de Cher (2ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

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