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Pouvoirs publics : protection des témoins d’une commission d’enquête parlementaire

Monsieur le Président, Chers collègues,
« Au-delà des nuances liées aux sensibilités politiques des uns et des autres, au-delà des subtilités de vocabulaire, c’est en fait toute une politique de prévention, d’information, d’aide aux victimes et à leurs familles et de lutte contre toutes les formes de dérives sectaires qui a pris forme petit à petit à la lumière des expériences acquises, dans le plus large consensus politique qu’un sujet de société ait jamais pu réunir dans notre pays. » Tels sont les propos de l’ancien Président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), monsieur Jean-Michel ROULET, en introduction du tout dernier rapport de cette mission désormais présidée par notre ancien collègue, monsieur Georges FENECH.
Ces propos confirment le fait que le phénomène sectaire interpelle les pouvoirs publics au plus haut niveau de leurs responsabilités. C’est d’ailleurs encore le cas, aujourd’hui même, avec cette proposition dont l’initiative revient au président de l’Assemblée lui-même.
L’activisme, bien connu, des sectes se traduit au plan procédurier en particulier pour certaines parmi les plus importantes et les plus riches, telles que la scientologie ou les Témoins de Jéhovah.
Ces organisations agissent en exploitant les failles de notre système juridique, en assaillant de procès les ex-adeptes qui osent témoigner publiquement, tout journaliste ou tout parlementaire susceptibles de mettre à jour la dangerosité de leurs activités.
Elles reçoivent parfois le soutien de faire-valoir, de porte-paroles et de défenseurs hauts placés et bénéficiant de réseaux dans l’appareil d’Etat, tel que maître de Guillenschmidt avocat au barreau de Paris, défenseur acharné de l’organisation des Témoins de Jéhovah, co-fondateur de Network for Advancement of Transfusion Alternatives et de sa filiale française NATA France.
La révision constitutionnelle a donné le pouvoir aux parlementaires de s’opposer à certaines nominations. Ce pouvoir devrait concerner les nominations au Conseil Constitutionnel. Comment, en effet, imaginer que madame de Guillenschmidt, membre influent du Conseil constitutionnel, ait été complètement étrangère aux convictions de son époux lorsqu’elle fut rapporteur du dossier électoral de notre ancien collègue Georges Fenech et qui a abouti à son invalidation provoquant sur les bancs de cet hémicycle une vive émotion au delà de tout clivage.
Mais, pour revenir à l’objet de notre débat, drôle de coïncidence du calendrier parlementaire et du calendrier judiciaire puisque c’est en ce moment même que se tient devant la 17ème Chambre correctionnelle – Chambre de la presse du tribunal de grande instance de Paris, le procès intenté par Claude VORILHON contre la Présidente de l’Association Innocence en danger qui était venue verser son témoignage aux travaux de la commission d’enquête sur les mineurs victimes des sectes. Et que disait la présidente de cette association ? : « des mouvements comme les raëliens […] ce sont des mouvements sectaires qui prônent la relation sexuelle entre adultes et enfants ». Mais nous savons bien, nous, ici, qui travaillons depuis des années sur le phénomène sectaire que ces déclarations sont fondées sur des faits réels, sur des témoignages comme celui par exemple de madame Dominique Saint-Hilaire, attaquée en justice par Raël à sa sortie de la secte où elle est restée 13 ans, mais relaxée par la cour d’appel de Bordeaux en décembre 2005.
Ainsi, comme le constatent les associations de défense des victimes de sectes, les ex-adeptes et associations de victimes font face à de longues et coûteuses procédures judiciaires.
Cette réalité n’est malheureusement pas nouvelle. Dès 1997, l’Observatoire interministériel sur les sectes, dans son rapport annuel, constatait l’utilisation des procédures administratives et judiciaires :
« […] les associations répertoriées comme ayant un caractère sectaire dans le dernier rapport parlementaire, ont multiplié les actions judiciaires à l’encontre des personnes, élus ou spécialistes, et des associations engagées dans la lutte contre les dérives sectaires, sur le fondement de la diffamation, de l’injure raciale ou religieuse ou encore de la discrimination.
« Sans pour autant renoncer à ce type de comportement, certaines de ces associations privilégient aujourd’hui la saisine des tribunaux administratifs, en vue de gagner une reconnaissance sociale et obtenir des avantages identiques à ceux consentis aux religions traditionnelles. […] » ; il en est ainsi des actions à répétition des Témoins de Jéhovah.
Dans ce contexte, la proposition de loi qui nous est soumise est un excellent rempart contre l’acharnement procédurier, qui finit par s’apparenter à une forme de harcèlement et qui porte atteinte à la libre parole devant les commissions d’enquête.
Nous partageons le point de vue exprimé par le président de notre assemblée selon lequel « les personnes entendues sous serment devant les commissions parlementaires doivent pouvoir s’exprimer sans crainte. [...] Il n’est pas admissible que le simple fait de rapporter ce que l’on a vécu puisse exposer à des poursuites. Si ce dispositif n’était pas adopté, on peut craindre qu’à l’avenir plus personne n’accepte de témoigner ! ».
Faire taire les témoins, faire taire ceux qui ont souffert, qui acceptent d’agir pour que d’autres ne connaissent pas leur calvaire et qui se battent sans relâche pour les libertés individuelles et collectives, voilà l’objet des procédures menées par les sectes sur le terrain judiciaire, grâce aux moyens financiers dont elles disposent.
Pour ce qui nous concerne, nous ne nous laissons pas embrumer par ceux qui cherchent à se dissimuler derrière le principe de la liberté de conscience pour mieux asseoir leur emprise sur leurs adeptes.
 

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Jean-Pierre
Brard

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