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Prise en compte des droits de l’enfant à l’Assemblée nationale

Que chacun, ici, souhaite le bonheur des enfants, que chacun souffre quand il voit un enfant malheureux, à terre, vulnérable, je n’en ai aucun doute : ces sentiments face à l’humanité menacée sont intangibles. Dès lors, comment ne pas soutenir une telle proposition de résolution, comment ne pas vouloir appliquer les principes et les droits issus de textes fondateurs que la France a ratifiés, signés et promus depuis de nombreuses années avec raison ? D’un même élan nous répondons : il le faut ! Ici, toutefois, nous prenons des engagements et traçons des directives. Or, à la lecture du texte, je vous avoue avoir oscillé entre un espoir naïf – vont-ils interdire la rétention des enfants et de leur famille ? – et la colère – car vous, signataires de cette résolution, avez voté il y a à peine deux ans le doublement des délais d’enfermement des enfants.

Il nous faut ici déterminer en quoi les choix politiques faits dans tous les domaines – économiques, juridiques, éducatifs – sont favorables aux droits des enfants ou en sont destructeurs. À cet égard, le « en même temps » macronien peut avoir un aspect cruel quand il concerne les enfants. En 2019, 135 enfants ont été enfermés dans des centres de rétention administrative. Malgré de nombreuses alertes, absolument rien n’a été fait pour remédier à cette injustice. On nous a promis un groupe de travail – il a été lancé –, puis des annonces ont été faites, à la veille du 20 novembre, quant à la possible adoption d’une loi qui interdirait – ou plutôt, finalement, qui limiterait et encadrerait – la rétention des enfants. Pendant ce temps, les chiffres continuent d’exploser. Rappelons que la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, ratifiée et entrée en application en France dès 1990, stipule que les États doivent veiller à ce que nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. C’est au regard du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant que le Conseil d’État a reconnu son applicabilité directe en 2001, puis en 2008.

Ce principe est aussi très largement égratigné par le traitement réservé aux mineurs non accompagnés. Lors d’une visite parlementaire au poste frontière du pont Saint-Louis à Menton, nous avons pu constater des pratiques de refoulement de mineurs aux frontières, contraires aux procédures légales, pratiques qui ont d’ailleurs été dénoncées par de nombreuses associations. J’ai également constaté une inégalité de traitement des mineurs lors d’une visite de la zone d’attente de l’aéroport d’Orly. Les indignes tests osseux y demeurent la norme pour déterminer l’âge des personnes, et cela en premier recours, contrairement aux dispositions de l’article 388 du code civil.

Votre résolution parle de pauvreté, alors parlons-en : l’INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques – confirme, cette année, une augmentation du nombre de personnes pauvres, et donc d’enfants vivant dans la pauvreté, de même qu’un accroissement des inégalités, qu’il renvoie aux politiques que vous avez choisi de soutenir.

En matière de scolarisation, qu’avez-vous prévu pour les 100 000 enfants qui se voient refuser l’entrée à l’école parce qu’ils sont mal logés, sont étrangers, vivent dans un squat ou dans un bidonville ? Sous l’impulsion de Mme Marie-George Buffet, le groupe communiste vous soumet une proposition de loi visant à surseoir à l’expulsion des familles lorsqu’un mineur fait partie du foyer. Il en va de l’avenir de nos enfants et de leur planète : seule une bifurcation sociale et résolument écologique peut leur permettre de vivre dignement et de rêver, à leur tour, d’un futur pour leurs propres enfants. Or, même lorsqu’il s’agit de prendre des décisions comme l’interdiction des pesticides, vous reculez. Pire, le Gouvernement, par la voix des préfets, attaque les maires qui prennent des arrêtés en ce sens.

J’en viens plus précisément à l’enfance en danger. Grâce à plusieurs reportages et à la mobilisation de collectifs d’anciens jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, le traitement des mineurs dans notre pays a été mis à l’ordre du jour. Alors que la proposition de loi de Mme Brigitte Bourguignon avait suscité de nombreux espoirs, vous l’avez littéralement vidée de sa substance en ajoutant des critères d’éligibilité au contrat d’accès à l’autonomie. Vous avez également refusé notre amendement visant à mettre fin au placement en hôtel. Un drame est justement survenu dans un hôtel des Hauts-de-Seine. En tant qu’élue altoséquanaise, je peux affirmer que, si le département assume mal ses responsabilités en la matière, l’État ne saurait pour autant se défausser sur lui. Le défenseur des droits rappelle à l’État la responsabilité qui lui incombe dans ce domaine, malgré la décentralisation, et l’invite à s’assurer que l’ensemble des droits et des besoins fondamentaux sont garantis à chaque enfant accueilli par la protection de l’enfance.

Le temps me manque pour exposer d’autres propositions : je pense par exemple à l’allongement de la durée du congé de paternité. Je vous appelle également à ne pas détricoter l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.

Voilà, mes chers collègues, un échantillon de ce qui cloche résolument entre les discours et les résolutions comme celle que propose Mme Florence Provendier et les actes accomplis ou futurs. Nous nous saisirons de tous les aspects de cette proposition de résolution pour faire avancer les droits des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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Elsa
Faucillon

Députée des Hauts-de-Seine (1ère circonscription)

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