Interventions

Discussions générales

Pt réglement comptes 2015 - Nlle lect

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui en nouvelle lecture le règlement des comptes de l’année 2015. Il s’agit ici de faire le bilan final de l’exécution budgétaire de l’année précédente, d’en tirer les enseignements pour 2016 et de préparer les débats budgétaires pour 2017, qui se tiendront à la rentrée prochaine.
Mes chers collègues, on ne saurait aborder ces débats sans parler d’Europe, car celle-ci est aujourd’hui au cœur des orientations budgétaires des États de la zone euro. Le Portugal et l’Espagne ne viennent-ils pas de faire l’objet d’une procédure pour déficit excessif, qui les soumet à une possible sanction financière ? Force est de constater que, depuis vingt ans et l’instauration de l’euro comme monnaie unique, l’intégration européenne s’est considérablement renforcée sur le volet budgétaire. On a d’abord eu le traité de Maastricht et le pacte de stabilité et de croissance, qui ont institué les sacro-saints indicateurs de déficit et de dette, considérés comme excessifs dès lors qu’ils dépassent respectivement 3 % et 60 % du produit intérieur brut.
Après l’explosion de la crise financière, les normes se sont empilées : six pack, two pack, ou encore le fameux Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de 2012, le TSCG, que le candidat Hollande promettait de renégocier puisqu’il gravait dans le marbre l’austérité éternelle pour les peuples européens. On connaît la suite de cette promesse malheureusement restée lettre morte. C’est finalement un véritable corset budgétaire que les États européens ont progressivement consenti à endosser. Ils peuvent même faire l’objet de sanctions, comme je l’évoquais préalablement pour les cas espagnol et portugais.
Ainsi, lorsque les États ont une dette publique supérieure à 60 % du PIB, ce qui est le cas de la plupart des membres de la zone euro, ils sont contraints d’adopter un rythme de réduction du déficit structurel supérieur à 0,5 % du PIB par an et de mettre en place des réformes dites structurelles. Telle est d’ailleurs l’origine de la funeste loi travail, largement minoritaire dans le pays, et que l’on impose aux Français à coups de 49.3.
Par ailleurs, les dépenses publiques, vues comme le mal absolu, sont naturellement ciblées par l’Europe : leur augmentation ne saurait dépasser ce que l’on appelle la croissance potentielle. Et si l’État ne rentre pas ou plus dans les clous fixés, il peut être sanctionné d’une amende qui peut aller de 0,2 à 0,5 % de son PIB. Cette Europe de l’austérité, qui punit plutôt qu’elle ne protège, cette Europe loin du terrain, les peuples n’en veulent plus ! Ce corset budgétaire n’est d’ailleurs certainement pas étranger au désenchantement des populations à l’égard d’une technostructure bien incapable de proposer des perspectives politiques positives à toutes et à tous.
Dès lors, la France doit saisir le Brexit comme une opportunité. Depuis le référendum britannique, l’Union européenne cherche sa voie pour se réformer et recréer ce lien essentiel avec le peuple. Tour à tour, les dirigeants européens prennent la parole pour dire que rien ne saurait être comme avant. Ainsi du Président de la République, qui déclarait le 30 juin dernier que « l’immobilisme conduirait tôt ou tard à la dislocation ». Ainsi du Premier ministre, qui appelle à la « refondation » de l’Europe. Bien plus que des paroles, la situation exige des actes forts. Si notre pays n’endosse pas le rôle que l’histoire l’oblige à jouer, l’Europe se condamnera au statu quo, à l’immobilisme et à la rupture définitive avec les peuples.
Oui, notre pays doit prendre ses responsabilités : nous devons jouer cartes sur table avec l’Allemagne et combattre les projets rétrogrades portés par les néoconservateurs d’outre-Rhin. M. Schäuble, le ministre allemand des finances, n’est-il pas en train de préparer un contre-projet visant à renforcer la répression à l’égard des pays en déficit et ainsi tenter de tuer dans l’œuf tout projet politique européen ambitieux mettant la démocratie, l’emploi et l’investissement au premier rang des priorités ?
Que propose-t-il ? Tout simplement de permettre à l’Union européenne de rejeter les budgets nationaux si ceux-ci ne remplissent pas les critères du pacte de stabilité que j’évoquais à l’instant. Aussi propose-t-il le non-versement des aides structurelles si un État décide de ne pas se soumettre aux réformes exigées par Bruxelles. Enfin, considérant la Commission européenne comme trop politique, il conviendrait, selon lui, d’en réduire les prérogatives en matière budgétaire et de les confier à une autorité indépendante.
Ces propositions sont tout bonnement ahurissantes. Mais à vrai dire, elles ne sont guère surprenantes quand on en connaît l’auteur. Elles visent à mettre la règle au cœur de la question budgétaire afin que celle-ci s’applique de manière ferme et uniforme. Pis, elles visent à rompre définitivement le lien entre le pouvoir politique et les questions budgétaires, ce qui est par nature profondément antidémocratique. On confierait ainsi à des experts indépendants, des techniciens censés être neutres, le soin de juger la qualité des orientations et de l’exécution d’un budget, le mettant ainsi à l’abri des soubresauts de la vie politique et démocratique.
Ces propositions sont de la pure folie ! Quel est donc leur but ? En réalité, elles visent à garantir le statu quo, et c’est bien là notre crainte. En préparant un projet politique délirant, le ministre allemand des finances veut s’assurer de contrecarrer tout projet politique de solidarité, qu’il voit comme profondément néfaste.

Imprimer cet article

André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

Sur le même sujet

Finances

A la Une

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques