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Protection des navires

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs et madame les rapporteurs, je retrouve avec plaisir la commission du développement durable au sein de laquelle j’ai siégé pendant plusieurs années. Je me limiterai à lire le discours qui a été préparé par mon collègue Patrice Carvalho. Il m’a demandé de le remplacer ce soir suite à un empêchement imprévu. Vous ne retrouverez donc pas mon style habituel : je vais lire avec une certaine neutralité ! (Sourires.)
M. Nicolas Bays, rapporteur pour avis. C’est dommage !
M. André Chassaigne. À l’évidence, la piraterie maritime fait peser sur le commerce international et la sécurité des approvisionnements une menace qui s’est accrue.
Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure pour avis. Particulièrement en Auvergne ! (Sourires.)
M. André Chassaigne. L’enjeu n’est pas anodin si nous considérons que 90 % du transport des marchandises dans le monde s’effectue par voie maritime. Les données chiffrées sont impressionnantes, comme l’ont déjà dit plusieurs intervenants depuis le début de cette discussion – vous constatez que j’ai écouté les orateurs précédents !
Au total et toutes zones géographiques confondues, le Bureau maritime international a recensé deux cent trente-quatre attaques depuis le début de l’année 2013. Selon les années, entre trois cents et cinq cents marins sont concernés par des actes de piraterie, qui causent entre cinq et vingt-cinq morts par an.
Au coût humain, qui est inacceptable, s’ajoute un coût économique pour les armateurs, qui est évalué entre 7 et 12 milliards de dollars par an, en raison du surplus de carburant nécessaire à l’accélération de la vitesse de transit dans les zones à risque, du surenchérissement des assurances ou encore des dépenses supplémentaires de sécurité.
Il faut néanmoins observer que les actes de piraterie se concentrent sur des espaces limités et identifiés, en général à proximité de passages étroits, dans l’Océan Indien et en particulier le golfe d’Aden, qui constitue le passage obligé vers le canal de Suez par lequel transite 15 % du pétrole mondial et la totalité des échanges par conteneurs entre l’Europe et la Chine. Autres endroits à risque : le bassin somalien, le golfe de Guinée, l’Indonésie, les détroits de Singapour et le Bangladesh.
De nombreuses initiatives ont été engagées au niveau international et européen et la France y a pris sa part. Je pense à l’opération Atalante lancée dans le golfe d’Aden à l’initiative de l’Union européenne ainsi qu’au dispositif français de contrôle naval instauré dans l’océan Indien et dans le golfe de Guinée.
La question du renforcement de ces initiatives internationales et européennes doit être posée afin de les rendre plus efficaces. Nous constatons, en effet, que là où elles ont été conduites, les actes de piraterie reculent. À l’inverse, d’autres s’opèrent là où des dispositions n’ont pas encore été prises.
Le projet de loi qui nous est soumis concerne la protection à bord des navires qui battent pavillon français ou relèvent d’intérêts français.
En l’état actuel de notre droit, l’État met à disposition des propriétaires ou des exploitants de bâtiments exposés à un risque de piraterie des équipes de protections embarquées. Le dispositif représente plus de cent cinquante personnels militaires de la marine nationale, dont un nombre limité de fusiliers marins ayant reçu une formation et un entraînement adaptés.
Ces unités, au nombre de vingt-six, sont amenées à intervenir dans les zones à risque que j’évoquais tout à l’heure.
En raison de moyens et d’effectifs limités, la marine nationale ne peut répondre à toutes les demandes de protection des navires français. Elle couvre néanmoins 70 % des vingt-cinq à trente-cinq demandes reçues chaque année, ce qui n’est pas négligeable mais demeure insuffisant.
Un dispositif semble donc s’imposer par le recours à des protections privées. Un nombre important de nos partenaires européens parmi les plus proches a franchi le pas. Je mesure bien qu’un défaut de réponse suffisante pour garantir la sécurité des navires mettrait en cause l’attractivité du pavillon français et donc son avenir.
Néanmoins, toutes les garanties doivent être prises. D’abord, la protection privée des navires ne saurait se substituer à la coopération des États pour sécuriser les zones à risque. Je l’ai dit tout à l’heure : ainsi, nous obtenons des résultats. Il faut donc étendre cette intervention à toutes les zones à risque par des accords multilatéraux.
Le deuxième élément est que nous ne saurions accepter ce qui s’apparenterait à des réseaux de mercenaires, comme l’a évoqué le rapporteur. Cette exigence pose la question du recrutement, de ses critères, de la validation professionnelle au regard de la formation et du parcours du postulant.
Qui, en effet, va former ces personnels ? Car cette formation repose sur la nécessité de bien connaître et maîtriser la vie et l’activité maritimes. Cette connaissance-là ne s’improvise pas.
En second lieu, il y a le maniement des armes. L’intervention armée relève du droit régalien des États dans le respect du droit international. Des agents privés ne peuvent faire usage de leurs armes qu’en cas de légitime défense.
Or ces personnels auront à faire face à des actes de piraterie consistant notamment à prendre un navire d’assaut, ce qui relève, par leur forme, d’actes de guerre.
Ils seront donc amenés à organiser une riposte à la hauteur de l’attaque, comme ont mission d’y procéder des militaires. Nous sommes loin des évaluations de la légitime défense, mais bien dans une logique d’affrontement militaire.
Si nous voulons sortir de cette ambiguïté juridique aux conséquences qui peuvent être graves, nous avons besoin de préciser l’articulation à établir entre la protection privée à bord des navires et le recours à des forces militaires dans le cas d’affrontement armés relevant de leur compétence.
Quel que soit l’intérêt de ce projet de loi, nous voyons bien qu’un certain nombre de questions se pose encore. Nous ne doutons pas que les réponses seront apportées durant nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Source photo : Flickr - Alain Bachellier

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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