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Question à la Garde des Sceaux sur la procédure d’amende forfaitaire au délit d’usage illicite de stupéfiants

Madame la garde des sceaux, au moment où s’ouvre un débat sur l’allégement des peines liées à la consommation de cannabis, avec la mise en œuvre de simples contraventions pour les fumeurs pris sur le fait, il nous semble urgent d’ouvrir un vrai débat sur les politiques préventives.
Il existe de fortes inégalités face à la consommation de cette substance, avec – si vous me permettez ce raccourci –, d’un côté, les « bobos », dont la consommation est récréative et ludique, et, de l’autre côté, des consommateurs en grande difficulté sociale, qui sont plutôt dans une logique de « défonce ».
La dépénalisation, ou plutôt – puisque la décision n’est pas encore prise – le pas en avant vers un allégement des peines, s’il règle le problème d’engorgement de la justice, n’aura pas d’effet sur les conséquences sanitaires et sociales préoccupantes d’une consommation massive qui touche une frange importante de la population.
Aujourd’hui, la médecine scolaire est laminée, par manque de moyens. Elle est dans l’incapacité de s’engager dans les contrats locaux de santé. Trop souvent, l’éducation nationale est aux abonnés absents pour la mise en œuvre de ceux-ci, alors que l’école serait le lieu idéal pour développer des politiques préventives efficaces en direction des jeunes exposés aux risques du cannabis.
Il en va de même pour la médecine du travail : alors que les visites médicales dans le cadre professionnel permettraient de lancer une vaste campagne de sensibilisation et de prévention, la médecine du travail a elle aussi été égratignée, laminée, démantelée.
Ma question est simple, madame la garde des sceaux : au moment où vous prônez des mesures d’allégement, de désembouteillement (Exclamations et rires)… de désembouteillage, pardon, des tribunaux dans le cadre de la lutte contre le cannabis – que voulez-vous, c’est la mode d’inventer des mots nouveaux, comme « gréviculture » ! (Sourires) –, envisagez-vous, dans le même temps, de développer une véritable campagne de prévention pour accompagner votre projet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le député, tout d’abord, je ne peux pas vous laisser parler de « dépénalisation » : je crois vous l’avoir expliqué, nous maintenons la nature délictuelle de l’infraction ; simplement, nous la sanctionnons pour partie d’une manière différente par l’intermédiaire de la forfaitisation.
Sur le fond, ma collègue Jacqueline Gourault a déjà répondu partiellement à votre question. J’insisterai sur le fait que, s’agissant des mineurs, les niveaux de consommation sont extrêmement préoccupants et appellent, comme vous le soulignez, le renforcement des actions de prévention. C’est bien ce que fait l’éducation nationale – j’ai évoqué tout à l’heure les dispositions qui étaient obligatoires en son sein.
Les professionnels de santé qui relèvent de l’éducation nationale – médecins et infirmières scolaires – concourent à cette mission d’information sous la forme d’actions collectives ou individuelles, mais aux côtés d’autres acteurs chargés de la prévention en milieu scolaire. Je veux à cet égard souligner l’importance des partenaires associatifs ou professionnels, comme la gendarmerie – avec les formateurs relais anti-drogue – et la police – avec les policiers formateurs anti-drogue, qui interviennent très souvent aussi.
Le plan national de mobilisation contre les addictions, dont on a parlé tout à l’heure, sera coordonné par la MILDECA ; il prévoit plusieurs mesures pour renforcer la prévention en milieu scolaire. J’en rappellerai trois : développer, dès le plus jeune âge, les compétences psychosociales des enfants – forme d’éducation indispensable – ; organiser un parcours structuré pour les jeunes afin d’assurer la cohérence des différentes interventions présentées devant eux année après année ; associer à ces interventions des équipes éducatives de l’éducation nationale, afin que la prévention des conduites addictives ne soit pas seulement la préoccupation des médecins et infirmières scolaires, mais aussi de toute la communauté des adultes en contact avec les jeunes.
Vous avez également évoqué, monsieur le député, la médecine du travail. Même s’il n’existe pas de dispositions spécifiques, dans le code du travail, sur l’usage des substances psychoactives, les médecins du travail ont évidemment la charge du suivi de l’état de santé des travailleurs. Ils sont accompagnés, pour ce faire, d’infirmières et d’infirmiers de santé au travail, qui peuvent aussi être affectés, sous leur responsabilité, à des tâches de prévention. Enfin, ils peuvent avoir recours à des médecins collaborateurs, qui ne sont pas des médecins du travail.
Par ailleurs, la pluridisciplinarité, mise en place par la loi dans les services inter-entreprises de santé au travail, permet à des professionnels tels que des psychologues ou des ergonomes d’intervenir auprès de ces mêmes salariés. Pour renforcer les capacités de repérage précoce et de prévention de la médecine du travail, la MILDECA a mis en place avec l’École des hautes études en santé publique, depuis la fin de 2015, un plan de formation des médecins du travail : à raison de deux sessions par an, médecins et infirmiers sont formés à l’utilisation d’une méthode validée par la Haute autorité de santé pour le repérage des conduites addictives.
Sera également mis en place un plan de prévention collective de conduites addictives dans les entreprises et les administrations. Cette formation a été intégrée par le ministère du travail dans le plan « santé au travail » 2016-2020. De plus, le futur plan national de mobilisation contre les addictions insiste sur l’importance qu’il y a à faire de la lutte contre les conduites addictives une priorité de la santé au travail.

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)

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