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Produits phytosanitaires

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais d’abord vous prier d’excuser l’absence de mon collègue Patrice Carvalho, qui a suivi ce texte pour notre groupe et dont je suis chargée de vous faire connaître la position. Cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des travaux de la mission d’information sénatoriale sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement. Elle a été votée à l’unanimité par la Haute assemblée.
Ce texte est certes limité puisqu’il ne concerne pas l’usage des produits phytosanitaires dans le milieu agricole, qui représente pourtant 95 % de l’utilisation des pesticides. Mais il faut noter que ce volet relève, pour l’essentiel, de la réglementation européenne et du programme européen d’action pour l’environnement, dont la septième édition doit entrer en vigueur pour s’achever en 2020.
La France est particulièrement concernée car notre pays est celui qui, en Europe, autorise le plus grand nombre de substances pesticides sur son territoire. On en comptait trois cent dix-neuf en 2013, dont les effets sur les agriculteurs et les salariés qui les manipulent, comme sur les consommateurs des produits traités et la faune – je pense en particulier à l’apiculture –, sont peu étudiés et mal connus. Mais nous savons qu’ils sont nocifs.
Le projet de loi relatif à l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que l’Assemblée vient d’adopter, contient des dispositions intéressantes concernant la part nationale qui nous revient, même s’il reste beaucoup à faire pour rompre avec une démarche aveuglément productiviste, qui conduit au pire.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui traite de l’usage des produits phytosanitaires par les collectivités publiques et les particuliers dans les espaces non agricoles, ce qui représente donc 5 % de l’usage de ces produits en France, dont deux tiers pour les activités publiques, et un tiers pour les particuliers. Ce faible pourcentage peut sembler dérisoire, mais chaque pas accompli, même modeste, pour faire reculer l’utilisation des pesticides est un point positif.
Le temps nécessaire est laissé aux collectivités territoriales pour s’adapter, puisque l’échéance de l’interdiction est fixée à 2020.
Reste néanmoins posée la question des moyens.
En effet, si les communes importantes ne rencontreront pas de graves difficultés, d’autant que certaines d’entre elles sont déjà engagées dans le processus, il en sera tout autrement pour les petites communes, qui devront se doter de produits de substitution et former leur personnel. Cette question est au cœur de l’article 1er. Dans la mesure où ces dispositions concernent non seulement les espaces verts, parcs publics, cimetières, mais aussi les espaces privés et les jardins de particuliers, leur mise en œuvre implique un travail spécifique de sensibilisation de l’opinion publique et d’éducation, afin que chacun soit pleinement conscient des risques encourus, pour lui-même et pour l’environnement, avec l’utilisation des pesticides.
L’article 2 prohibe la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention de produits phytosanitaires pour un usage non professionnel. L’échéance est fixée à 2022. Nous sommes surpris de ce délai supplémentaire de deux ans : interdiction de l’utilisation dès 2020 et interdiction de vente en 2022. Pourquoi autoriser la vente de produits dont l’usage est déjà interdit ?
Nous nous interrogeons également sur les conditions et les moyens de contrôler les entreprises professionnelles privées qui se verront confier un marché public d’entretien des espaces verts par une collectivité territoriale, ainsi d’ailleurs que pour une entreprise paysagiste entretenant le jardin d’un particulier.
L’article 3 de ce texte impose au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport sur les freins juridiques et économiques qui empêchent le développement des substances à faibles risques telles que définies par le règlement communautaire de 2009.
Il est en effet nécessaire de lever les entraves à l’utilisation de ces substances à la fois peu onéreuses et non nocives puisqu’elles sont des produits naturels de substitution tels que le purin d’ortie, les pulvérisations de sucre, d’ail, d’argile ou de vinaigre blanc – je ne vous cache pas que j’ai beaucoup appris en lisant ces textes ! Leur mise sur le marché est nécessaire, avec un accompagnement éducatif en direction des particuliers.
Pour conclure, cette proposition de loi, bien que de portée limitée, constitue une indiscutable avancée. Elle doit évidemment être considérée comme une étape vers l’affirmation d’une véritable volonté politique visant à faire prévaloir au niveau national et européen la santé et la protection de l’environnement sur les intérêts mercantiles de l’industrie chimique.
Bien entendu, cette vigilance doit également s’exercer dans le cadre de la négociation du traité transatlantique de libre-échange avec les États-Unis.
Notre groupe votera donc ce texte sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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Jacqueline
Fraysse

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