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Pt immigration et droit d’asile

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, mes chers collègues, une humanité en mouvement étant un facteur de paix, l’être humain n’est pas assigné à résidence, nous rappelle la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Or ce projet de loi bafoue le droit à la mobilité, liberté pourtant fondamentale, qui semble plus facile à acquérir pour les capitaux et ceux qui en possèdent. Inutile, dangereuse, martiale dans les mots, inefficace dans les actes, cette énième loi communicationnelle suit une trentaine de réformes de la législation relative aux étrangers depuis les années 1980. Le Conseil d’État nous alerte : l’urgent n’est pas de continuer à empiler des lois, mais d’en évaluer les effets.

Quant au discours accompagnant ce projet de loi, il est aussi faux que risqué. Il pilonne, martèle l’idée de l’étranger comme une menace pour l’avenir du pays, et pour sa cohésion, faisant ainsi des migrants les boucs émissaires faciles face au mécontentement et à la colère des peuples envers les politiques d’austérité.

Pourtant, l’humanité de demain se construit avec l’accueil d’aujourd’hui. Mais au lieu de mettre en œuvre une politique respectueuse des libertés et droits fondamentaux, ce projet de loi concourt au contraire à céder à la logique de la peur. Le champ lexical utilisé par M. le ministre d’État comme par le Président de la République, hier soir, le montre : « submersion migratoire », « invasion », la démographie africaine a même été comparée à « une véritable bombe ». Plutôt que de combattre la peur, vous préférez l’accompagner.

À ce jeu, malheureusement, les citoyens finissent parfois par préférer l’original à la copie. Vous préférez également répéter, quitte à tronquer la citation, que l’on ne peut accueillir toute la misère du monde. La réalité, c’est que la France ne prend même pas sa part de cet accueil.

Pour rappel, lorsque les réfugiés syriens sont arrivés, en 2015 – le président Ferrand rappelait tout à l’heure les photographies de l’enfant mort sur une plage, que l’on pouvait voir dans les médias –, la France, signataire de la convention de Genève, s’est engagée sur un nombre assez faible de relocalisations. À ce jour, elle n’a respecté que 20 % de ses faibles engagements.

Par ailleurs, ce projet de loi répond aux soubresauts changeants de la politique des sondages. À l’inverse, il est de notre devoir de combattre les fausses informations, et de rappeler qu’encore aujourd’hui, migrer tue. Près de 40 000 migrants sont morts aux portes de l’Europe depuis le début des années 1990. D’après de nombreux chercheurs, jamais dans l’histoire une migration n’a causé autant de morts. Plus l’Europe se ferme, plus le nombre de décès aux frontières augmente.

Pour reprendre les termes d’un chercheur en sociologie, si l’élite du Nord se déplace efficacement, rapidement et sûrement sur toute la planète, les migrants du Sud sont assignés à résidence dans leur pays. La mobilité est donc indolore pour les élites, mortelle pour les déshérités. L’heure est à questionner les politiques européennes d’externalisation des frontières de l’Europe, alors même que l’essentiel des migrations se fait du Sud vers le Sud.

Hier, le président Macron a affirmé que les Africains migraient essentiellement vers l’Europe. C’est faux : ils migrent essentiellement vers l’Afrique. Mais, nous le savons bien, ce discours de la submersion semble tout autoriser dans la réduction des droits.

Par ailleurs, le projet de loi n’effleure même pas le sujet des enfants placés en centres de rétention, alors que leur nombre est en constante augmentation.

Aujourd’hui, en France, des défenseurs des droits humains sont poursuivis pour leurs actions en faveur des migrants. Face à cette injustice, monsieur le ministre d’État, votre unique proposition est d’interdire le délit de solidarité, si et seulement si la personne secourue est en danger de mort. Sauver des vies devient donc légal : merci, grande nouvelle !

Dans une totale maîtrise de l’oxymore, vous juxtaposez les mots d’humanité et de fermeté comme des concepts marketing, masquant ainsi des pratiques répressives.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas face à une crise migratoire mais face à une crise de l’accueil migratoire. Ce texte est un contresens historique. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi qui affaiblit notre pays, le pays des droits de l’homme.

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