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Pt déontologie et droits et obligations des fonctionnaires

Depuis les grandes lois de 1983, 1984 et 1986, le statut général de la fonction publique n’a cessé d’évoluer : plus de deux cents modifications législatives et trois cents modifications réglementaires. Il a subi d’importantes régressions. C’est ainsi que dès 1987, la loi Galland a élargi les possibilités de recours aux contractuels et permis, dans la fonction publique territoriale, de choisir les agents discrétionnairement sans tenir compte des classements aux concours, tandis que le trop célèbre amendement Lamassoure remettait profondément en cause les conditions d’exercice du droit de grève dans la fonction publique d’État.
M. Jean-Luc Laurent. Bon rappel !
M. Marc Dolez. Sous la précédente majorité, la loi « mobilité » de 2009 a introduit l’intérim dans la fonction publique, étendu encore la possibilité de faire appel à des contractuels et créé, à travers la position de réorientation professionnelle, la possibilité de licencier un fonctionnaire pour motif économique. La même année ont été instaurés les groupements d’intérêt public comme nouvelle forme d’administration, recrutant, quelle que soit la nature de l’activité, des salariés régis par le code du travail.
Malgré tous ces reculs, le statut a fait la preuve de sa capacité d’adaptation pour répondre au quotidien à l’exigence d’exemplarité de la puissance publique et au respect de notre modèle de service public.
C’est dans ce cadre que le groupe GDR avait accueilli favorablement l’engagement du Gouvernement, à l’occasion du trentième anniversaire du statut, de réaffirmer les valeurs qui guident l’action publique, de répondre aux besoins des agents et des citoyens et de redonner du sens au service public. Malheureusement, la grande loi annoncée n’est pas au rendez-vous : les objectifs du texte qui nous est présenté aujourd’hui ont finalement été revus à la baisse. Nous regrettons également, et nous ne sommes pas les seuls, les conditions d’examen du texte car le recours à la procédure accélérée ne permet pas de tenir le débat approfondi que mérite le sujet. Cette procédure est d’autant moins justifiée que, rappelons-le, la première version de ce projet de loi avait été déposée à l’Assemblée dès le mois de juillet 2013.
Sur le fond, la nouvelle version présentée en avril 2015 visait, en premier lieu, à mettre en cohérence les dispositions du texte avec les lois sur la transparence de 2013, et prévoyait de nombreux renvois à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance. Sur ce dernier point, nous relevons avec satisfaction que le champ de l’habilitation a été sensiblement restreint par la commission des lois, avec la réintroduction dans le texte des articles relatifs à la mobilité des fonctionnaires, aux obligations déontologiques et aux évolutions statutaires des membres des juridictions administratives et financières. En revanche, nous ne soutenons pas l’extension de l’habilitation autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnance à la codification du droit de la fonction publique.
Cela étant précisé, plusieurs dispositions du texte nous apparaissent positives.
Sur le volet déontologique, nous saluons les dispositions destinées à prévenir les risques de conflits d’intérêts et à renforcer des instances de contrôle, dans la lignée de la loi organique et de la loi ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique. Si la répartition des compétences entre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la commission de déontologie pouvait sembler complexe et source d’insécurité juridique, la commission des lois a heureusement clarifié la situation et octroyé les moyens nécessaires à ces instances pour remplir efficacement leurs missions. Ainsi, la possibilité pour la commission de déontologie et pour la Haute Autorité d’échanger les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions respectives, y compris les informations couvertes par le secret professionnel, nous paraît indispensable au regard de la proximité de leurs compétences et de l’interférence des champs soumis à leur contrôle.
Constitue également un progrès notable le renforcement de la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte, obtenu en facilitant le signalement d’un conflit d’intérêts touchant le supérieur hiérarchique direct et en ajoutant les futurs référents déontologues parmi ses possibles destinataires.
S’agissant des avancées statutaires du texte, nous nous félicitons de l’abrogation de la possibilité de recourir à l’intérim dans les fonctions publiques de l’État et territoriale, même si le texte ne va pas jusqu’au bout de la logique puisqu’elle n’est pas étendue à la fonction publique hospitalière. Nous défendrons des amendements sur ce point. Il convient également de souligner l’extension de la protection fonctionnelle des agents et de leurs familles, qui répond à une réelle inquiétude des fonctionnaires.
Concernant le resserrement des possibilités de cumul d’activités, l’objectif vise à redonner toute sa force au principe selon lequel, parce qu’il est au service de l’intérêt général, l’agent public consacre l’intégralité de son activité professionnelle à l’exercice de ses fonctions. Pour autant, comme notre rapporteure l’a souligné, il ne faudrait pas que ce texte déstabilise le cadre juridique qui s’applique aujourd’hui à des pratiques parfaitement acceptables du point de vue de la déontologie, notamment pour ce qui concerne les catégories d’agents les plus modestes.
Pour ce qui est des sanctions disciplinaires, nous tenons fermement à affirmer notre opposition à l’amendement, adopté en commission, réinstaurant la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours, et la généralisant à l’ensemble la fonction publique.
Nous sommes assez dubitatifs s’agissant de l’introduction de valeurs – dignité, probité, laïcité, neutralité – dans le texte même du statut. En effet, comme le souligne Anicet Le Pors, père des lois de 1983 et de 1984, si l’affirmation de principes ancrés dans l’histoire – l’égalité, l’indépendance, la responsabilité – est nécessaire, l’affirmation de valeurs qui, contrairement aux principes, n’ont pas vocation à se traduire directement en règles de droit n’apparaît pas indispensable,…
M. Pascal Popelin. Si, tout de même !
M. Marc Dolez. …d’autant qu’au regard de la jurisprudence, étoffée en la matière, on perçoit mal quelle serait la valeur ajoutée de l’article 1er pour le statut des fonctionnaires. Alors même que nos services publics sont de plus en plus fragilisés et que les attaques contre le statut des fonctionnaires se multiplient, il aurait été plus opportun de réaffirmer les valeurs et les principes du service public et de la fonction publique.
Enfin, nous déplorons l’absence de plusieurs modifications majeures attendues par les agents et qui auraient permis de revenir sur les graves atteintes statutaires que je soulignais au début de mon propos, à commencer par la loi Galland du 13 juillet 1987 concernant la fonction publique territoriale et, par-là, le recrutement sur liste d’aptitude caractéristique du système dit des « reçus collés », ou encore la règle de la retenue du trentième indivisible en cas de grève. Nous avions sur ce dernier point déposé un amendement qui, malheureusement, a été déclaré irrecevable.
Comme je l’ai indiqué, madame la ministre, notre groupe portait sur le texte initial du projet de loi une appréciation en demi-teinte. Après les modifications apportées par la commission des lois, je qualifie désormais notre appréciation de « globalement positive ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Jean-Luc Laurent. C’est daté, cher collègue ! (Sourires.)
M. Marc Dolez. Les députés du Front de gauche voteront par conséquent ce texte, en souhaitant toutefois qu’il puisse être encore amélioré par les amendements qu’ils ont déposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

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Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

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